Le billet d’Alex : la confiance entre dirigeants et joueurs, la clé du marché

Le 09 févr. 2022 à 13:16 par Alexandre Martin

Couv confiance James Harden Bradley Beal Damian Lillard
Source : Youtube @NBA / montage

Alors que la Trade Deadline approche à grand pas avec une ligne d’arrivée positionnée demain jeudi 10 février à 21 heures (horaire de Châteauroux), quelques General Managers sont déjà passés à l’action pendant que d’autres laissent courir les rumeurs et se laissent encore un peu de temps pour examiner les situations auxquelles ils font face parce qu’elles sont complexes. Dans ce contexte, un paramètre pourtant primordial est trop souvent relégué au second plan derrière l’argent et les ambitions sportives : la confiance entre dirigeants et joueurs. 

La confiance… Celle qui est si importante, si difficile à gagner et tellement facile à perdre. Elle finit toujours par revenir sur le devant de la scène même dans les affaires où il paraît possible de réunir toutes les conditions qu’elles soient financières et/ou sportives. Dans la plupart des gros trades ou signatures de contrat, la confiance devient la donnée centrale. La donnée qui peut et va faire la différence pour pousser un GM ou un joueur vers un choix plutôt qu’un autre. C’est d’ailleurs une des grandes questions, quasiment quotidienne, du métier de General Manager : à qui se fier quand un choix crucial est à faire ? À ses joueurs, même quand ils traversent de mauvaises passes ou quand les rumeurs de départ sont de plus en plus insistantes ? Aux discussions eues avec eux ou leur entourage ? Aux analyses du staff de la franchise ? Aux experts en tout genre ? Aux infos véhiculées par les insiders ? On en revient au fait que la relation entre le front office et le joueur reste souvent la clé du marché. Trois gros joueurs sont actuellement dans des situations où cette confiance va être aussi centrale que mise à l’épreuve dans les prochaines heures et probablement plus encore à l’été. 

Premier cas, celui de Bradley Beal. Pas le plus complexe à première vue mais très parlant pour étudier l’impact de cette notion de confiance. L’arrière est dans sa dixième saison en NBA et il les a toutes effectuées à Washington. Et même si Tommy Sheppard n’est que dans sa deuxième année en patron du sportif de la franchise de la capitale, il ne faut pas oublier que ce bon Tommy fait partie du front office des Wizards depuis longtemps. Il a servi en tant que Vice-Président des Opérations Basket sous le commandement d’Ernie Grunfeld dès 2003. Il a vu passer Gilbert Arenas et a fait partie de l’équipe qui a voulu construire le roster autour de l’ex-futur meilleur backcourt de la ligue : John Wall – Bradley Beal. Sheppard a vu Beal arriver en NBA et il semble que les deux hommes aient une ligne d’échange bien saine depuis que le premier est aux commandes. Néanmoins, de sacrées décisions sont à prendre de la part de Sheppard et son staff. Car l’incapacité des Wizards à construire un groupe vraiment compétitif autour de Beal génère de plus en plus de bruits autour de la situation contractuelle de ce dernier. 

L’hypothèse principale est que, malgré sa blessure au poignet qui va le priver de la fin de la saison, Beal voudrait décliner la player option qu’il a sur sa dernière année de contrat (36,4 Millions de dollars) pour tout de suite signer une prolongation pouvant aller jusqu’à 245 Millions sur 5 ans. Une somme bien rondelette que les Wizards paraissent prêts à miser sur leur All-Star mais celui-ci se pose également des questions quant à la solidité du projet sportif… 

C’est là qu’on en arrive aux questions qui fâchent ou du moins, peuvent fâcher. N’est-il pas contradictoire pour un joueur tel que Beal – qui malgré tout son talent n’a pas vraiment prouvé qu’il avait l’étoffe d’un franchise player d’une équipe qui va loin – de vouloir prendre le max du max tout en clamant vouloir un groupe compétitif ? Les Wizards ont-ils vraiment intérêt à miser autant sur Beal quand on voit l’impact régulièrement nocif de ces énormes contrats max ? Des questions qui doivent d’autant plus résonner que l’ami Bradley fait sa moins bonne saison des cinq dernières années avec notamment son pire pourcentage de réussite à trois points depuis qu’il est dans la ligue. Tommy Sheppard a-t-il suffisamment confiance en son joueur pour lui octroyer le contrat réclamé sans hésiter ? Doit-il craindre que ce même joueur ne se lasse rapidement et ne devienne un boulet sans autre motivation qu’une demande d’échange ? A l’inverse, Bradley Beal croit-il assez en les aptitudes de son GM à continuer efficacement le travail entamé afin de faire de Washington une place forte ? Les risques d’un si gros contrat sont réels pour les Wizards mais ils ont encore quelques mois pour trancher car vu la courbe des résultats de l’équipe, on ne s’attend pas à grand-chose d’ici l’été. La confiance entre Sheppard et Beal va être mise à rude épreuve. La solidité de ce lien sera le paramètre décisif dans les négociations contractuelles à venir et probablement le seul angle d’attaque pour les Wizards s’ils veulent tenter de faire entendre un point de vue d’équipe et d’ambition sportive à Beal. . 

Le deuxième cas est celui de James Harden. Sans conteste le gros morceau, celui qui alimente les rumeurs depuis plusieurs jours et pourrait déboucher, soit dans les prochaines heures soit à l’été, sur un trade ou une signature en tant qu’agent libre du barbu le plus connu de la planète orange. Car au-delà de la question du niveau de motivation James Harden, de sa compatibilité (mentale ?) avec Kyrie Irving ou des ajustements tactiques qu’il faudrait faire autour des deux, le vrai sujet qui doit hanter les nuits de Sean Marks concerne bel et bien les assurances qu’il peut avoir à propos de la future décision d’Harden à l’été s’il ne le trade pas d’ici demain 21 heures. 

