Premier Afro-américain à disputer un match NBA. Premier Afro-américain à remporter un titre NBA (avec Jim Tucker). Rien qu’avec ces deux accomplissements, Earl Lloyd se place parmi les personnages les plus importants de sa communauté en NBA. Et bien il ne s’est pas arrêté en si bon chemin en ajoutant d’autres faits marquants, mais cette fois-ci sur le bord du terrain.
Après avoir obtenu sa bague de champion avec les Nationals en 1955, Earl Lloyd passe trois nouvelles saisons du côté de Syracuse. Les Playoffs sont toujours de la partie, mais le succès final n’est plus au rendez-vous. En 1958, le Big Cat est envoyé dans le Michigan en compagnie de son coéquipier Dick Farley contre du cash. Une nouvelle aventure commence pour Earl Lloyd chez des Pistons qui attaquent leur seconde saison à Detroit après avoir migré de Fort Wayne. Et deux ans après cette arrivée aux Pistons, c’est une autre étape qui se dessine pour Earl.
Wilt Chamberlain pousse Earl Lloyd vers la touche
Son ancien coéquipier et désormais coach Dirk McGuirre lui propose de devenir son adjoint. À 32 ans, n’est-ce pas un peu tôt pour prendre sa retraite ? Earl Lloyd hésite et demande à voir comment se passe le training camp avant de prendre sa décision. Mais lorsque les Pistons affrontent les Philadelphia Warriors lors de la préparation, Lloyd a le déclic. Il faut dire qu’en phase, un certain Wilt Chamberlain vient de finir l’échauffement de sa saison rookie et annonce clairement que celle sophomore ne sera pas moins teintée de domination individuelle de sa part. Earl Lloyd n’a plus de doute, son temps sur les parquets est fini, il est trop vieux pour ces conneries. Il accepte donc de glisser sur le banc.
Dix ans après avoir permis à la NBA de s’ouvrir en étant le premier Afro-américain à fouler les parquets de la ligue, il franchit une barrière supplémentaire : premier Afro-américain assistant coach en NBA. Une position nouvelle qui ne le protège pas du racisme. Exemple concret lors d’un déplacement à San Francisco – pourtant pas forcément la ville la moins ouverte du pays – en 1962. Étonné de voir un Afro-américain en costard sur le banc, un fan lui demande s’il est blessé, persuadé que Earl Lloyd est un joueur, pas un membre du staff technique. Il faut dire que cela fait à peine douze ans que Lloyd et ses camarades Clifton et Cooper ont ouvert la voie de la NBA pour jouer. Alors les imaginer en train de diriger – même en tant qu’assistant – une équipe…
Earl Lloyd cumule les rôles
Earl Lloyd accompagne donc McGuire pendant trois saisons, dans un rôle hybride : en plus d’être assistant, il est aussi head scout. Ce qui signifie à l’époque qu’il doit assurer seul tout le partie scouting, le reste de l’équipe des recruteurs se composant de… personne. Et il ne s’en sort pas trop mal en proposant au cours de son mandat – qui s’étend après le départ de McGuire – Ray Scott et Dave Bing qui seront draftés par les Pistons, mais aussi Earl Monroe et Willis Reed, sans être suivi pour ces pépites.
En 1965, alors que McGuire n’est déjà plus dans les parages et que le coach Charles Wolf commence sa seconde saison par deux victoires pour neuf défaites, le proprio des Pistons Fred Zollner songe à confier les rênes de l’équipe à Earl Lloyd. Mais finalement cette tâche revient à Dave Debusschere qui endosse alors le rôle d’entraîneur-joueur, privant ainsi Earl Lloyd d’une nouvelle avancée, celle d’être le premier coach afro-américain en NBA.
Le pionnier dans ce domaine va être Bill Russell en 1966, là aussi en cumulant le terrain et la banc de touche comme Debusschere. Il en est de même pour Lenny Wilkens en 1969 puis Al Attles en 1970 qui complètent le podium des premiers coachs afro-américain au sein de la ligue, tout en jouant encore. Une tendance à l’époque car avoir un joueur qui assure le boulot d’entraîneur permet d’économiser un salaire. Téma la taille des rats.
Interlude chez Chrysler puis retour aux Pistons
Lorsque Wilkens et Attles rejoignent donc Russell comme pionniers du coaching afro-américain en NBA, Earl Lloyd pour sa part s’est éloigné de la ligue. En 1968, il taffe pour Chrysler, dans la division Dodge pour laquelle il doit favoriser le recrutement d’employés de sa communauté. Et parmi les premières personnes avec qui il est en contact dans ce boulot, un certain Jim Crowe… une drôle de coïncidence – et surtout un patronyme pas super facile à porter – qui n’a aucun lien avec le peu de temps passé par Lloyd chez Chrysler.
Non, ce qui rappelle Earl LLoyd en NBA, c’est tout simplement son ancien employeur. Les Pistons sont en galère et Fred Zollner revient à son idée de proposer le poste de coach à Earl Lloyd en 1971. L’entraîneur Butch van Breda Kolff a claqué sa dém’ au bout de dix rencontres, un intérim est assuré deux matchs de plus mais il faut un gars qui maitrise un peu le contexte de la franchise pour faire le taf. Earl Lloyd accepte l’offre de Zollner car il a la sensation de rendre aux Pistons ce qu’il leur doit, eux qui ont toujours été réglos avec lui et qui n’ont jamais hésité à lui permettre d’avancer. En outre, Lloyd vit toujours à Detroit, une ville qui lui tient à cœur. Et comme sa seule exigence – avoir comme assistant Ray Scott, un autre ancien de la maison que Lloyd avait observé avant sa Draft – est approuvée par le proprio, les Pistons présentent un coaching staff 100% afro-américain.
Bien entendu, aujourd’hui on ne remarque même pas cela. Mais replaçons-nous dans le contexte de l’époque, où la NBA n’est intégrée que depuis vingt saisons. Où le premier coach afro-américain – Bill Russell – est en place depuis cinq ans seulement. Où les membres de cette communauté ne sont que trois avec une telle responsabilité, Earl Lloyd devenant le quatrième. Malheureusement, si les trois comparses de Lloyd vont connaître pas mal de succès durant leur carrière sur le banc, la sienne ne dure pas longtemps. Malgré son contrat de deux ans, il est remercié moins de douze mois après ses débuts avec un bilan cumulé de 22 victoires pour 55 défaites (20-50 puis 2-5), laissant sa place à son adjoint Ray Scott. Celui-ci obtient alors sa première opportunité à la tête d’une équipe qui va le mener au trophée de Coach of the Year en 1974, une première pour un Afro-américain. Comme quoi, même quand Earl Lloyd ne réussit pas à casser les barrières raciales, il ouvre des portes qui aboutissent aux avancées.
D’une certaine façon, c’est qui continue de faire après cette expérience qui lui permet de quitter définitivement la NBA. En effet, il va ensuite travailler au sein de la police, en lien avec les jeunes, afin de les aider à s’en sortir et à trouver du travail. Une façon d’être utile pour sa communauté, ce qui était son souhait lors de ses études, quand il se destinait à devenir professeur ou entraîneur pour faire grandir les siens.