Pourquoi tant de haine envers Rudy Gobert ?

Le 06 sept. 2024 à 19:55 par Nicolas Meichel

rudy gobert couverture
Source image : Youtube / Twitter

Régulièrement critiqué outre-Atlantique, Rudy Gobert a pris une nouvelle vague de moqueries ces derniers jours, sans qu’il ne demande rien à personne. Pourquoi le pivot français est-il si régulièrement pris pour cible ? Tentative de réponse.

Rudy Gobert n’arrive décidément pas à y échapper. Même au début du mois de septembre, alors qu’on est en plein milieu de l’intersaison NBA, alors que la nouvelle campagne ne commence que dans un mois et demi, et que l’actu du basket US est généralement très pauvre à ce moment de l’année.

Les critiques et autres attaques gratuites contre le pivot français sont devenues monnaie courante, et ça ne date pas d’hier. Ça ne date pas d’hier mais certains joueurs NBA ou personnalités du basket ne peuvent pas s’empêcher de ressortir le même refrain, encore et encore. Tout récemment, c’est le jeune pivot des Mavs Dereck Lively qui a envoyé une pique à Rudy en disant qu’il ne méritait pas d’être sur le terrain lors de la série de Playoffs Wolves – Mavericks. Le légendaire Shaquille O’Neal a lui carrément traité Gobert de “pire joueur de l’histoire” lors d’une interview avec son fils ces derniers jours.

Shaq called Rudy Gobert the WORST player in the NBA 😭😭 pic.twitter.com/mLG8l8PjHv

— BricksCenter (@BricksCenter) September 5, 2024

Pourquoi tant de haine ? Pourquoi Rudy Gobert est-il autant ciblé par certains de ses pairs ou des personnalités médiatiques ? Comment un joueur quatre fois Défenseur de l’Année peut-il subir un tel manque de respect ?

Mettons-nous quelques minutes dans la tête d’un hater de Rudy, genre Draymond Green mais ça marche aussi avec d’autres (et y’en a plein), pour comprendre un peu mieux ce phénomène de mode connu sous le nom de “Gobert bashing”.

“Rudy Gobert est un défenseur surcoté”

Shaq calls Rudy Gobert an overrated defender

"I never thought he was a great defensive player… See, what it is, there’s not a lot of centers that are making him play defense. Like, he’s not doing that s**t against Joker… He’s 7’6", of course, if you lay it up, he’s going to… pic.twitter.com/prSRdD7Zqw

— NBACentral (@TheDunkCentral) March 13, 2024

Quatre titres de Défenseur de l’Année, sept nominations dans la All-Defensive First Team, un titre de meilleur contreur et un autre de meilleur rebondeur. Le palmarès de Rudy Gobert en NBA est exceptionnel et propulse forcément son nom dans la catégorie des meilleurs défenseurs de l’histoire. Surtout qu’à Utah puis Minnesota, il a réussi à faire de son équipe la meilleure défense de toute la NBA.

Les accomplissements de Rudy devraient le mettre à l’abri des critiques mais au contraire, ils les nourrissent. Car pour nombreux de ses détracteurs, ils ne sont pas légitimes. Que ce soit pour Shaquille O’Neal (voir le clip juste au-dessus) ou d’autres joueurs évoluant actuellement en NBA, Gobert n’est pas un joueur calibre DPOY et encore moins l’un des meilleurs défenseurs de l’histoire.

“Pour moi, la défense, c’est être capable d’arrêter un mec en un-contre-un. Tu veux m’impressionner défensivement ? Limite Nikola Jokic à moins de 15 points. Tous ces contres, en aide et tout ça, c’est cool mais ça ne marche pas contre moi, le Joker ou Embiid.” – Shaq

Durant sa carrière, Rudy Gobert a en effet pris des mixtapes de la part du Joker… comme d’autres des meilleurs défenseurs NBA tels que Bam Adebayo et Anthony Davis ces deux dernières années. Personne ne peut vraiment ralentir Prime Jokic en un-contre-un dans la NBA actuelle et l’argument du Shaq peine donc à tenir debout. Mais les critiques entourant Gobert vont plus loin.

L’un des refrains favoris des détracteurs, c’est de dire que Rudy Gobert est un défenseur unidimensionnel qu’on peut forcer hors du terrain en jouant du basket small-ball. Il y a en effet eu des épisodes – notamment en Playoffs – où le pivot français ainsi que son équipe se sont retrouvés en grande difficulté face à des adversaires jouant “petit”, comme dans la série des Playoffs 2021 entre le Jazz et les Clippers. Utah s’était incliné et on se rappelle que… Terance Mann avait véritablement pris feu. Ce qui est souvent oublié par contre, c’est que les extérieurs du Jazz étaient clairement en mode portes ouvertes cette année-là, exposant Rudy qui devait à la fois protéger le cercle et contester les tirs à la ligne des 3-points.

