Playoffs Revival : Walt Frazier braque Jerry West et offre un premier titre aux Knicks
Le 15 janv. 2017 à 16:08 par David Carroz
La saison régulière, c’est sympa, les matchs se multiplient, mais on ne regarde parfois certaines rencontres que d’un œil discret. Pour vous aider à tenir dans ces instants difficiles, voici un de nos petits retours sur les grands moments de l’histoire des Playoffs. Parce que c’est à cette période de la saison que les légendes naissent et que les fauves sortent les crocs.
Si les plus jeunes fans des Knicks ne connaissent Walt Frazier que par ses vestes et costumes colorés ou en peau de vache, ou alors en tant que commentateur au langage fleuri pour le MSG Network, il est temps de leur faire une petite piqûre de rappel : avant cela, “Clyde” est surtout l’un des meilleurs joueurs de l’histoire de la franchise. Son plus grand fait d’arme ? Un Game 7 lors de Finales NBA, à surclasser les Lakers. Et même si certains se rappellent de cette rencontre de mai 1970 comme du match où Willis Reed s’est pointé pour jouer alors qu’il ne pouvait presque pas marcher, c’est bien la performance de Walt Frazier qui a fait la différence. Flashback.
Le contexte – la fin de l’ère Celtics
En 1969, c’est le début d’une nouvelle ère pour la NBA car les Celtics disent au revoir à leur légende Bill Russell qui prend une retraite bien méritée après avoir été le ciment de la dynastie de Beantown, avec onze titres depuis 1957. Autant dire que les autres franchises ne sont pas mécontentes d’avoir enfin l’opportunité de croquer dans le gâteau. En particulier les Knicks qui ont récupéré l’an passé Dave DeBuscherre, pour former ce qu’on n’appelle pas encore leur Big Three aux côtés de Willis Reed et Walt Frazier dans une équipe qui se base sur son agressivité défensive pour se faire craindre de ses adversaires. Un style peu commun mais qui permet à New York de finir avec le meilleur bilan de la Ligue, un sympathique 60 victoires pour 22 défaites qui n’apparaît même plus dans les rêves des fans actuels tant cela est éloigné de notre réalité contemporaine. 18 victoires consécutives rapidement en début de saison, la meilleure défense avec 105,9 points encaissés – soit quasiment 6 de moins que les seconds – et vous avez les ingrédients pour poursuivre dans la droite lignée de leur saison précédente où ils avaient atteint les finales de Division (pas de “Conférences” à l’époque). Et ainsi gagner le droit de représenter l’Est lors de l’ultime confrontation.
Face à eux, ce sont des habitués des Finales NBA qui se pointent, puisque les Lakers, abonnés aux défaites face aux Celtics, espèrent aux aussi mettre la main sur le titre maintenant que Bill Russell n’est plus là pour leur barrer la route. Emmenés par le meilleur scoreur de la Ligue Jerry West, MVP des Finales en 1969 malgré la défaite, les Angelinos avaient également fière allure puisque Wilt Chamberlain ou encore Elgin Baylor squattaient l’effectif de la Cité des Anges. Pourtant, le bilan est moins glorieux avec seulement 46 unités dans la colonne « W », cinquième place de la saison et seconde pour la Division Ouest.
Les premières rencontres de la série entre Knicks et Lakers sont serrées comme les shorts des joueurs, en dehors du Game 1 remporté aisément par Gotham 124-112 et du Game 6 où Hollywood impose sa supériorité pour un blow-out des familles, 135-113. Il faut dire que les new-yorkais ont dû composer sans leur pivot Willis Reed sur cette sixième manche. Le mec étant juste le MVP de la saison régulière – et accessoirement du All-Star Game – cela a pesé dans la balance. Un peu trop d’ailleurs, et les bookmakers ne donnent pas forcément cher de la peau des Knicks pour le Game 7, malgré leur retour au Madison Square Garden. A moins d’un miracle, la cuisse de l’intérieur n’ira pas mieux, la blessure contractée au Game 5 devrait le clouer sur le banc et il ne pourra donc pas apporter sa précieuse aide à ses coéquipiers.
