Vince Carter, et son impact inestimable sur le basket canadien

Le 28 août 2014 à 13:14 par Nicolas Meichel

Dans un pays comme le Canada où le hockey est une religion, le basket passera toujours au second plan. Cependant, l’engouement autour de la balle orange a progressé et est aujourd’hui bien réel dans le Grand Nord Blanc. Mais cela ne s’est pas fait naturellement. En effet, il a fallu qu’un joueur hors du commun passe par là. Son nom ? Vince Carter, Half-Man Half-Amazing.

Nous sommes au tout début de la saison 1998-1999, quelques semaines seulement après la fin d’un lock-out douloureux et l’annonce de la seconde retraite de Michael Jordan. Les Vancouver Grizzlies, franchise qui a rejoint la NBA en 1995 en compagnie des Toronto Raptors, ont du mal à s’imposer dans le microcosme NBA, tout comme dans leur propre ville. Avec des résultats désastreux, une faible affluence les soirs de match, ainsi qu’un dollar canadien dévalué, les Grizzlies ne sont pas rentables. Trois ans après sa création, la franchise de Vancouver est déjà sur le point de mourir, elle qui est menacée de délocalisation envers un environnement plus propice au développement d’une équipe NBA. Dans le même temps, les Toronto Raptors, l’autre franchise canadienne de la ligue, connaissaient logiquement les mêmes problèmes et obstacles à la réussite d’une équipe de basket au Canada. A l’époque, exporter la ligue au pays de l’érable était avant tout une expérience, et rien ne garantissait son succès. Mais en 1998, Toronto réussit à obtenir par l’intermédiaire d’un transfert au cours de la draft un jeune joueur plein de promesses, et aux capacités athlétiques exceptionnelles. Il s’appelle Vince Carter, et sort tout droit de la célèbre université de North Carolina. Les Raptors ne le savent pas encore, mais ils viennent de décrocher le gros lot. Élu Rookie Of The Year en 1999, Carter réalise une saison sophomore exceptionnelle, lui permettant de participer aux festivités du All-Star Week-end 2000 à Oakland. Un week-end qui changera à jamais l’avenir de sa franchise, comme celui du basket canadien dans son intégralité.

Le tournant du Slam Dunk Contest 2000

CARTER1Il y aura toujours un avant et un après Slam Dunk Contest 2000. Ce soir là, Vince Carter avait mis Toronto et le Canada sur la carte de la NBA. En réalisant cinq dunks les plus monstrueux les uns que les autres et en remportant le concours, Carter avait réussi à balayer en quelques minutes seulement tous les doutes qui existaient concernant la durabilité d’une franchise NBA au Canada. Avant ce week-end à Oakland, de nombreuses personnes pensaient que Toronto serait incapable de garder sa franchise. Désormais, la folie Raptors était lancée, et le basket canadien transformé. Le faible nombre de fans des Raptors augmentait en masse, et les chaines nationales avaient désormais Toronto sur leur programme. C’était véritablement le début de la lune de miel pour la franchise canadienne. Les Raptors de Vince Carter étaient rentrés dans la culture populaire, ce que les Vancouver Grizzlies n’ont jamais réussi à faire, orphelins d’une superstar pouvant leur faire franchir un cap. A Toronto, ce cap avait été franchi. A partir de là, les Raptors étaient l’équipe à suivre, l’équipe excitante du moment. A chaque match, Vince Carter faisait lever les foules par ses dunks toujours plus spectaculaires. Il était devenu Vinsanity, Half-Man Half-Amazing. Dans le même temps, Toronto devenait de plus en plus compétitif et attractif pour les joueurs, et était même considéré comme le futur de la ligue. A la fin de la saison régulière 1999-2000, les Raptors participent pour la première fois de leur histoire aux PlayOffs, cinq ans après leur création. Ils se font sweeper au premier tour contre les New York Knicks, mais les progrès réalisés au cours de la saison promettent de très belles choses pour l’avenir.

La saison 2000-2001 est celle de la confirmation. Toronto remporte 47 matchs durant la saison régulière, un record de franchise à l’époque (record battu lors de la saison 2013-2014, avec 48 victoires). L’engouement autour de l’équipe était tout simplement énorme à ce moment là :

Nous étions bons, aucune autre équipe de la ville n’était aussi bon que nous. Le niveau d’excitation, d’intensité, de participation des fans, c’était Raptorville. 