“Rudy n’est plus un nul en défense désormais. Ironiquement, il a tous ces trophées de Défenseur de l’Année. […] Avant, si tu mettais cinq extérieurs, il n’y avait aucune chance que Rudy Gobert puisse jouer. Même si c’était un grand, qui pouvait jouer au large, qui pouvait bouger, il y avait 0% de chances qu’il puisse jouer.” – Draymond Green lors des Playoffs 2024

Depuis des années, Draymond Green est le fer de lance du Anti-Gobert Club, et a souvent souligné son manque de polyvalence. Il s’est également régalé quand Luka Doncic s’est farci Gobert en un-contre-un lors des dernières Finales de Conférence. Comme si un pivot de 2m16 – malgré ses progrès démontrés au niveau de la défense dans le périmètre – devait être capable de stopper l’un des tout meilleurs extérieurs de la planète basket…

Cet angle d’attaque pris par Green n’a rien d’étonnant quand on sait que Dray excelle par son jeu all-around en défense, lui qui estime probablement qu’il devrait avoir certains des DPOY récemment remportés par Gobert (si vous voulez notre avis : il est un peu jaloux le bonhomme).

“Rudy Gobert est trop soft”

I guess I should cry too… no Charlotte? 😢😢😢

— Draymond Green (@Money23Green) February 1, 2019

Nous sommes le 1er février 2019. Les résultats des sélections pour le All-Star Game à venir sont tombés et Rudy Gobert est snobé. Interrogé dans la foulée, le pivot français fond en larmes devant les caméras, provoquant les moqueries d’un certain Draymond Green. “J’imagine que je devrais pleurer aussi… je ne vais pas à Charlotte ?” tweete le joueur des Warriors, également laissé de côté pour le match des étoiles après plusieurs sélections consécutives.

Avec sa grande bouche, son statut de star et la grande plateforme médiatique qu’il a pu se créer au fil des années, Draymond Green a en quelque sorte collé une étiquette sur le front de Rudy ce jour-là : celle d’un joueur soft et émotif. Une étiquette qu’il a pris le soin de nourrir à chaque occasion, comme lorsque Gobert a réagi au quart de tour à une insulte de Kyle Anderson en le frappant lors d’un match à la fin de la saison régulière 2022-23.

“Kyle Anderson a dit ce que beaucoup de gens pensent. Personnellement, je pense que Rudy Gobert a un côté soft. Il a gagné un peu de respect de ma part car il s’est défendu.” – Draymond Green

Rudy Gobert ne cache pas son côté émotif ni la dimension sensible de sa personnalité. Cela peut se manifester de plusieurs manières : il y a donc eu ces larmes au moment des résultats du All-Star Game 2019, des larmes qui avaient en fait pour origine des raisons bien plus profondes qu’une non sélection au match des étoiles. Mais il y a eu par exemple aussi – de l’autre côté du spectre – des réactions vives face à l’arbitrage, Gobert n’hésitant pas à remettre plusieurs fois en question l’intégrité des officiels – parfois à coup de grosses déclarations – quand il s’est senti désavantagé par ces derniers.

Dans un monde NBA où l’ego est partout et où la figure du “mâle alpha” reste vénérée, Gobert est devenu une cible facile sur laquelle tirer. Peut-être encore plus quand on est non-Américain comme Rudy, ce dernier ayant déjà été ciblé tout simplement parce qu’il est Français (voir juste en dessous). Et surtout quand vous avez une grande bouche comme Draymond Green qui n’en rate pas une pour balancer des piques, poussant ainsi certains autres à faire pareil (un peu comme dans une cour d’école quoi…)

“Personne ne considère les joueurs européens comme des durs, surtout ceux venant de France.” – Paul Pierce

“Rudy Gobert, c’est le cas classique du faux dur pour moi. Personne n’a peur de lui.” – Skip Bayless

OH SH*T: Rudy Gobert taking shots from Paul Pierce and Skip Bayless on @undisputed today

"Nobody considers European players tough, especially from France… Rudy Gobert is the classic fake tough guy to me. No one is afraid of him.”

