De la Chine à Disney World, entre tragédie et triomphe : retour sur la folle et interminable saison des Lakers

Le 14 oct. 2020 à 15:28 par Nicolas Meichel

Source image : NBA League Pass

Pour la première fois depuis une bonne décennie, la mythique franchise des Lakers a réussi à retrouver les sommets du basket US en décrochant le 17è titre de son histoire. Un 17è titre complètement différent des 16 autres, avec un scénario que personne n’aurait pu imaginer il y a encore un an. Retour sur une campagne définitivement pas comme les autres. 

“Il y a peu d’équipes qui commencent leur saison à Paris et qui la terminent à Las Vegas. Vous vous demandez, ‘Qu’est-ce qui pourrait arriver d’autre ?’. Du début à la fin, c’était une année difficile.” Ces mots, prononcés il y a 18 ans par le coach des Lakers Mike Dunleavy, pourraient être réutilisés aujourd’hui par l’entraîneur actuel Frank Vogel, en remplaçant Paris par Chine et Las Vegas par Disney World. À l’époque, les Lakers sortaient d’une campagne chaotique. Environ trois semaines après l’Open McDonald’s disputé à Paname, Magic Johnson avait choqué le monde en annonçant sa séropositivité le 7 novembre 1991. Un véritable coup de massue pour les Lakers, décimés (Magic absent, James Worthy et Sam Perkins blessés) et vainqueurs de seulement 43 matchs cette saison-là avant de se faire dégager par Portland au premier tour des Playoffs. Un premier tour qui s’était terminé au milieu du désert des Mojaves, la ville de Los Angeles étant frappée par de violentes émeutes suite à l’affaire Rodney King. En clair, c’était une saison ultra-éprouvante pour la franchise californienne. Le joueur des Lakers Byron Scott dira même après l’élimination de son équipe, “Ma neuvième année NBA a commencé à Paris, là j’ai l’impression d’avoir terminé ma onzième”. Tiens, on a un peu le même sentiment en cette année 2020. Un sentiment généralisé car la pandémie du COVID-19 a touché tout le monde, pas uniquement les Lakers. La saison NBA 2019-20 a été interrompue en mars et n’a pas pu reprendre avant fin juillet, tout ça dans une bulle du côté de Disney World, et dans un climat social très tendu suite au décès de George Floyd puis l’affaire Jacob Blake. Cependant, pour la franchise Pourpre et Or, d’autres obstacles se sont dressés sur son chemin vers le trône.

“Nous avons un doctorat en adversité.”

– Frank Vogel, coach des Lakers

Bien avant le COVID, la bulle, les protestations, et la grève improvisée des joueurs où LeBron James semblait prêt à jeter l’éponge, les Lakers ont été contraints de naviguer en eaux troubles. Déjà, on se souvient de la manière dont la saison dernière s’était terminée, avec la démission du président Magic Johnson et cette interview hallucinante sur ESPN First Take, durant laquelle ce dernier avait tiré à balles réelles sur le manager général Rob Pelinka. Une fin tristement symbolique du bordel régnant à La La Land lors de la première année de LeBron à Los Angeles, une première année caractérisée notamment par des blessures, des rumeurs incessantes, un climat global assez malsain, et un nouvel échec au niveau des résultats sportifs avec une sixième année consécutive sans qualification en Playoffs. On ne va pas refaire toute l’histoire récente des Lakers sur le terrain comme en coulisses, car on y passerait des plombes, mais il est clair que la mythique franchise de la Cité des Anges partait de loin à l’intersaison 2019. L’arrivée du nouveau coach Frank Vogel (à la place de Luke Walton) et évidemment celle d’Anthony Davis à travers un transfert XXL (Brandon Ingram, Lonzo Ball, Josh Hart et trois choix de premier tour de Draft, dont le quatrième choix 2019, ont été envoyés à New Orleans) ont permis aux Lakers de retrouver des ambitions, et surtout de construire sur une vraie base avec un style de jeu bien défini. Mais les Angelinos ont vite été perturbés dans leur préparation. Il y a un an, quasiment jour pour jour, LeBron James et ses copains se retrouvaient au cœur d’une autre crise, celle entre la NBA et la Chine. Pendant une bonne semaine, au cours de leur tournée promotionnelle avec deux matchs contre les Nets au programme, les Lakers ont été frappés par les conséquences liées au tweet du manager général des Rockets Daryl Morey, un tweet soutenant Hong Kong dans un contexte géopolitique bien particulier. Annulation d’événements, partenariats entre des sponsors chinois et la Ligue menacés, frustration mais aussi peur de dire un mot de travers (la NBA est allée jusqu’à annuler les conférences de presse), climat de tension palpable… bref, pas vraiment l’expérience idéale pour lancer une campagne, même si les conditions très spéciales de ce voyage en Chine ont aidé à souder le nouveau groupe, contraint de rester le plus souvent possible ensemble. La sortie médiatique controversée de LeBron James suite à cet épisode n’a pas arrangé les choses, elle a plutôt rajouté une bonne dose de polémique à un véritable shitstorm.

