Pourquoi la Draft NBA 2024 est-elle considérée comme “faible” ?

Le 21 juin 2024 à 17:07 par Julien Vion

1st pick Atlanta Hawks 14 juin 2024 Draft NBA
Source image : YouTube

A moins d’une semaine de la Draft NBA 2024, ce n’est un secret pour personne que la cuvée est considérée comme relativement faible. La hype est incomparable à celle de l’an dernier (avec Victor Wembanyama), surtout dans les premières places, et le dossier du jour se penche sur les raisons qui peuvent l’expliquer.

Qu’est-ce qu’un bon choix de draft ?

La personne capable de répondre à cette question peut immédiatement préparer sa candidature pour intégrer les équipes de recrutement d’une franchise NBA. Par définition, l’incertitude règne, et la cérémonie est un joli concours de nez fin qui dépasse les frontières des États-Unis. Mais cette année, l’incertain semble démultiplié et les attentes sont basses. Panorama des critères qui peuvent expliquer un phénomène plutôt rare dans l’histoire récente de la ligue.

Multiple veteran NBA execs say the same thing about this draft.

It’s the worst draft they have ever seen.

— Jeff Goodman (@GoodmanHoops) April 1, 2024

Afin d’ouvrir ce dossier, la formule introductive de Kevin O’Connor dans le Big Board The Ringer est un moyen utile de comprendre le jugement porté à la Draft NBA 2024, sans pour autant tomber dans la caricature d’une draft simplement “mauvaise” :

“Regarder la cuvée de draft de cette année, c’est comme se rendre dans son steakhouse préféré et découvrir qu’il n’y a plus de steak. Bien sûr, il y a encore beaucoup d’autres options délicieuses : vos intérieurs de confiance, des ailiers two-way à potentiel et des extérieurs qui peuvent créer leur propre tir. Mais il n’y a pas de Wagyu porterhouse comme Victor Wembanyama l’année dernière. Il n’y a même pas de consensus sur les meilleures entrées.”

La Draft NBA 2024 à la recherche d’une superstar

La premier point évident à souligner est l’absence d’un “visage” de la cuvée 2024, c’est-à-dire un prospect dont le potentiel fait saliver les General Managers aux quatre coins des États-Unis.

Par définition, la Draft NBA est un jeu de devinettes. Mais d’habitude, certaines sont plus faciles que d’autres. Même si le doute zéro n’existe pas, une franchise qui sélectionne un Zion Williamson ou un Victor Wembanyama est consciente qu’elle ne se jette pas dans l’inconnu. Cette année, malgré une belle brochette de talents, la hype ne prend pas tellement chez les fans et encore moins chez les équipes de recrutement. Un dirigeant de la Conférence Est, cité par Fox Sports, aurait déclaré :

“Il y a de bons joueurs dans cette draft. Le problème, c’est que même dans le top 3, il n’y a pas de franchise changers.”

Construire une franchise NBA, c’est essayer de trouver un athlète avec des épaules suffisamment larges. Mais le profil est rare. Alors quand il semble n’y en avoir aucun, on fait quoi ?

C’est une bonne situation ça, first pick ?

Au-delà de l’absence d’un profil phare, le premier choix de la Draft NBA 2024 ne fait pour l’instant pas consensus. A quinze jours de la cérémonie, Zaccharie Risacher semble en pole position après… des mois d’hésitations, et rien ne garantit à l’heure actuelle sa sélection par les Hawks. Il y a un an, Matas Buzelis ou Ron Holland étaient à peu près consensuels. Isaiah Collier puis Nikola Topic ont ensuite pu l’être dans les premiers mois de la saison 2023-24, tandis qu’Alexandre Sarr était numéro uno ces six derniers mois. Autant de noms, autant d’incertitude.

Si la situation a pu exister dans le passé, le phénomène est accentué cette année par la défiance en l’international, qui toujours été relativement élevée en NBA. Parce que les équipes de scouting sont historiquement taillées sur un modèle NCAA, les prospects évoluant dans une ligue plus lointaine sont souvent évalués avec un regard différent – pas forcément négatif mais différent.

