Kevin Durant et les Nets, un divorce inévitable ? Chronologie d’une année houleuse à Brooklyn

Le 03 juil. 2022 à 11:15 par Nicolas Vrignaud

Kevin Durant 14 avril 2021
Source : YouTube

L’été des Nets risque d’être l’une des intersaisons les plus sportives de la NBA. En cause ? Le départ demandé par Kevin Durant, qui emmènera très certainement dans ses bagages les restes d’un projet sportif qui a fait baver plus d’un fan et qui était – sur le papier – destiné à remporter une bague. Pourtant, KD signait il y a un peu moins d’un an une prolongation de quatre saisons avec Brooklyn. Où est-ce que ça a planté ? C’est la faute à qui ? Installez vous tranquillement, sortez votre impair et votre loupe, on part en enquête. 

Hercule Poirot, Sherlock Homes, Scooby-doo. Ces trois monstres ont beaucoup de mystères élucidés à leur actif, mais laissons leur un été de repos puisqu’ils mangent déjà des affaires tout le reste de l’année. Oui, c’est cette fois à notre tour de mettre les mains dans le cambouis et d’essayer de comprendre comment toute cette histoire entre les Nets et Kevin Durant à pu basculer. Pour ce faire, essayons d’abord d’établir une chronologie méthodique des événements, sans doute que des indices s’y cachent.

Kevin Durant has requested a trade out of Brooklyn, sources tell @TheAthletic @Stadium.

— Shams Charania (@ShamsCharania) June 30, 2022

Août 2021 : prolongation de Kevin Durant pour quatre ans chez les Nets pour 198 millions de Dollars

Les fans jubilent. Après une élimination aussi cruelle que frustrante face aux Bucks, il n’était pas impossible de voir le projet de titre dans la Big Apple prendre un peu de plomb dans l’aile. Que nenni finalement, puisque la pierre angulaire du trio aka Kevin Durant décide de repartir pour quatre saisons à Brooklyn. L’objectif est clair : cette bague, il ira la chercher avec Kyrie Irving, avec James Harden, et avec Steve Nash pour entraîneur. Le seul petit point noir à l’heure d’apposer le coup de stylo qui verrouille le destin de Durantula ? Kyrie n’est pas vacciné et ça risque peut-être de poser problème. Bon, c’est qu’un coup d’aiguille et ça se surpasse largement pour aller chercher un titre, tranquille.

Octobre 2021 : Kyrie Irving n’est toujours pas vacciné 

Le premier couic de la saison arrive… avant le début de la saison. Pour faire face à un retour d’épidémie de COVID-19 très important, la ville de New-York légifère et interdit aux personnes non vaccinées un certain nombre de choses… comme la pratique sportive en salle. Souci, Kyrie Irving est basketteur, et il n’est pas vacciné. On fait comment ? Pour l’intéressé en tout cas, se faire injecter la dose nécessaire pour rejoindre les siens est une option inimaginable. La situation est assez… gênante pour tout le monde, puisque la finalité est bien qu’un des trois joueurs majeurs de l’effectif et l’un des initiateurs du projet de base ne sera pas là lors des matchs à domicile, soit la moitié de la saison quoi. On est d’accord, ça commence à peser d’une part dans les résultats des Nets, et sans doute d’autre part sur le système de KD.

Kyrie reçoit bien une autorisation spéciale pour s’entraîner au regard de son statut de joueur NBA, mais Sean Marks prend les devants. Si Kai veut faire partie des Nets, alors Kai se vaccine, c’est aussi simple que cela. Soutenu par le propriétaire Joe Tsai, Marks réalise ici un choix très fort. Le sportif ne primera pas tant que l’homme qu’est Irving ne se pliera pas aux règles en vigueur. Si le bon sens de cette décision n’est absolument pas a remettre en cause, il est un peu d’eau en plus dans le vase de Kevin.

Décembre 2021 : vague d’optimisme et rumeurs de trade pour Kyrie Irving 

À l’heure de parer le sapin de ses meilleurs guirlandes, l’étoile que l’on installe au sommet du conifère semble sourire aux Nets et à Kyrie Irving. Un vaccin spécial produit à partir de plantes serait sur la voie de l’homologation et pourrait éventuellement convenir à Kyrie Irving. Oui mais voilà : mettre un vaccin en vente sur le marché – sans que nous soyons des experts du domaine – est un processus qui prend un certain temps. Avant une potentielle mise en circulation, pas mal d’eau aura coulé sous les ponts et dans ce scénario… c’est un trade qui devient vite l’option la plus discutée par les observateurs. Envoyer Kyrie à un endroit où les lois locales lui permettent de jouer ? Il est clair que d’un point de vue projet, ça ferait beaucoup de vagues mais le temps presse. Combien de temps encore Sean Marks va t-il devoir ronger son frein avec un joueur d’une grande valeur sportive mais remisé au fond du placard ?

