Julius Erving : la classe de Dr J, le meilleur remède du monde
Le 22 févr. 2022 à 10:49 par David Carroz
De Rucker Park à la NBA en passant par l’ABA, Julius Erving s’est forgé une carrière, un palmarès et une renommée qui ont marqué des générations entières de basketteurs. Il faut dire que soir après soir, match après match, le Docteur a opéré avec précision sur les différents terrains, toujours avec le même style : classe, cool et aérien.
Un surnom et un joueur qui viennent de la rue
Né à Hampstead dans la banlieue de New York le 22 février 1950, c’est du côté de Long Island qu’il pose les premières notes de son répertoire, loin de son père qui s’est fait la malle après avoir divorcé, avant de mourir lors d’un accident de voiture.
Après une bonne carrière au lycée, Julius n’excite pas plus que ça les facs car la réputation basket de son bahut n’est pas folle. Aucun gros cursus ne vient frapper à sa porte, si bien qu’il atterrit – si, ça lui arrive – à l’Université du Massachusetts.
Cette absence de hype au niveau national et académique va vite être compensée. Sur les playgrounds de la ville, évidemment, en particulier celui de Rucker Park après avoir squatté celui moins reluisant de Campbell Park situé en face de son immeuble. Les regards se tournent vers lui à mesure qu’il commence à écrire sa légende sur l’asphalte mythique de Harlem lors des vacances universitaires.
Sans les contraintes du basketball structuré, il peut laisser libre cours à son style aérien, celui qui des années plus tard va enchanter les fans et servir de modèle à des petits joueurs comme Michael Jordan. C’est sur le bitume que se popularise son fameux surnom Dr J qui va le suivre toute sa carrière, tout comme le gimmick “le docteur opère ce soir” qui annonce sa présence sur le terrain pour coller quelques branlées.
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Direction ABA
Après avoir poursuivi son apprentissage en NCAA, où il cartonne pendant deux saisons malgré des règles qui n’aident pas son jeu issu de la rue – le dunk était interdit – il rejoint le monde pro. Pas en NBA, mais plutôt dans la ligue concurrente de l’époque, l’ABA. Comment pourrait-il en être autrement, lui le symbole de la classe et du cool.
C’est au sein de l’American Basketball Association, cette ligue qui a donné une grosse partie du côté spectaculaire de la NBA de nos jours, qu’il sévit après en débarquant aux Virginia Squires en 1971. Pas le choix de toute façon, seule l’ABA autorise aux jeunes hommes qui quittent la fac au bout de deux ans de passer pro, la NBA attendra. La coupe afro la plus célèbre du basketball fait des débuts pépères avec 27,3 points, 15,7 rebonds et 4 passes, dans le plus grand des calmes.
Mais les tribunes peu garnies, le manque de visibilité de la ligue et l’impression d’avoir pris une carotte financière par son agent membre de l’organigramme des Squires lui donnent des envies d’ailleurs. Il s’acoquine avec les Hawks en NBA durant l’intersaison et s’imagine déjà planer avec eux. Problème numéro un : il est toujours sous contrat avec les Squires. Problème numéro 2 : en NBA, ce sont les Bucks qui détiennent ses droits pour l’avoir sélectionné lors de la Draft 1972.
Le symbole d’une ligue
Du coup, retour en ABA, en Virginie et aux Squires. Julius Erving fait contre mauvaise fortune bon cœur en salissant ses adversaires soir après soir, dominant des deux côtés du parquet, terminant au passage meilleur scoreur de la ligue. Mais la franchise en difficultés financières se voit contrainte de vendre son joyau aux New York Nets, toujours en ABA. Qui profitent bien de l’aubaine puisqu’ils grattent deux titres de champion dans le sillage de l’ailier qui lui collectionne trois trophées de MVP de saison régulière (en plus des deux des Finales lors des titres). Le tout à la maison, car les Nets évoluent à Hampstead.
Au moment de tirer le bilan de ses cinq premières saisons chez les pro, on a connu bien pire : 28,7 points, 12,1 rebonds et 4,2 passes, on est sur des bases all-time pour Dr J. Surtout qu’au passage, il donne de la crédibilité à l’ABA. S’il n’est peut être pas le meilleur baller de l’époque toute ligue confondue – il paraît qu’un certain Lew Alcindor devenu Kareem Abdul-Jabbar se débrouille pas trop mal non plus – son impact médiatique avec son style spectaculaire font grossir sa renommée. Et donc la volonté de la NBA de profiter de ses arabesques sur les parquets. Ainsi que de son statut d’icône de la culture populaire, à l’instar de Soul Train qui cartonne au milieu des sixties et dont il est le digne prolongement dans l’univers du sport grâce à son style et son aura.