Et au-delà des franchises NBA, qui se montrent régulièrement un peu paranoïaques face à ce facteur, c’est surtout les réactions des fans américains qui sont parlantes. Parce qu’ils n’ont pas l’opportunité d’observer les pépites sur des séquences entières, des matchs ou des compétitions, la précaution précède souvent la hype. Il suffit de se rappeler de l’accueil réservé à Kristaps Porzingis (2015, choix 4) ou même le rang de Luka Doncic (2018, choix 3), pour ne citer que des joueurs en Finales NBA cette année.

This reaction to the Knicks drafting Kristaps Porzingis is legendary 😭pic.twitter.com/bAqu35vIDo

— FanDuel (@FanDuel) June 21, 2023

Si Alexandre Sarr, Zaccharie Risacher, Nikola Topic ou Tidjane Salaün évoluaient en NCAA, il est sans doute probable que le ressenti – en matière d’émotions et de jugement plutôt que l’évaluation brute des qualités – n’aurait pas été le même. Par ailleurs, à l’exception de Victor Wembanyama qui a brisé la série l’an dernier, tous les first picks entre la Draft NBA 2007 et 2022 sortaient de NCAA.

Concernant le premier choix de draft, il ne faut pas sous-estimer le poids de l’étiquette. Le joueur sélectionné avant tout le monde se doit de réussir, certes. Mais il porte surtout sur ses épaules les espoirs d’une franchise. Si décalage il y a, bien que la clé de lecture ne soit pas forcément toujours adaptée ou pertinente, les réactions seront dures. C’est donc par anticipation que la plupart des observateurs s’accordent pour qualifier la draft de “mauvaise”, forçant parfois le trait. Quand l’animateur Ryen Russillo compare le first pick de la Draft NBA 2024 à Tobias Harris, on peut légèrement lever les yeux au ciel. Mais dans le fond, il explique également que l’heureux (ou malheureux ?) élu est presque déjà condamné à l’exploit.

An anonymous NBA team member says that having the No. 1 pick in this year’s draft is essentially like drafting Tobias Harris at No. 1, per @ryenarussillo pic.twitter.com/He2LqY4E0d

— NBACentral (@TheDunkCentral) May 16, 2024

La plupart des gros prospects de cette année se développeraient sans doute mieux sans le “poids de l’étiquette”. Un Risacher, Buzelis ou Sheppard peut très bien être excellent mais souffrira quoi qu’il arrive s’il est drafté dans une franchise qui en attend trop. La Draft 2024 est remplie de pépites, mais pas forcément avec le nombre de carats habituels. Ce n’est pas pour autant qu’il faut les jeter dans la rivière.

La rare homogénéité d’une loterie remplie de points d’interrogation

Au-delà du manque de consensus concernant le first pick, l’ordre de… toute la loterie (Top 14) est presque aussi incertain, et c’est un phénomène bien plus unique encore. Comme l’expliquait Zach Lowe d’ESPN il y a quelques semaines :

“Au-delà, c’est le chaos. Les responsables s’attendent à ce que plusieurs équipes étudient la possibilité de trade down de quelques places – mais elles ont même du mal à trouver un partenaire désireux de céder des assets significatifs pour remonter.”

La Draft NBA 2024 est peut-être, dans ses 10-15 premières places, l’une des plus homogènes de ces dernières années. Difficile de cerner les différences de plafond ou d’assurer à l’heure actuelle qu’un des prospects sera multiple All-Star. Peut-on d’ailleurs trouver des futurs joueurs niveau All-Star dans la cuvée ? Statistiquement… c’est presque certain.

Mais de nombreux beaux potentiels paraissent hyper séduisants… “si seulement {insérer un gros problème}”. On pense à Matas Buzelis, Stephon Castle, Nikola Topic ou Ron Holland, accusant tous des problèmes de shoot malgré de grandes qualités. Chacun d’entre eux ou presque pourrait intégrer le top 5 comme… ne pas figurer dans le top 10 s’il était plus relevé ? En résumé, ce n’est pas forcément une bonne ni mauvaise nouvelle d’avoir le pick 4, 6 ou 8. Et il est fort probable que le haut de cette draft renferme des futurs All-Stars, mais qui ? Bon courage aux hexperts.

The Hawks have had discussions with teams about potentially trading down from No. 1 overall, per @KevinOConnorNBA (https://t.co/qDdpXMF23s).