La performance – Walt Frazier : “Willis a apporté l’inspiration et j’ai apporté la dévastation”
Et pourtant, à quelques instants du début du match, Willis Reed sort du couloir des vestiaires, se traîne jusqu’au parquet et lance les hostilités avec les deux premiers paniers de la rencontre. Oui monsieur. Le contexte est posé pour une soirée d’anthologie. Le MSG est bouillant et l’énergie apportée par cette présence inattendue fait encore monter l’ambiance d’un cran. Les Knicks ainsi mis sur de bons rails, Reed laisse les spotlights à son meneur et rampe sur le banc. Un apport chiffré minime, mais tout est parti de cet effort pour donner un supplément d’âme à son équipe. Walt Frazier fera honneur à ce dévouement, compensant à sa manière l’absence du franchise player : 36 pions, 19 passes, 7 rebonds, 5 interceptions et la démolition du moral de Jerry West. Durant le second quart-temps, alors que le meneur angelino remonte le terrain, il ralentit son dribble à l’approche de la ligne médiane. Il n’en faut pas plus pour que Walt Frazier, défenseur agressif dans l’âme qui a fait cette saison la seconde de ses sept apparitions consécutives dans la prestigieuse All-Defensive First team, saute sur sa proie. Clyde se jette donc sur le ballon, le subtilise au Logo et sprinte jusqu’au panier adverse, poursuivi par un Jerry West dépassé. Lay-up avec la faute, and one converti, adversaire atteint psychologiquement. Sur l’action suivante, les Lakers ne parviennent pas à prendre le tir avant la fin de l’horloge, et Jerry West doit rendre la gonfle à ses adversaire, sonné par la tournure des événements.
West avait l’air confus. A cet instant précis, il avait perdu le contrôle, et vous ne voyiez jamais cela arriver avec Jerry. Nous avions touché leur leader. Je savais que nous les avions en main. – Walt Frazier au sujet de cette séquence clef.
Facile à dire forcément avec le recul, mais déjà tellement évident à ce moment-là. Les Knicks avaient la main sur le match, à l’instar de leur meneur intenable. Lui dont le leitmotiv était de trouver le joueur libre pour lui confier la balle s’est retrouvé ce soir-là comme étant cet homme providentiel à qui les shoots devaient revenir, rentrant ses lancers francs (12/12) tout en continuant de distribuer le jeu comme à son habitude. Le tout saupoudré d’une défense en mode pitbull et vous obtenez un bilan plus qu’honorable qui permet de ramener le titre à New York, le premier de l’histoire de la franchise. Et si Walt Frazier a dû laisser le trophée de MVP des Finales à Willis Reed au terme de cette victoire 4-3 (113-99 lors du Game 7), il n’en demeure pas moins l’auteur d’une des plus grosses prestations de l’histoire de la NBA.
La suite – Un second titre en 1973 et des records pour Walt Frazier
Trois ans plus tard, Walt Frazier mènera de nouveau les siens au titre, le second et dernier – à l’heure actuel – des Knicks, toujours face aux Lakers, toujours avec un Willis Reed MVP, mais cette fois-ci en cinq manches. Il portera le maillot des Knickerbockers jusqu’en 1977 avant de rejoindre Cleveland pour trois saisons. Durant ses dix années passées à Gotham, la franchise a connu une période faste, rendant sexy l’art de défendre, emportant le Madison Square Garden dans son intensité sur le parquet. En quittant les Knicks, il détenait les records de l’équipe en nombre de matchs joués, points et passes. Avant que Patrick Ewing, une vingtaine d’années plus tard, ne mette la main sur les deux premières statistiques citées. Sans pour autant mettre la main sur le titre que Walt Frazier et les siens avait su rapporter à la ville.
Difficile maintenant de continuer à se moquer de ce monsieur aux costumes qu’on qualifiera d’originaux et qu’on voit tous les soirs de matchs au Madison Square Garden. Non, ce n’est pas un clown ou un excentrique, mais bien l’un des plus grands joueurs de l’histoire des Knicks. Celui qui a su élever son niveau de jeu lors d’un Game 7 des Finales NBA pour offrir le premier trophée de la franchise. Rien que pour ça, il peut même se pointer avec une veste en poils de fion, le respect lui sera quand même dû.