Les records de trois-points pleuvent comme les tirs du parking de Stephen Curry cette saison : bienvenue en 2019

Le 19 janv. 2019 à 17:06 par Florian Benfaid

Parking
Source image : Alden Jewell via Flickr (creative commons)

Mercredi dernier, pas moins de trois records NBA sont tombés en l’espace d’une seule nuit. Tous concernaient le tir à trois-points, l’arme la plus destructrice et la plus utilisée du basket moderne. Amis puristes, il va falloir s’y faire car c’est la recette qui mène au succès, dans une époque où le jeu n’a jamais été autant tourné vers l’attaque…

Semaine faste pour le tir longue distance. Dimanche soir, James Harden égalait un record peu glorieux : celui du nombre de tentatives ratées du parking. Un magnifique 1/17, qui nous donne donc seize tirs manqués et une bonne grosse envie de sortir la bassine. Damon Stoudamire est soulagé, il n’est plus le seul meilleur maçon de l’histoire sur un match. Trois jours plus tard, le Barbu et ses Rockets établissaient un autre record en prenant 70 tirs derrière l’arc (sur 105 tentatives au total !), explosant ainsi l’ancienne marque qui était restée bloquée à 61. Une performance qui a permis d’en réaliser une autre puisqu’avec les 36 tirs primés tentés par les Nets, les deux équipes ont cumulé, à elles deux, 106 tirs depuis le centre-ville. Comme si cela ne suffisait pas, quelques heures après cette rencontre, un troisième record était établi par les Warriors et les Pelicans, qui cumulaient ensemble 43 réussites longue distance (en 86 essais), effaçant ainsi des tablettes le précédent réalisé… une semaine plus tôt par les Warriors (encore eux) et les Kings avec 41 ficelles à 3. Vous l’aurez compris, les records offensifs tombent les uns après les autres depuis plusieurs jours.

Car la devise de la NBA actuelle semble être la suivante : “tout pour le tir, tout pour l’attaque” et les chiffres en témoignent. Cette saison, dix-huit équipes inscrivent, en moyenne, 110 points ou plus. Il y a dix ans, il n’y en avait aucune. La meilleure attaque de l’époque, celle des Suns, scorait 109,4 points par match. Aujourd’hui, elle ne serait classée que vingt-et-unième… De plus, toutes les équipes de cette saison 2018-19 inscrivent 100 points ou plus par rencontre. Il faut remonter trente ans en arrière pour trouver trace d’une telle prouesse. A titre de comparaison, penchons-nous une fois encore sur l’exercice 2008-09 pour nous apercevoir que seize équipes se situaient sous la barre des 100 points par match. Les attaques sont plus prolifiques mais le jeu s’est accéléré, ce qui peut biaiser les résultats.

Ainsi, basons-nous plutôt sur l’offensive rating pour nous assurer de la réalité de ces statistiques. Cela revient à calculer le nombre de points inscrits par une équipe sur 100 possessions. Et avec cette donnée, on observe que les écarts sont bien moindres. En 2018-19, dix-sept équipes possèdent un offensive rating supérieur à 110 points ou plus. En regardant dix ans en arrière, on constate qu’il n’y en avait que neuf. Mais en moyenne, l’offensive rating global de la saison 2008-09 est de 108,3 points sur 100 possessions, tandis que celui de notre exercice actuel atteint les 110,2 puntos. Certes, cela constitue un record car jamais un offensive rating n’a été aussi haut dans l’histoire de la Ligue, mais la différence est finalement moins importante qu’à première vue car le jeu s’est principalement accéléré. Les raisons qui peuvent expliquer ces différences offensives, apparues en seulement une décennie, sont multiples. Au fil des saisons, pour une question de spectacle, la NBA a favorisé l’attaque au profit des défenses. Les joueurs sont protégés par les arbitres, les coups de sifflet sont devenus plus sévères et le hand-checking, technique qui consiste à défendre avec les mains, est désormais révolu. Si la NBA veut obtenir un maximum d’audience, cela passera généralement par des highlights spectaculaires d’actions offensives. Il faut donc tout faire pour permettre ces actions, en laissant une plus grande liberté aux attaquants.