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Quelques mois plus tard, alors que les Lakers de LeBron – passés depuis longtemps à autre chose – dominaient sereinement la Conférence Ouest, une terrible nouvelle allait soudainement frapper la planète basket, et particulièrement la nation Purple & Gold. Le 26 janvier 2020, du côté de Calabasas, Kobe Bryant décède dans un accident d’hélicoptère en compagnie de sa fille Gianna et sept autres personnes. Damn. James et ses copains ont appris la nouvelle dans l’avion, eux qui rentraient d’un road trip de cinq matchs conclu par une défaite à Philadelphie, dans laquelle LBJ avait dépassé… Kobe au nombre de points marqués en carrière. Les larmes ont coulé un peu partout, mais c’est avant tout à Los Angeles que la perte du Black Mamba fut très difficile à encaisser. Deux décennies sous le maillot des Lakers, cinq titres NBA ramenés à la Cité des Anges, et surtout des moments épiques offerts à des grands passionnés de la balle orange, ça ne peut pas s’oublier. La marque laissée par Kobe est indélébile et il a été honoré avec la manière. On se rappelle de cette rencontre face aux Blazers, la toute première après la tragédie (le derby face aux Clippers du 28 janvier fut reporté), avec un Staples Center tout en jaune. On se rappelle du speech de LeBron et des différents hommages lors de cette soirée pas comme les autres. Et puis on se rappelle forcément du mémorial public à la fin du mois de février, un moment de tristesse mais aussi de célébration, parce que Kobe n’aurait jamais voulu que les Lakers baissent la tête, peu importe les circonstances. Et cette mentalité, Frank Vogel et ses hommes l’ont conservé tout au long de leur ascension vers les sommets.

“1,2,3 Mamba !”

Le choc passé, la mort de Kobe Bryant est devenue une source de motivation supplémentaire pour les Californiens. Que ce soit en lui dédiant leur cri de guerre ou en portant un maillot spécial Black Mamba, les Lakers gardaient toujours Kobe dans un coin de leur tête. La quête du titre n’était plus simplement un objectif, mais une véritable mission à accomplir. Et rien n’a pu arrêter LeBron James et Cie. Malgré un départ compliqué dans la bulle, les Angelinos ont assez rapidement activé le mode Playoffs. 4-1 contre Portland, 4-1 contre Houston, 4-1 contre Denver, pas grand-chose à redire, et pas besoin d’avantage du terrain. Le duo LeBron James – Anthony Davis a marché sur la concurrence pendant que la défense des Lakers – pourtant privée du solide Avery Bradley, qui n’est pas venu dans la bulle – sortait les barbelés soir après soir. Le buzzer beater d’AD au terme du Game 2 face aux Nuggets, quand il a gueulé “Kobe” avant de se jeter sur ses coéquipiers, fut l’un des moments-clés du run victorieux de LAL. Le genre de moment où l’on s’est dit, “OK, cette année, le titre, c’est pour eux”. Et on a eu la confirmation trois semaines plus tard, quand le trophée Larry O’Brien a terminé dans les mains du légendaire Gérard Smith après la victoire 4-2 contre une vaillante équipe de Miami. Anthony Davis l’a dit, les Lakers ne voulaient pas laisser tomber Kobe Bryant. Contrat rempli. Et c’est donc ainsi que s’est achevée la saison la plus folle et la plus longue de l’histoire de la NBA, avec le champagne qui coule à flots dans le vestiaire angelino et un LeBron James plus que jamais dans la discussion pour le titre de GOAT. Une aventure unique.

“Je suis tellement fier de vous sur comme en dehors du terrain. Vous avez rendu la ville de Los Angeles fière avec votre travail, votre professionnalisme, et votre engagement. Vous avez écrit votre propre chapitre dans la grande histoire des Lakers.”

– Jeanie Buss, propriétaire des Lakers, via ESPN

La Chine, Kobe, le COVID, la bulle, les tensions sociales. Pas de doute, la saison 2019-20 a apporté un grand nombre de défis, mais aucun obstacle n’a pu empêcher les Lakers d’aller au bout de leur rêve. Désormais, quand les fans angelinos regarderont au plafond du Staples Center, ils verront cette 17è bannière et se souviendront des hauts et des bas qui ont accompagné cette campagne interminable, et surtout inoubliable.  

Source texte : Los Angeles Times / ESPN