Atlanta is currently evaluating all options, but a trade-down would likely indicate Donovan Clingan as their preferred target. pic.twitter.com/N5b6A9i4rf

— Evan Sidery (@esidery) June 14, 2024

Enfin, le dernier élément à prendre en compte est l’impact de la génération COVID. A cause de la pandémie, une partie des seniors de NCAA bénéficient d’une année d’éligibilité supplémentaire. Avec cinq ans de fac au lieu de quatre ou quatre au lieu de trois, beaucoup de jeunes se présentent à la draft avec 22 ou 23 balais comme Dalton Knecht, Devin Carter ou Tristan da Silva pour ne citer qu’eux.

Et en dehors des premières places, la cuvée ne souffre pas d’un manque de talent particulier. Excepté l’âge avancé de certains qui peut poser des questions sur leur plafond, on peut nommer une tonne de role players en devenir qui vont ravir des franchises pendant plusieurs années.

Une “mauvaise draft”, le risque de l’anachronisme

Juger la qualité d’une draft à quelques jours de la cérémonie et 10 ans après n’a… rien à voir. L’affirmation peut sembler triviale mais mérite d’être rappelée. Parler d’une cuvée “comme celle de 2013” cette année n’apporte pas grand-chose si ce n’est pour rappeler qu’il y a un manque de consensus tout en haut. Les Cavaliers en 2013 comme les Hawks en 2024 sont un peu embêtés. Au-delà de ça, il est (bien) trop tôt pour dire autre chose. Et dans la cuvée d’Anthony Bennett, un discret Giannis Antetokounmpo se cachait à la place 15, dont personne ne pouvait imaginer le développement.

La Draft 2020 était également jugée “la plus faible depuis 2013” et il n’a suffi que de quelques mois pour prouver le contraire. Anthony Edwards, LaMelo Ball, Tyrese Halliburton ou Tyrese Maxey sont déjà des stars et s’amusent au bon souvenir de ces commentaires. Une analyse de The Ringer datée du 30 avril 2020 était intitulée “La classe 2020 de la NBA n’est pas faible, elle n’est juste pas riche en stars“. Résultat, c’est tout l’inverse. Et c’est exactement le propos du jour pour la cuvée 2024, qui pourrait connaître le même destin.

Enfin, notre perception de la qualité d’une draft est souvent erronée. Le jour de la cérémonie, au moins 4 ou 5 des prospects sont projetés comme All-Star potentiels et tous sont imaginés a minima titulaires précieux en NBA. Mais si l’on jette un coup d’œil aux cuvées depuis les années 2010, le résultat est bien différent. Dans le désordre, on y retrouve des top 10 assez similaires avec :

  • 1 prospect générationnel
  • 1 ou 2 autres basketteurs de calibre All-Star
  • 3 titulaires en NBA
  • 2 ou 3 joueurs de banc
  • 1 ou 2 qui terminent à peine leur contrat rookie

Excepté la première catégorie, on se rend compte que les standards ne sont pas si difficiles à remplir. D’autant que des talents cachés surgiront forcément par une fenêtre ou une trappe dans le plafond au sein des places 20, 30 ou 40.

Pour répondre à la question introductive : la Draft 2024 est considérée comme “mauvaise” ou “faible” parce qu’il manque des joueurs projetés comme des futures superstars. Mais à la lumière des éléments évoqués, on réalise que le critère n’est ni suffisant pour juger, ni pertinent à l’heure actuelle. Ce qui est certain par contre, c’est qu’elle est considérée comme la plus faible depuis une bonne décennie. La cuvée manque de franchise-changers théoriques mais n’est pas pauvre en talent. Il reste que pour Atlanta et Washington, détenir des picks aussi haut pose plus de questions que de réponses. Surtout, cela crée plus de risques d’un pick 1 ou 2 qui est “décevant” pour un joueur qui aurait pu se développer tranquillement avec une sélection plus basse. Le bon plan, c’est peut-être d’être tranquillement avec un pick 6 ou 8.

Même s’il ne semble pas y avoir de steak, le monde du basket – ou le monde tout court – peut très bien survivre avec de superbes plats végétariens tout aussi caloriques. Ça tombe bien, la cuvée en est remplie.