Janvier 2022 : retour du dribbleur fou, genou qui fait crac et barbe qui se fâche

Après près de deux mois et demi de compétition, les Nets se maintiennent assez largement en première partie de tableau à l’Est, et tout ça sans encore pouvoir compter sur Uncle Drew. Début janvier, la décision est prise : au feu l’engagement de Sean Marks concernant l’écartement de Kyrie du groupe. Le magicien fait son retour au début du mois, uniquement pour les matchs dans les États qui permettent la pratique sportive en intérieur sans vaccin. L’avancée est maigre sur la papier, mais c’est toute la franchise de Brooklyn qui sourit. Pourquoi ? D’une part, car bon sang, Kyrie Irving qui ne joue pas au basket, quelle embrouille. On parle bien de l’un des meilleurs handlers de l’histoire du jeu, doublé d’un talent offensif hors du commun. La situation s’améliore peu a peu, et c’est sans doute une bonne chose pour Kevin Durant. Ses deux potos James et Kyrie l’accompagnent enfin sur le terrain, et même si tout est loin d’être parfait, on prend tous les jours. Souci, cette douce idylle hivernale ne durera que quelques jours, puisque c’est au tour de Kevin de devoir s’éloigner des parquets. Le genou a tourné, et la sentence est irrévocable comme dirait ce bon Denis Brogniart. Ce sont les aléas du jeu, mais bon sang que le destin est dur avec ces Nets.

Puisqu’un tel enchaînement d’événements ne suffit pas, c’est au tour de James Harden de commencer à faire des siennes. En même temps, on le comprend : le gars a signé un contrat avec Brooklyn pour deux ans, il y avait bien stipulé “groupe solide, projet de titre” sur la petite annonce dans le journal. Depuis son arrivée ? Une histoire de vaccin qui n’en finit plus, le boss écarté des terrains pour un bon moment et des défaites qui commencent logiquement à arriver par brouettes… C’en est trop. Pour Kevin, rien à faire à part prendre son mal en patience, mais bon sang quel foutoir quand même.

Février 2022 : James Harden prend congé, les espoirs de titre avec lui ? 

Le 10 février, un séisme secoue la NBA entre deux raclettes : James Harden prend ses clics et ses clacs direction Philadelphie. On vous avait dit que la moustache, que dire la barbe de Ramesse commençait à le chatouiller. L’info est tombée, le titre se jouera sans lui à Brooklyn. En contrepartie ? Ben Simmons – qui n’a pas joué au basket depuis 1912 – ainsi que Seth Curry et Andre Drummond. Pour Kevin, c’est un lourd, très lourd revers à encaisser. Avec un Kyrie encore à mi-temps, un genou qui louche et un bilan en chute libre, la situation est au plus bas. Tiens, si Sean Marks avait autorisé Kai à s’entraîner en octobre, en serait-on là ?

Mars 2022 : beaucoup de retard dans la dernière ligne droite, Kyrie à plein temps

EN-FIN. Juste avant les Playoffs, le 27 mars 2022, Kyrie Irving foule pour la première fois de la saison le parquet du Barclays Center. Trop bien, on va enfin pouvoir regarder ces Nets jouer à fond et tant pis pour Jam… Bah non en fait. Les Nets pointent à la neuvième place de l’Est, et vont devoir cravacher pour assurer une position favorable avant de jouer le Play-in. Oui, cette étape sera obligatoire car dans tous les cas, la sixième place des Bulls est bien trop loin pour imaginer se qualifier directement en Playoffs. Forcément, les réseaux sociaux sont déchaînés et se fendent la poire sur le Brooklyn complètement dans la sauce d’un Kevin Durant qui ne maîtrise rien des événements. Le gros morceau arrivé contre Harden, aka Ben Simmons, est encore et toujours convalescent et il est inutile d’évoquer son blaze avant le début du printemps en ce qui concerne un retour. Bon, ça commence quand même à pifrer sacrément mauvais cette affaire. Frustré, Kevin Durant déballera même le paquet contre son ancien pote de parquet, et spoiler les pincettes sont restées dans le tiroir.

Avril 2022 : le naufrage, en clair et en direct devant la planète basket toute entière. 

Peu de mots peuvent décrire les Playoffs 2022 des Nets. Humiliation ? Ouais en fait, ça passe pas mal. “We want Boston” que scandaient les fans de Brooklyn dans un Barclays Center bien heureux de filer en postseason après une victoire contre les Cavaliers en Play-in. Vous allez en avoir du Boston, messieurs dames. Un premier match au sommet de ce que le basket peut nous offrir et une défaite toute aussi cruelle pour les Gris. Ensuite ? Plus rien. Une marionnette vide que les Celtics s’empresseront de défoncer durant les trois matchs restants. Coup de balai, enterrement du projet des Nets en direct du Barclays Center ? En tout cas, l’échec est retentitssant. Une fois de plus, ce mot est associé au nom de Kevin Durant. Vous vous souvenez du verre d’eau de Kévine dont on a parlé plus haut ? Le calice jusqu’à la lie, comme on dit. Ce dernier est plein, déborde. Est-ce trop demandé, de pouvoir gagner tout seul ? Aura t-il encore et continuellement besoin de rejoindre des plus forts que lui pour remporter des titres ?

