New York Renaissance vs Original Celtics – part 1 : le premier succès afro-américain

Le 18 déc. 2022 à 09:39 par David Carroz

Photo d'équipe des New York Renaissance et des original Celtics
Source image : Youtube, montage TrashTalk

Le 20 décembre 1925. Une date qui ne vous inspire probablement rien. Mais qui pourtant mérite une attention toute particulière. Ce jour-là, les New York Renaissance de Robert Douglas tentent de battre les Original Celtics de Jim Furey. Et contrairement aux confrontations précédentes, le Black Five s’impose – 37 à 30 – sur leur parquet du Renaissance Ballroom and Casino. Pour la première fois, une équipe afro-américaine vient à bout de la crème du basketball blanc. 

L’aboutissement pour les New York Renaissance

Cette victoire, bien que saluée comme il se doit par la communauté afro-américaine à Harlem, ne fait pas les gros titres à l’époque. Plusieurs raisons expliquent le faible impact de cette performance. Le fait que les Rens aient dû s’y reprendre à plusieurs fois en est une. Les guéguerres entre villes pour savoir qui possède le meilleur Black Five aussi. La possibilité d’un simple coup de chance en attente de confirmation trotte aussi dans les têtes.

Le bilan de trois victoires de chaque côté à la fin de la saison valide que les gars d’Harlem ne doivent pas ce succès au hasard. Mais plutôt qu’il pose les bases d’une rivalité entre les deux équipes. Renaissance et Celtics vont désormais s’affronter régulièrement dans les années qui arrivent, alimentant confrontation après confrontation la notoriété des deux formations. Ainsi que la place de leur duel dans le paysage de l’époque.

Car c’est aussi dans le contexte des années vingt que l’on peut trouver les origines de la faible médiatisation des débuts de cette concurrence entre Rens et C’s. Une période où il n’est pas de bon ton de casser les barrières raciales dans le sport.

Le contexte ségrégué du sport

À l’époque, les promoteurs sportifs ne sont pas fans d’oppositions entre Noirs et Blancs. La faute à la ségrégation sévissant aux États-Unis, renforcée en partie par l’expérience Jack Johnson. Au début du vingtième siècle, cet Afro-américain devient champion du monde des poids lourds en boxe. Pour y parvenir, il met au tapis des boxeurs blancs, dont James Jeffries, sorti de sa retraite en 1910 pour “combattre dans le seul but de prouver qu’un homme blanc est meilleur qu’un Nègre.” Cette victoire entraîne des émeutes raciales dans tout le pays.

Cela marque un tournant encore plus dur dans la séparation entre Noirs et Blancs dans le sport. Afin d’éviter de tels débordements, ils ne s’affrontent plus lors de rencontres avec un véritable enjeu. Dans les twenties, la situation évolue doucement, mais toujours sur des confrontations qu’aucun titre officiel ne vient sanctionner.

Une autre problématique entre aussi en considération au moment d’organiser des événements mixtes. Le sport professionnel se développe, donc l’argent est de plus en plus présent. Là encore, l’envie de partager ces retombées économiques avec des Afro-américains fait grincer des dents. La séparation reste donc de mise.

Les équipes de basketball afro-américaines – et les joueurs de la même façon – sont laissées de côté des quelques ligues qui tentent de percer. Les organisateurs se cachent derrière l’idée que selon eux, le public n’est pas chaud pour voir de telles confrontations. Les futures recettes des matchs entre les New York Renaissance et les Original Celtics vont prouver à quel point ils ont tort.

Le basketball, une niche pour les opportunités

Revenons en justement à ces deux formations. Leur avantage, c’est que le basket est encore loin d’être un sport populaire à cette époque. La balle orange ne rebondit pas sur la même planète que le baseball, le football américain, ou encore la boxe voire l’athlétisme. Une opportunité pour aller à contre-courant.

Les Celtics sont la première équipe à faire sortir la gonfle de cet anonymat. Mais devant le manque d’organisation de ce sport, c’est via des tournées qu’ils se font connaître, même s’ils squattent de temps à autres une compétition professionnelle plus ou moins bien organisée.

Comme les autres équipes – peu importe le sport – ils maintiennent cette séparation raciale. Un certain temps. Puis ils se frottent à des Black Fives – sans pour autant franchir l’ultime barrière qui serait d’engager un Afro-américain dans leur roster. Dans la tête de leurs fans, leur rôle est justement de rappeler à ces équipes noires leur condition d’infériorité. Autant dire qu’avec une telle mentalité, difficile de prendre le risque de briser cette séparation. Business is business, et les C’s laissent filer Walter D. Cooper puis Fats Jenkins lorsque ces deux stars du basketball afro-américains auraient pu rejoindre leur rang. Ce dernier devient d’ailleurs une bénédiction pour les Rens. Et une future épine dans le pied des Celtics puisque Jenkins va être un élément majeur de la rivalité entre les deux équipes à l’avenir

Le Commonwealth Big Five pour ouvrir la voie

En parallèle, le basketball afro-américain continue de grandir dans son coin. Et de se structurer avec le professionnalisme qui finit par prendre le dessus sur l’amateurisme, comme de l’autre côté de la barrière. Tout d’abord avec le Commonwealth Big Five, équipe de frères McMahon. Ces promoteurs blancs font jouer leur carnet d’adresse pour affronter des équipes blanches en dehors des Black Fives. Dont les Celtics, qu’ils ne parviennent pas à battre.