Aussi, comme dit plus haut, le jeu va de plus en plus vite et il y a de plus en plus de possessions, ce qui signifie plus de possibilités de marquer. Pour preuve, une équipe joue en moyenne 99,5 possessions par match cette saison, contre 91,7 il y a dix ans [ce qui reste toujours loin du record de 107,8 établi en 1973-74, ndlr]. L’été dernier, une nouvelle règle réduisant le temps de possession de 24 à 14 secondes après un rebond offensif était d’ailleurs introduite, toujours dans cette volonté d’accélérer le jeu. Et pour surfer sur la vague de popularité du tir longue distance, amenée grâce à Stephen Curry, il se murmure qu’une ligne à quatre-points pourrait être mise en place dans quelques saisons. Bonjour les scores de folie…

Comparaison 2008-09 et 2018-19

En dix ans, on remarque qu’il y a plus de tirs à trois-points (et globaux) tentés et marqués, plus de passes décisives, un offensive rating supérieur… L’attaque tourne donc à plein régime cette saison. Source image : Basketball-Reference

En parlant de Stephen Curry justement, il est celui qui a révolutionné la NBA avec ses Warriors. Tout en étant celui qui incarne le mieux l’évolution opérée par la Grande Ligue depuis plusieurs années. Le futur (s’il ne l’est pas déjà) meilleur shooteur all-time possède de nombreux records en ce qui concerne le tir extérieur. A seulement 30 ans, il est déjà le troisième artilleur le plus prolifique de l’histoire. Il a également inscrit le plus de tirs à trois-points sur une saison (402, en 2015-16), tout en possédant quatre des cinq meilleures marques all-time en ce qui concerne le nombre de réussites primées inscrites sur un exercice. Le double MVP a entraîné, dans son sillage, tous les autres joueurs de la Ligue, les poussant à s’adapter et à orienter davantage leur jeu vers le shoot extérieur. Ce n’est pas pour rien si, cette saison, sept joueurs inscrivent 3 tirs à trois-points ou plus par match et si douze joueurs en tentent 7 ou plus. En 2008-09, il n’y en avait aucun pour les deux statistiques sélectionnées… En outre, James Harden est celui qui plante le plus de tirs primés cette saison, avec 199 réussites derrière l’arc. Soit autant, à mi-saison, que Ray Allen, le deuxième plus prolifique de l’exercice 2008-09, qui avait eu besoin de toute une campagne pour réaliser pareille performance. Il est également utile de préciser que la saison 2018-19 est sur des bases similaires à 2008-09 en ce qui concerne le nombre de tirs à deux-points et de tirs globaux inscrits. Preuve que ce qui a changé en dix ans concerne avant tout le shoot à trois-points. Cette saison, et comme vu sur le tableau plus haut, les équipes tentent en moyenne 31,3 tirs longue-distance, pour 11,1 réussites par match. Ce qui constitue deux records dans l’histoire NBA. Il y a deux ans, ces deux moyennes s’élevaient respectivement à 18,1 et 6,6. Une autre époque.

Le tir à trois-points, coachs et joueurs le privilégient et entraînent par la même occasion une réduction significative des tentatives à mi-distance. En 2008-09, les Pistons prenaient le plus leur chance à quatre-cinq mètres en tentant 22 tirs de ce genre à chacune de leurs sorties. Cette saison, ce sont les Spurs qui en prennent le plus avec seulement 12,9 par match. Une différence importante, en dix ans seulement. Il faut dire que le mid-range game, jugé moins efficace et rentable qu’un tir du parking ou dans la peinture, est proscrit par les techniciens. Mais les Spurs d’un Gregg Popovich qui déteste le shoot extérieur essaient donc, tant bien que mal, d’exister avec un système de jeu construit autour du tir à mi-distance. DeMar DeRozan et LaMarcus Aldridge en sont des spécialistes, ils auraient tort de s’en priver. Cette façon de jouer est tellement inhabituelle, pour ne pas dire en voie d’extinction, que certaines équipes ne savent carrément plus comment défendre face à San Antonio. Des dinosaures jusqu’au bout, ces Spurs.

De nos jours, la NBA repose quasiment exclusivement sur le tir à trois-points. Qu’on le veuille ou non, que cela plaise ou pas, il est difficile de faire autrement. Il paraît désormais impensable d’imaginer qu’une équipe puisse bien figurer sans être redoutable derrière l’arc. Alors oui, certains trouveront cette façon de jouer dégueulasse, y préférant un bon vieux match défensif, mais c’est ce qui fonctionne actuellement. Dans la NBA d’aujourd’hui, le shoot est roi, au même titre que l’attaque. A tel point que marquer 140 points dans le temps réglementaire est devenu une norme. Peut-être que dans une dizaine d’années un autre style de jeu s’imposera mais, pour l’heure, il va falloir composer avec celui-ci.

Sources texte : Basketball-Reference, NBA.com, ESPN, Yahoo, Real GM, BleacherReport