La légende se poursuit en NBA
Ça tombe bien, puisque la fusion entre les deux ligues arrive – dans la douleur pour les franchises ABA – en 1976 et les New York Nets font partie des équipes à intégrer la NBA. Sauf qu’ils débarquent sur le terrain de jeu des Knicks, ce qui durcit d’autant plus leurs conditions d’accès. Du coup, pour pouvoir tenir financièrement, les Nets vendent les droits de leur star au 76ers.
L’effet est immédiat à Philadelphie puisqu’ils atteignent les Finales NBA dans la foulée. Malgré un poster légendaire de Julius Erving sur la face de Bill Walton lors du Game 6, les Sixers s’inclinent quatre manches à deux contre les Blazers, la faute peut-être à un dernier shoot confié à George McGinnis plutôt qu’à Dr J pour arracher la prolongation et une éventuelle rencontre décisive. Ou alors à la bascule du momentum lors du fight entre Maurice Lucas et Darryl Dawkins lors du Game 2.
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Trois ans plus tard, Julius Erving est toujours au sommet et il ramène les Sixers à quelques encablures du titre. Alors oui, les stats sont un poil moins clinquantes qu’en ABA (tout de même 26,9 pions, 7,4 rebonds et 4,6 caviars accompagnés tous les soirs par 2,2 interceptions et 1,8 contre), mais sa notoriété pose les bases qui vont servir quelques années plus tard pour les stars les plus bankables de la NBA. Des deals avec de nombreuses marques, des signature shoes et même un film où il tient le rôle principal, The Fish That Saved Pittsburgh en 1979. Ça ne vous rappelle personne ? Malheureusement, la hype ne fait pas tout et c’est une nouvelle défaite en Finales pour Philly, cette fois-ci contre les Lakers et malgré une nouvelle action légendaire du Docteur, le Baseline move. Certaines mauvaises langues diront qu’un mec qui a perdu deux finales NBA ne peut pas faire partie de la discussion sur le meilleur joueur de l’histoire. Mais c’est un autre débat.
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Champion NBA, enfin
Après être allé chercher le trophée de MVP de la saison régulière en 1981 – ce qui fait de lui le seul mec avec cette récompense dans les deux ligues – il lui faut désormais récupérer le Graal, ou plutôt le Walter A. Brown (ancien nom du titre NBA, devenu en 1984 le Larry O’Brien). En 1982, les Sixers atteignent une nouvelle fois la dernière marche, encore contre Los Angeles. Et comme en 1980, il s’inclinent 4-2 face au boss final nommé Lakers où Magic Johnson et Kareem Abdul-Jabbar font la loi.
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Plus pour longtemps – enfin si, mais ils laissent quelques miettes au passage – puisque la troisième tentative de Julius Erving avec la franchise de Pennsylvanie est la bonne. Aidé par Moses Malone – ou plutôt en duo avec Big Mo – Dr J balaie les Angelinos comme quasiment tous les Playoffs. Alors certes, ils concèdent une défaite en finale de conférence face aux Bucks pour contredire l’annonce du “Fo Fo Fo” de Moses, mais la domination est totale et Julius Erving enfile enfin la bague NBA à son doigt.
Désormais âgé de 33 pige, Dr J continue d’opérer dans le bloc des Sixers, même s’il n’est plus aussi dominant. Il faut dire qu’il commence à avoir quelques kilomètres au compteur et qu’il n’a plus grand chose à prouver, même s’il maintient un niveau All-Star jusqu’à sa retraite en 1987, le temps par exemple de passer le relais à Charles Barkley à Philly. Mais aussi de profiter d’un sublime tour d’honneur des salles NBA lors de son ultime exercice, les franchises, les joueurs et le public rivalisant de classe pour couvrir d’éloges l’idole d’une génération entière dont le maillot flotte désormais chez les Nets et les Sixers.
Un style comme héritage
Il est alors temps de jeter un coup d’œil dans le rétro pour voir tout le chemin parcouru par Julius Erving. Alors oui, il y a les stats. Les récompenses. Tous les chiffres qu’on peut empiler pour raconter sa domination. Mais Dr J, c’est avant tout ce surnom, ce style, ce look, ce symbole d’une époque. Celui du passage de l’ABA à la NBA, dont il est le plus grand représentant avec son style si spectaculaire.
C’est sa rivalité avec Larry Bird, lorsque Sixers et Celtics se chicanaient en finale de Conférence en 1980, 1981, 1982 et 1985. C’est son influence sur les générations futures, nourries à ses highlights – même s’il concède que nombreux sont ceux passés sous silence car non filmés en ABA. C’est finalement cette torche transmise à Jordan, au moment de lancer la NBA vers les sommets qu’elle squatte aujourd’hui, mise en orbite par ces athlètes défiant les lois de la gravitation.
Voir Julius Erving bercer le bébé.
Julius Erving, c’est tout cela, et bien plus encore. Tellement de choses que les Top 10, les articles, les archives et autres sucreries ne pourront jamais complètement définir. Un vol qu’on aurait aimé infini. Mais il faut bien revenir sur Terre. Pour mieux redécoller ensuite.