Le Commonwealth Big Five et les Original Celtics jouent pour la première fois le 3 mars 1923. Il s’agit du tout premier match entre une des meilleures équipes blanches et l’un des meilleurs Black Fives. Pour cela il a fallu promettre un paquet de blé à Jim Furey, le boss des C’s. Mais les McMahon ont les moyens et veulent attirer du monde. Peu importe les éventuels arrangements financiers, les Afro-américains de Harlem jubilent de voir qu’ils peuvent se frotter au haut du panier.

Malheureusement, l’écart est immense. Pas seulement au niveau de la taille des joueurs, mais aussi en termes de skills. La défaite sonne comme le début de la fin pour le Commonwealth, en attendant que les Rens prennent le relais. Mais pour l’instant, les Celtics sont au-dessus, les meilleurs Black Fives ne sont pas en mesure de lutter réellement. Pour autant, cette ouverture donne de l’espoir. Et un objectif.

Les désillusions pour les New York Renaissance

Les Rens eux grandissent tranquillement et commencent à s’imposer dans le basketball afro-américain. Ils affrontent même quelques équipes blanches, même si elles n’arrivent pas à la cheville des Celtics en termes de notoriété ou de niveau. Mais c’est une base sur laquelle construire

En 1925, ils ont trouvé leur rythme de croisière alors que leur propriétaire Bob Douglas annonce deux rencontres à venir face aux Kingston Colonials et aux Original Celtics, deux des meilleurs quintettes du pays. Cette fois-ci, la communauté afro-américaine veut y croire, va y croire. Ce n’est pas de la confiance mal placée, mais plutôt une certaine fierté qui s’affirme dans le sillage de la Renaissance d’Harlem dont les Rens sont d’une certaine façon les représentants sportifs. Ce n’est pas la victoire contre les Colonials qui va freiner les ardeurs des locaux alors que la confrontation face aux C’s se rapproche.

Mais le 22 mars, pour cette première entre les deux équipes, c’est la douche froide. Les Celtics s’imposent 49-38. Et la différence de niveau est certainement encore plus grande que le score ne peut laisser penser. Si les Rens ont gagné le droit de jouer contre les C’s, il reste du boulot avant de pouvoir espérer réellement les battre.

Les Celtics, une source d’inspiration

Douglas le sait : son équipe est construite à l’image des autres Black Fives, avec de la vivacité, de la vitesse. Mais elle manque de puissance, de muscle, de taille face aux Celtics. Il s’en inspire donc pour pouvoir lutter. Les Rens doivent être capables de contrôler le tempo de la rencontre et mieux utiliser la balle sur attaque posée. Trouver des solutions pour contrer le duo Dutch Dehnert – Joe Lapchick à l’intérieur.

Recruter des joueurs plus grands ou plus forts, voilà la partie facile de l’équation. Derrière, il faut mettre tout ça en musique pour que tous les joueurs suivent la même partition en attaque. Cela demande plus de taf. Mais les C’s eux-même ne se sont pas construits en un jour. C’est cette harmonie collective dégagée par les hommes en vert que visent les Rens. En défense, le fait de jouer le plus souvent possible contre les Original Celtics doit leur permettre de s’ajuster, de mieux les cerner. Même si cela implique aussi de perdre encore quelques fois, en attendant d’être au point.

Les joueurs des Rens reconnaissent volontiers que ces confrontations contre ceux qui ne sont pas encore leurs rivaux les font progresser. Ils apprennent comme eux à jouer avec leur tête, se rappelle John Isaacs. Pour battre les meilleurs, il faut s’en inspirer. Les Celtics sont le modèle à suivre pour les New York Renaissance, comme pour de nombreuses autres équipes.

Rapidement, ce jeu en mouvement, avec peu de dribbles, devient aussi une marque de fabrique chez le Black Five. Ce qu’on appelle l’Eastern Basketball, basé sur cette maîtrise de la balle, des déplacements avec de la vitesse et de l’agilité. Avec un pivot qui sert de point d’ancrage. Ce sont finalement les mêmes ingrédients que ceux utilisés par leurs adversaires qui permettent aux Rens d’en venir à bout le 20 décembre 1925.

À partir de là, les confrontations entre New York Renaissance et Original Celtics se multiplient au point de devenir des classiques incontournables. Longtemps, les hommes en vert gardent globalement le dessus, la bascule se faisant plus ou moins au changement de décennie. Durant ces nombreuses oppositions, des liens forts se tissent entre les joueurs, si bien que de la rivalité naît une relation peu banale pour l’époque.

 

Source : Hot Potato de Bob Kuska


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