Juin 2022 : les ex sont champions, Kyrie a des envies d’évasion

La goutte d’eau qui fait déborder (un peu plus) le vase. Au terme d’une saison riche de rebondissements mais surtout de fun et de maîtrise collective, les Warriors sont sacrés champions. Trois ans après leurs dernières Finales NBA. Et sans Kevin Durant. Quel crève-cœur de voir qu’en plus d’être considéré par une partie des fans comme une sorte de mercenaire s’offrant aux plus victorieux, ces “victorieux” justement… arrivent à gagner sans lui. Stephen Curry – son partenaire d’alors – est au sommet de la ligue en mode night night, Klay Thompson met des tampons dans la foule en manquant de se viander, Draymond Green fait le clown dans son podcast. La pura vida quoi. Kevin, pendant ce temps là ? Toujours et encore raillé pour son incapacité de gagner. Et surtout, vivant désormais avec le fait que ces Warriors auront réussi à gagner avant ET après son passage.

Et ce n’est pas tout. Ce n’est pas tout puisque Kyrie Irving est apparemment en train de fricoter avec pas mal de GM pour se faire la cerise et aller faire criser une autre fanbase. C’est désormais presque officiel, le projet Nets s’écroule. Lakers pour un salaire de quatrième lieutenant ? Selon les insiders, Uncle Drew ne serait pas contre, rendez-vous donc compte de son envie de partir. Discret, KD ne commente rien, n’échange sans doute pas avec son coéquipier. Il observe, attend de connaître d’autres variables avant d’engager une décision. Sans doute que cette décision de son pote meneur aura été difficile à accepter. En tout cas, c’est quelques jours après que ce dernier ait finalement accepté de rempiler sur un an que le choix fatidique de quitter les Nets se sera effectué. Un champ de ruines qu’on vous dit.

Et alors inspecteur, que peut-on dire à la lumière de tous ces éléments ? 

Et bien, que Kevin Durant n’a pas contrôlé beaucoup de choses dans ce fiasco, assurément. Que cela nous plaise ou non, il n’est pas le premier responsable de cet échec. Non, Kevin Durant s’est d’abord et avant tout retrouvé dans un contexte qui a mêlé l’extra-sportif à un point bien plus important que ce qu’il faudrait pour qu’un groupe réussisse. Attention bien sûr à ce que l’avenir peut réserver puisqu’il n’est pas impossible de voir sortir des détails internes sur cette saison durant les prochains jours, qui pourraient mêler Kévigne plus directement. En tout cas, il y a certainement une cause à trouver dans la pression supportée par Durant lors de cette année. De là à dire qu’elle aura eu raison de son avenir à Brooklyn ? Pas impossible. Ceci étant dit, il faut peut-être aller chercher la cause de ce départ plus loin dans le passé. C’est bien simple, beaucoup de fans n’ont pas pardonné à KD ce 4 juillet 2016 et l’annonce du départ d’OKC pour Golden State.

Cette décision justement, est peut-être un motif de recherche perpétuelle d’une rédemption pour le joueur, qui veut enfin que le monde le reconnaisse comme un champion. Une chose qui est à noter : l’intérêt de la personne pour son image. KD à Brooklyn, dans l’imaginaire collectif ? Le mot “perdant” doit apparaître dans les premiers, entouré par une pléiades de cousins tous issus du champ lexical de l’échec. Ni une ni deux, c’est vrai que raisonnée ainsi, l’équation peut être résolue assez simplement : “Je laisse mon image négative à New York, et je pars ailleurs où les gens me considéreront enfin comme un gagnant”. Oui mais non. C’est aussi et surtout en persévérant, en ne lâchant pas le morceau que cette image va finalement se détacher du nom de Kevin Durant. Il faut peut-être laisser l’orage passer pour profiter des éclaircies plus tard, en tout cas c’est ce que l’on a lu sur nos biscuits chinois au goûter tout à l’heure. Plus sérieusement, c’est en montrant qu’il fait preuve de caractère que KD outrepassera très certainement la veste qui lui colle à la peau depuis plusieurs années.

Kevin Durant, vous êtes mine de rien un sujet très clivant. En tout cas, la planète basket risque bien de passer son été à parler de vous… malgré vous ? Chacun se fera son avis sur cette question. Pour ce qui est des Nets, cette équipe a subi beaucoup de choses extérieures au basket, et parfois le sport ne peut malheureusement pas avoir le dernier mot.