Beaucoup de choses ont été dites ou écrites sur le cas Harden ces derniers jours et deux hypothèses s’affrontent. Celle des Sixers qui consiste à expliquer que James Harden va quitter les Nets cet été afin de se tester, pour la première fois de sa carrière, sur le marché des agents-libres. Celle des Nets qui se base sur le fait qu’Harden ne va nulle part, qu’il va prolonger cet été (bagué ou pas) parce que le projet de titre est là et qu’il tient la route. L’aspect financier reste une donnée importante évidemment ici car le Barbu va coûter très cher mais on voit bien que ce qui va primer est du domaine de la confiance. Celle d’Harden dans les projets sportifs qui s’offrent potentiellement à lui. Le gaucher a-t-il plus confiance en Sean Marks ou en Daryl Morey pour construire un environnement qui lui convient dans un effectif qui joue le titre ? Vraie question. Le projet Nets, avec trois superstars, apporte quelques très belles garanties sur le papier même si la spirale actuelle est très négative entre la blessure de Kevin Durant, le mi-temps de Kyrie Irving et les défaites qui s’enchaînent dangereusement. 

Autre vraie question : avec la pression de la deadline qui monte, les Nets doivent forcément se soucier de cette situation qui ne cesse d’empirer. L’heure n’est pas à la panique mais Sean Marks doit inévitablement regarder les choses en face et se demander jusqu’à quel point il peut avoir confiance en James Harden. Si jamais Harden décide in fine de décliner sa player option cet été et de signer ailleurs, sera-t-il enclin à un sign-and-trade qui permettrait à Brooklyn de ne pas se retrouver avec rien en échange de son Barbu ? Et si jamais Harden veut partir mais ne prévient pas (façon LeBron, façon KD) ? Harden n’est chez les Nets que depuis un an. Un an c’est assez de temps pour commencer à bâtir une relation de confiance mais ce n’est pas si long. Marks en a conscience. La présence de Durant sur le long-terme peut servir d’assurance quant à la qualité sportive et humaine du projet Nets aux yeux d’Harden. C’est non négligeable mais est-ce que cela sera suffisant face aux liens qui existent entre ce même Harden et son ancien GM Daryl Morey ? Les Nets ont des leviers évidents et Sean Marks doit être en train de mesurer les risques qui vont accompagner la gestion de cas épineux lors des prochaines heures et plus vraisemblablement lors des prochains mois. 

Le troisième cas est celui de Damian Lillard dans un contexte encore différent puisque le nouveau GM des Blazers, Joe Cronin, a décidé de tout exploser. En place depuis l’automne et le licenciement de Neil Olshey, ce bon Cronin n’y est pas allé avec le dos de la cuillère et son optique est claire : reconstruction totale du roster. A priori autour de Lillard. Norman Powell et Robert Covington ont été envoyés chez les Clippers. CJ McCollum et Larry Nance Jr sont désormais des Pelicans. Dans les deux échanges, les contreparties acceptées par les Blazers ont semblé bien maigres par rapport à la qualité des joueurs expédiés. Autant être franc, Joe Cronin a intérêt d’avoir un plan solide derrière ces deux moves sinon sa sécurité dans les rues de Portland sera difficile à assurer. 

Ceci étant dit, ce que le manager des Blazers est en train de faire a aussi du sens. Il a quelques jeunes à fort potentiel qui ne demandent qu’à grandir et une superstar sous contrat pour encore trois saisons après celle-ci. Voilà sa base. Enfin a priori… Car il n’est pas dit que Cronin ne veuille pas aller encore plus loin pour marquer son effet bouton rouge. Par aller plus loin, entendez monter un échange qui inclurait Lillard. Rien que ça. Et cela pourrait aussi dépendre largement de l’état d’esprit dans lequel se trouve le meneur au numéro zéro à la vue de ce qui l’attend sur cette fin de saison et sûrement pour la suivante : être le patron d’un effectif jeune, ambitieux mais très certainement trop juste pour avoir de grandes ambitions à court terme. Et là, comme par hasard, une des grosses questions que l’on a envie de se poser peut être formulée comme suit : quel est le niveau de confiance entre Cronin et Lillard ? Et oui, encore et toujours la confiance. Alors qu’il aura 32 ans en juillet prochain, Damian Lillard est-il convaincu par le projet Cronin ? Pense-t-il que son nouveau GM est sur le bon chemin pour enfin lui adjoindre un All-Star ? Combien de temps Lillard est-il encore prêt à supporter une telle situation ? Cette dernière donnée va être cruciale dans les futurs choix faits par Cronin et ne nous racontons pas d’histoires, le GM des Blazers va jouer très gros lors de la prochaine intersaison. Avec tout le cap space et la flexibilité qu’il est en train de créer, le recrutement va devoir être clinquant… 

L’argent – celui qui est à disposition dans le respect des règles du CBA en vigueur (et dans la capacité du propriétaire à payer de la luxury tax aussi), le talent – celui qui nourrit un projet sportif ambitieux ET la confiance – celle qui doit exister entre joueurs star et dirigeants. Voici les trois grands paramètres à étudier pour chaque GM dans les affaires de trade et de signatures de contrats. Sachant que si ces paramètres sont très souvent liés les uns aux autres, le troisième cité peut vraiment être la clé qui permet de compenser un manque dans l’un des deux premiers. Ce qui n’est pas toujours le cas dans l’autre sens.