😬😬😬 pic.twitter.com/R8sC3NeMik

— ML Basketball (@_MLBasketball) April 2, 2024

“Rudy Gobert n’a pas de skills”

Rudy Gobert can’t even hit the rim on a FT, and the Clippers bench can’t stop laughing pic.twitter.com/JuPGoAY7MO

— BBALLBREAKDOWN (@bballbreakdown) January 15, 2024

Ce n’est un secret pour personne, Rudy Gobert a avant tout construit sa grande carrière NBA sur ses grosses capacités défensives. De l’autre côté du terrain, cela a toujours été plus compliqué, le pivot français possédant surtout un rôle de finisseur et de poseur d’écran. Aucun mal à ça, mais il faut avouer que ce n’est pas très glamour comme jeu. 

Si son impact défensif est immense, cela fait rarement la une des highlights, sauf quand Rudy lâche un gros block au troisième rang des tribunes. Mais quand ses limites offensives sont exposées au grand jour, ça tape l’œil tout de suite. Et ces “fails” font vite le tour des réseaux sociaux.

Never seen anyone airball a fucking dunk before until Rudy Gobert pic.twitter.com/XWZIAB3poZ

— ¹⁰ (@HoodiGarland) March 9, 2024

Rien de plus facile que de se moquer d’un joueur limité avec la balle dans les mains. Rien de plus facile que de se marrer quand un joueur fait un airball sur la ligne des lancers-francs, même quand on est un chauffeur de banc.

Dans la NBA actuelle où l’attaque et le talent offensif sont peut-être plus vénérés que jamais, Rudy Gobert a le “malheur” de briller dans des secteurs de jeu qui ne font pas rêver grand monde, comme la discipline défensive et le rebond. Ce n’est pas flashy, ce n’est pas spectaculaire, et ça impressionne moins qu’un crossover, qu’un poster dunk, ou qu’un tir du logo.

Cet été lors des JO de Paris 2024, Rudy n’a pas vraiment arrangé son cas. Ses limites offensives et son association compliquée avec Victor Wembanyama ont poussé Vincent Collet à mettre Gobert sur le banc, histoire de trouver un nouvel équilibre offensif en plaçant Wemby sur le poste 5 comme unique intérieur. Cela a aidé les Bleus à trouver leur rythme et aller jusqu’en finale des JO (face à Team USA, comme en 2021) après un premier tour médiocre. De quoi donner encore un peu plus à manger aux détracteurs de Rudy, Draymond Green en tête.

“Se faire sortir d’un lineup aux JO en tant que joueur NBA qui ne joue pas pour Team USA, c’est assez incroyable.” – Draymond Green

“Rudy Gobert est surpayé”

Le 20 décembre 2020, Rudy Gobert a signé un contrat maximum de cinq ans et 205 millions de dollars avec le Utah Jazz. Désormais aux Wolves, il lui reste deux années sur ce deal, avec une dernière saison à 46 millions l’année. Un montant que certains joueurs NBA ou anciennes stars de la Ligue jugent exorbitant par rapport à la production du Français sur le parquet.

“Si tu signes un contrat pour 250 millions, montre-moi que tu vaux 250 millions. Moi, j’ai touché 120 millions et je les ai assumés. Vous avez des gars comme lui qui n*quent le système en gagnant autant d’argent alors qu’ils ne savent même pas jouer. Je ne respecte pas ce genre de gars. […] Vous avez des professeurs, des pompiers, des médecins qui ont de vrais boulots, et qui sont mal payés.” – Shaquille O’Neal

Si l’on en croit la théorie du Shaq, Rudy Gobert est responsable de la conjoncture économique actuelle en NBA, des inégalités de salaire entre métiers, et des énormes contrats délivrés par les franchises à leurs joueurs. Cela sent le seum à plein nez quand on sait qu’à son époque, les deals étaient beaucoup moins imposants, O’Neal signant un contrat max de “seulement” 120 millions de dollars sur sept ans en 1996 avec les Lakers.

Depuis maintenant une dizaine d’années, le salary cap ne cesse d’augmenter avec la signature d’énormes contrats de droits TV, ce qui a mathématiquement fait grimper les salaires des joueurs. Dans la NBA actuelle, on a des role players ne possédant pas un tiers du CV de Gobert qui touchent plus que Shaquille O’Neal à l’époque : Devin Vassell (Spurs) va par exemple entrer dans un contrat de 135 millions de dollars sur cinq ans alors qu’il a tout à prouver, idem pour Evan Mobley qui a lui a signé une prolongation avec Cleveland de 224 millions sur cinq ans !

Comme tant d’autres, Rudy Gobert a pris l’argent que sa franchise a bien voulu lui proposer et a signé un contrat qu’il a obtenu grâce à ses performances. Est-il aujourd’hui surpayé par rapport à sa production globale sur les parquets ? Peut-être. Est-ce une raison pour ne pas respecter le basketteur qu’il est ? Pour Shaq et d’autres, la réponse est un grand OUI.