Jerome Williams, un coéquipier de Vince Carter lors de saison 2000-2001.

La valeur de la franchise double, et l’Air Canada Centre est l’une des salles NBA où l’affluence est la plus élevée. Jamais les Raptors n’avaient été aussi populaires. Et pendant que ces derniers se préparaient pour les PlayOffs, de l’autre côté du pays Vancouver perdait ses Grizzlies, qui étaient en route pour Memphis. Ces trajectoires diamétralement opposées ne sont dues qu’à un homme, Vince Carter, qui s’apprête à réaliser une postseason mémorable. Comme l’an dernier, la franchise canadienne rencontre New York au premier tour, mais cette fois ci l’issue sera différente. Les Raptors prennent le dessus en cinq matchs (à l’époque, le premier tour était au meilleur des cinq manches), et remportent ainsi la première série de PlayOffs de l’histoire de la franchise. En 1/2 Finales de Conférence, Toronto est opposé aux Philadelphia 76ers du MVP Allen Iverson, série qui restera dans les mémoires comme étant l’une des plus belles des années 2000. Face au MVP de la ligue, Vince Carter va peut-être jouer le meilleur basket de sa carrière. Après avoir inscrit 35 points dans le Game 1, puis 28 points dans le Game 2, Vinsanity va littéralement exploser lors du troisième match, où il va finir avec 50 points, dont un fabuleux 9/13 derrière l’arc (record de PlayOffs). L’Air Canada Centre n’avait jamais paru aussi bouillant. Toronto mène 2-1 dans la série, mais manque le break dans le Game 4. La série va finalement se jouer sur une septième manche décisive à Philadelphia. En ce 20 mai 2001, Vince Carter et les Raptors s’apprêtent à jouer le match le plus important de leur courte histoire. Le matin même, Carter se trouve à Chapel Hill en Caroline du Nord, pour assister à sa remise de diplôme sur le campus de l’université (il sera d’ailleurs critiqué pour cela, par la presse et certains de ses coéquipiers). Il revient à Philadelphia en jet privé afin de ne rater aucun rendez-vous avec son équipe. Très attendue, cette rencontre diffusée sur NBC a connu l’une des audiences les plus élevées pour un match de PlayOffs hors Finales NBA. Et elle tiendra toutes ses promesses. Le match, ou plutôt la série, et même la saison, va se jouer sur un shoot, un seul. Menés d’un point, les Raptors ont une dernière opportunité. A deux secondes du buzzer final, Dell Curry effectue la remise en jeu et passe le ballon à Vince Carter, qui feinte Tyrone Hill, avant de prendre un shoot en déséquilibre. La balle est en l’air, tout le monde retient son souffle. VC la voit dedans, mais elle rebondit sur l’arceau, et tous les rêves s’étaient tout d’un coup envolés.

vc'Vince Carter et Toronto ne se sont jamais vraiment remis de cette défaite. Personne ne sait ce qui serait arrivé si ce shoot était rentré, mais ce qui est sûr, c’est qu’on était là au début de la fin. Avant la saison 2001-2002, Carter signe une extension de contrat de 94 millions de $ sur six ans, mais malheureusement pour lui, les blessures vont commencer à faire leur apparition. Touché au genou, Vinsanity rate de nombreuses rencontres en 2002 ainsi qu’en 2003, et les Raptors retrouvent le fond du classement aussi rapidement qu’ils sont arrivés en haut. Le départ du coach Lenny Wilkens est également un coup dur pour Carter, qui ne s’est jamais vraiment entendu avec ses successeurs Kevin O’Neill et Sam Mitchell, deux entraineurs pour qui Vince ne rentrait pas dans les plans. Les relations entre la star et la direction de la franchise se dégradent peu à peu, alors que des rumeurs de transfert font surface. Démotivé, Carter ne donne plus son maximum, afin d’obtenir le trade qu’il souhaite. Finalement, le 18 décembre 2004, il est échangé aux New Jersey Nets contre des cacahuètes (Alonzo Mourning, qui n’a jamais joué une seule minute à Toronto, Eric Williams, Aaron Williams et deux premiers tours de draft). Suite à ce deal, la réputation de Half-Man Half-Amazing est au plus bas à Toronto. A son retour au Air Canada Centre avec New Jersey le 15 avril 2005, il est conspué, insulté. L’époque où il était le héros de toute une communauté était déjà bien loin.

