Top 30 des franchises de la décennie : les Memphis Grizzlies, à contre-courant avec l’ère du Grit and Grind (#14)

Le 18 déc. 2019 à 17:31 par Paul Quintane

Mike Conley - Marc Gasol
Source image : YouTube

Il est l’heure. L’heure de fermer la page sur les années 2010, et donc de fermer la page sur dix ans de NBA et de souvenirs plus ou moins ancrés, plus ou moins légendaires. Il y a ceux dont on se rappellera encore dans cinquante ans et ceux qui disparaitront au rythme des exploits de notre génération contemporaine, mais aujourd’hui et avec un regard tout neuf sur ces dix dernières années, nous nous sommes donc amusés à… trancher dans le vif. Place à un outsider sérieux de l’Ouest, les Grizzlies de Memphis, qui ont prit à contre-pied l’ère actuelle en nous imposant un jeu old-school.

Classer les trente franchises de la Ligue, de 1 à 30 cela va sans dire, en prenant en compte aussi bien les victoires en saison régulière que les trophées individuels, le palmarès des printemps ou les stars passées en ville. Exercice difficile, ô combien discuté et évidemment toujours discutable, mais qui aura au moins le mérite d’être posé. Exercice subjectif également, qui prend en compte des chiffres mais aussi des ressentis, et que l’on vous demandera donc de respecter ou de débattre, seulement et seulement si vous faîtes l’effort, comme nous, de vous creuser un peu les méninges et de jeter un coup d’œil derrière votre épaule, sur ces dix années de NBA qui nous contemplent.

  • Saisons prises en compte : de 2009/10 à 2018/19
  • Critères étudiés : les victoires en saison régulière, le palmarès en Playoffs, le nombre de All-Stars et les trophées individuels
  • Objectivité : celle de fans NBA

Plus que quatorze franchises à balayer, quatorze décennies de basket à résumer. Exercice difficile s’il en est, et si l’on devait résumer les dix dernières années dans le Tennessee on pourrait le faire avec ces mots : Grit, Grind, sang, sueur, larmes, Gasol, Conley, Tony Allen, Zibo, continuité.

Le bilan en régulière : 428 victoires – 376 défaites

Une équipe majeure de l’Ouest durant la première moitié de la décennie. De 2010 à 2016 ? Uniquement des bilans positifs, dont trois années de suite au dessus des 50 wins entre 2012 et 2014. La franchise de Memphis était une vraie machine en régulière. Depuis 2017 et un triste millésime à seulement 22 victoires, l’équipe du Tennessee a néanmoins basculé dans les fonds du classement de sa conférence, mode reconstruction activé après le départ une à une de ses icônes.

Le bilan en Playoffs : de la régularité et de la rigueur, jusqu’aux portes du sommet de l’Ouest

Les Grizzlies ont enchaîné sept campagnes de Playoffs de suite. Une série magnifique dans une Conférence pourtant ultra-relevée. L’équipe de Marc Gasol et Mike Conley affichait pleinement ses ambitions de titre, mais le beau tandem n’a pas su dépasser les Finales de Conférence, avec une participation pour le trône de l’Ouest en 2013 face à des Spurs magnifiques qui infligeront un sweep aux hommes de Lionel Hollins. En 2011 et 2015, les Grizzlies tomberont en demi-finales de conférence, et c’est au premier tour que la troupe se cassera les dents en 2012, 2014, 2016 et 2017. Néanmoins, afficher une telle régularité en collant son logo sept années de suite sur le tableau du tournoi des phases finales est une belle prouesse.

Les joueurs majeurs

  • Deux All-Stars (Marc Gasol x3, Zach Randolph x2)
  • Un DPOY (Marc Gasol 2013)

Le joueur de la décennie pour Memphis n’est autre que le pivot espagnol Marc Gasol. Leader de son équipe, participant trois fois au match des étoiles et obtenant en 2014 un mérité trophée de Défenseur de l’année venant récompenser l’étouffante déf de toute une organisation. Son lieutenant à la mène aurait également pu afficher une ou deux étoiles de plus à son palmarès s’il n’avait pas souffert de la concurrence démentielle de l’Ouest sur son poste car, oui, Mike Conley avait le profil d’un All-Star durant toutes ces années. A côté d’eux, Zach Randolph et Tony Allen furent magnifiques dans leurs profils atypiques, avec un répertoire au poste splendide pour le premier et une défense de cinglé pour le second. Cinq saisons également pour JaMychal Green et parmi les joueurs les plus fidèles depuis dix ans on compte également quatre saisons pour Quincy Pondexter ou ce diable de Rudy Gay, trois pour James Ennis, Courtney Lee, Beno Udrih, Jon Leuer, O.J. Mayo et… Tayshaun Prince qui, souvenons-nous, était encore titulaire lors des Finales de Conférence de 2013. Big-up aussi à un Vince Carter passé faire profiter de sa gouaille et de son expérience le temps d’un instant, et on termine évidemment avec la classe biberon actuelle, les Ja Morant, Jaren Jackson Jr. et autre Brandon Clarke qui écriront peut-être une autre belle page de l’histoire de leur franchise dans les dix prochaines saisons.