Shaq continues to go after Rudy Gobert

"If I were 42, I'd be making Rudy Gobert money. Twelve points and eight rebounds? I could do that s**t right now… making $250 million… averaging twelve points."

(🎥 @bigpodwithshaq / https://t.co/r93SUsT62U) pic.twitter.com/rsLRGkanmP

— NBACentral (@TheDunkCentral) March 13, 2024

Rudy Gobert et l’épisode COVID

Pour toujours, Rudy Gobert restera le premier joueur NBA à avoir été testé positif au COVID-19 le 11 mars 2020. Pour toujours, sa mauvaise blague deux jours plus tôt – quand il a touché les micros des journalistes pour plaisanter – restera associée à ce triste épisode. Alors forcément, Rudy est rapidement devenu, justement ou injustement, le visage de l’arrivée du coronavirus en NBA en tant que “patient 0”. La Ligue a immédiatement suspendu sa saison après son test positif.

Également contaminé, son coéquipier du Jazz Donovan Mitchell n’avait pas tardé à pointer du doigt Rudy. L’arrière américain, All-Star et membre de Team USA au Mondial 2019, a longtemps reproché à Gobert son comportement, et la relation entre les deux stars du Jazz s’est dégradée. Jusqu’à se terminer à l’été 2022 quand Gobert et Mitchell ont été transférés respectivement à Minnesota et Cleveland.

L’épisode COVID a forcément impacté de façon négative la réputation de Rudy Gobert. Auprès de certains de ses coéquipiers comme Mitchell donc, mais probablement aussi à travers la Ligue et autour de la NBA. Il a dû faire face à des critiques, des leçons de morale, en plus de l’inquiétude globale entourant la propagation du virus.

“J’ai passé plusieurs mois difficiles. Physiquement comme mentalement. C’est une situation que je n’avais jamais connue, que personne n’avait connue. […] C’était comme une baffe dans la figure, et je pense que tout le monde peut en ressortir grandi.” – Rudy Gobert en 2020

Plus de quatre ans plus tard et alors que l’urgence sanitaire internationale liée au COVID a pris fin en mai 2023, le monde de la NBA est passé à autre chose, tout comme Rudy. Mais cet épisode continue de faire partie de son histoire à la fois personnelle et professionnelle.

Rudy Gobert jokingly touches microphone during a media interview Monday. Today, tests positive for Corona.

Video: Dan Weiner pic.twitter.com/hWHNwsu8qk

— Modern Notoriety (@ModernNotoriety) March 12, 2020

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Pour toutes les raisons qu’on vient de citer, de son style de jeu à sa personnalité en passant par son historique et son contrat, Rudy Gobert continue d’essuyer des critiques et de représenter une cible idéale. Cela lui est même arrivé de se faire étrangler par Draymond Green en plein match la saison dernière, preuve que l’animosité est tenace.

Néanmoins, au fil des années, Rudy Gobert a appris à faire la paix avec tout ça. Cela lui arrive de répondre aux critiques mais sans en rajouter, sachant très bien que c’est un combat qu’il ne peut pas gagner.

It is sad to see someone that has accomplished as much as you did @SHAQ both in sport and business still be triggered by another man’s finances and accomplishments. I get the entertainment part but unlike other folks, you don’t need that stuff to stay relevant. https://t.co/KPHs2VmfIb

— Rudy Gobert (@rudygobert27) September 5, 2024

Le pivot français sait ce qu’il a accompli dans sa carrière. Un jour, Rudy Gobert sera au Hall of Fame pour tous ses accomplissements en NBA mais aussi en équipe nationale, individuels comme collectifs, et jamais personne ne pourra lui enlever ça. Des critiques, il continuera d’en prendre dans la bouche, surtout s’il n’arrive pas à gagner avec les Wolves qui avaient lâché un package record pour le récupérer en juillet 2022. Mais peu importe ce que l’avenir lui réserve, Rudy restera fidèle à lui-même.

Serein, bien dans ses baskets à Minnesota et épanoui dans sa vie personnelle (il est devenu papa lors des derniers Playoffs), Rudy Gobert n’a aucune raison de suivre l’énergie négative qui émane de ses détracteurs. Au contraire, cela ne ferait que l’éloigner de qui il est vraiment.

“Pour moi, la plus grande forme de force est de rester fidèle à soi-même, même si le monde se moque de nous. C’est alors que vous montrez votre vrai visage.” – Rudy Gobert


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