Une influence énorme sur toute une génération de jeunes canadiens

Malgré cette fin désastreuse, l’impact qu’a eu Vince Carter sur toute une génération au Canada ne doit pas être oublié. Par ses dunks, ses shoots au buzzer, son style aérien, Vinsanity a apporté cette excitation, cette envie pour tous ces jeunes de pratiquer du basket. Ce n’est pas un hasard si la NBA compte aujourd’hui dans ses rangs pas moins de 14 joueurs canadiens. Parmi eux, il y en a 11 qui ont été draftés après 2010. Cela signifie que toute cette génération qui a grandi au début des années 2000 est aujourd’hui arrivée à maturité : Kelly Olynyk, Cory Joseph, Tristan Thompson, Anthony Bennett, Andrew Wiggins et les autres ont tous été inspirés par Vince Carter à un moment donné, c’était leur Michael Jordan à eux, leur héros. Sans lui, beaucoup de jeunes canadiens n’auraient sans doute jamais joué au basket, mais VC les a inspirés, leur a donné cet amour du jeu.

Myck Kabongo, Tristan Thompson et Cory Joseph font partie de cette génération de joueurs canadiens qui ont été inspirés par Vince Carter.

Myck Kabongo, Tristan Thompson et Cory Joseph font partie de cette génération de joueurs canadiens qui ont été inspirés par Vince Carter.

Kelly Olynyk, qui a grandi à Toronto et qui joue aujourd’hui chez les Boston Celtics, se rappelle bien du changement que Carter avait provoqué à l’époque :

Il a juste apporté toute cette excitation, cette passion, cet amour du jeu. On sentait qu’il y avait de l’excitation dans l’air, et l’atmosphère était incroyable. Deux ans après son arrivée, toute la communauté était excitée.

Il a réellement emmené toute une communauté basketballistique au niveau supérieur. Les gosses avaient envie d’atteindre un super niveau. Vous savez, avoir une idole permet de vous fixer des buts et des rêves, et c’est très important.

Et Vince Carter est conscient de ce qu’il a apporté :

Nous savons tous que le hockey est numéro 1. Mais tous ces jeunes qui n’étaient pas bons au hockey, ou qui n’étaient pas intéressés par ce sport, que pouvaient-ils faire ? Au début, le basket n’intéressait pas beaucoup de monde, mais d’un coup cela à commencé à marcher. C’est la raison pour laquelle c’était important pour moi de faire mes camps basket, afin de créer le buzz. Je pense que cela a permis aux gosses d’avoir une opportunité de se sentir bien par rapport au basket ici. Je sais qu’ils ont été inspirés par cela.

Vinsanity se rappelle également qu’à l’époque, quand il conduisait sa voiture autour de Toronto, il avait l’habitude de voir des playgrounds défectueux. Plus de filets, des arceaux en mauvais état, bref c’était injouable. Carter avait alors décidé, avec l’aide de la NBA et des Raptors, de remettre à neuf toutes ces aires de jeu, et d’en créer de nouvelles, afin de donner une vraie opportunité à tous ces jeunes pour qui le basket voulait vraiment dire quelque chose.

L’impact de Vince Carter sur ses gosses, sur Toronto et sur le Canada est inestimable. Il est la fondation, il est celui qui a popularisé le basket dans le Grand Nord Blanc. Si les Raptors existent encore aujourd’hui, c’est avant tout grâce à lui. Et rien que pour cela, Carter mérite d’avoir son numéro 15 au plafond de l’Air Canada Centre. En avril dernier, lors des PlayOffs 2014, Toronto avait montré à quel point le basket pouvait se faire une place dans le pays du hockey, mais cela n’aurait jamais été possible si Vinsanity n’était pas passé par là une décennie plus tôt.

En bonus, voici le Top 40 de ses dunks à Toronto, made by CLUTCH-23

Source couverture : artkor7 de TrashTalk


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