Le cinq majeur de la décennie : Mike Conley – Tony Allen – Rudy Gay – Zach Randolph – Marc Gasol

Le big-up : la Draft d’Hasheem Thabeet, parce que non, quand même, les gars…

Le souvenir du rédacteur : le thriller du 17 décembre 2014

Direction le AT&T Center de San Antonio pour jouer Tim Duncan et des Spurs sans Tony Parker ni Kawhi Leonard. Nous voilà sous la dernière minute au chrono. 25 secondes à jouer, Duncan met son lancer et donne trois points d’avance à son équipe. Sur la possession suivante, la gonfle ressort pour Conley qui envoie un rainbow shot. Égalisation. Remise en jeu San Antonio après un temps mort du Pop. Boris donne à Manu qui drive et ressort sur Danny Green à trois, beaucoup trop ouvert pour un Danny Green. Ficelle. Il reste 2,5 secondes sur l’horloge.

Respiration.

Remise en jeu (encore !) pour Memphis. Défense de fer des Spurs (encore !), Courtney Lee en galère envoie la balle à Gasol quasiment trois mètres derrière la ligne à trois. Manu le colle bien, ne fait pas la faute que tout le monde attendait et reste sur ses appuis. C’est à ce moment que Marco va faire un truc que même cinq ans plus tard… on ne s’explique pas. Il bricole avec son pied de pivot pour contourner Ginobili et balance en déséquilibre un ave maria devenu mythique. La sonnerie retentit et la balle touche la planche avant de se loger dans le panier. L’action est tellement folle que la salle explose de toutes parts. Le commentateur lâche du plus profond de son âme “Oh my goodness !”. Prolongation numéro une. Le match prend alors une nouvelle dimension, là où les défenses se verrouillent davantage et où inscrire un panier devient synonyme de mission impossible.

Respiration.

A 10 secondes de la fin les Grizzlies égalisent après un pétage de plomb ginobilesque et un lay-up manqué de Zibo mais bien suivi par… Marco, encore lui. Prolongation numéro deux. Une minute à jouer, +1 San Antonio. Sueurs sur le front et gorge sèche pour tout le monde. Conley transmet à Carter qui fait l’extra-passe directement pour Lee dans le corner. Ficelle (encore !) et Memphis repasse devant. Avantage de deux, et 2,6 secondes à jouer, balle San Antonio dans la moitié de terrain adverse. Re-défense de fer et remise en jeu catastrophe mais cette fois avec les rôles inversés. Duncan récupère la gonfle en tête de raquette, Gasol défend parfaitement. Le numéro 21 pose un dribble et lâche une prière à son tour. La sonnerie retentit (encore !!), quelques crises d’angoisse sont constatées dans la salle, mais les fans ne sont toujours pas au bout de leurs surprises. Pas seulement la planche pour Tim, trop facile sinon, mais la balle qui rebondit 3, 4 ou 5 fois sur l’arceau avant de tomber dans le cercle. “Oh my goodness !” numéro deux pour le gars au micro. Prolongation numéro trois. Les joueurs sont sur les rotules. Seulement cinq points inscrits dans ce dernier segment pour les Spurs. Les Grizzlies en mettront six. Suffisant pour remporter tout simplement l’un des matchs de basket les plus fous de l’histoire.

La forme actuelle

Mode reconstruction activé, et la jeunesse actuelle du Tennessee est au moins aussi excitante que le nombre de leurs défaites élevées. Ja Morant a déjà mis Kyrie dans sa popoche arrière et est bien parti pour devenir le ROY 2020, Jaren Jackson Jr. ne prend pas un rebond et fait trop de fautes mais est un génial attaquant, Brandon Clarke assure en sortie de banc et Jonas Valanciunas pêche par son inconstance mais réapparait parfois pour coller un 25/15 de nounours. Tout autour le roster est un peu… suffisant, mais il est surtout suffisant pour entourer la jeune garde avide de progrès. Pour résumer ? On perd mais on progresse, que demande le peuple.

La projection pour la décennie 2020

Comme expliqué dans le paragraphe précédent, le duo Morant-JJJ peut devenir une délicieuse suite à celui composé jadis par Mike Conley et Marc Gasol. Toutefois les profils sont différents, tout comme l’identité instaurée. Fini le Grit and Grind, place à du jeu rapide en transition avec un meneur mobylette. Autour d’eux, plusieurs jeunes pouces à développer mais à l’état encore embryonnaire. Dillon Brooks, Brandon Clarke, Yuta Watanabe, De’Anthony Melton, Grayson Allen et le cas social Josh Jackson, avec bien la moitié d’entre eux qui ne devraient être plus que des souvenirs d’ici un an ou deux. Pas encore de vraie certitude donc sur ce noyau, mais chacun des gamins cités aura l’opportunité de se développer. Nul doute que Memphis aura – de plus – des picks de Draft haut placés dans les prochaines années, mais quand l’axe 1-4/5 de l’équipe est déjà assurée, votre transition est probablement sur de bons rails.

Toujours couillu de proposer un jeu aux antithèses de la tendance générale. Avec son bon vieux Grit and Grind incluant défense de fer et jeu sur demi-terrain dans les mains d’intérieurs doués, Memphis a fait galérer bon nombres d’opposants à l’Ouest. Des régulières ultra-solides se sont enchainées et sept participations de suite en post-season c’est colossal (en point de comparaison les Warriors n’ont pas su faire mieux). Le beau duo Conley-Gasol a naturellement pris de la bouteille mais a également connu les pépins physiques qui vont avec. Résultat, les deux stars ont fini par plier bagage. Marco fut transféré à Toronto et fera connaissance avec un sacre NBA tandis que Conley assure désormais la mène pour le Jazz. Les deux maillots de ces légendes seront retirés… et la transition pour Memphis est déjà consommée.