Le billet d’Alex : éclipse totale des Suns, après la honte vient le chaos ?

Le 17 mai 2022 à 11:31 par Alexandre Martin

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La défaite est une morsure qui fait d’autant plus mal quand elle se cache derrière de grands espoirs de victoire. L’humiliation est un venin qui se répand quand la manière transforme un échec en débâcle honteuse. Une défaite peut être sans appel mais en laissant la place à une forme d’optimisme motivé par une vraie remise en question. L’humiliation est sans pitié. Elle ne génère en général rien de bon car elle est trop violente, trop écrasante pour ceux qui la subissent. C’est le danger qui guette les Suns : après la honte, le chaos. 

Il y a un peu moins d’un an, j’écrivais le premier “billet d’Alex”. C’était sur les Suns, juste après les Finales NBA perdues face aux Bucks. Le mot défaite apparaissait dès l’intro mais il était au début de lignes empreintes de fierté. Le revers de juillet 2021 n’avait pas empêché les Cactus et leurs supporters de sortir la tête haute, de pouvoir se regarder dans la glace en se disant que la frustration était réelle mais que la voie choisie allait payer car le bon état d’esprit était là. Le fiasco de la série contre les Mavs avec ce match 7 sous forme de dénouement tragique va à l’encontre du travail de construction qui caractérise les Suns depuis la bulle d’Orlando en 2020. Un fiasco qui pourrait avoir de lourdes conséquences. 

Avant de rentrer sur le parquet dans la nuit de dimanche à lundi, Chris Paul connaissait l’importance de ce match et le niveau de pression auquel il allait falloir faire face. Pour avoir déjà vécu cette situation et y avoir subi l’échec à plusieurs reprises, il savait que le droit à l’erreur n’existe pas dans ce contexte. Sans CP3, les Suns n’auraient pas connu les succès des deux dernières saisons. C’est indéniable. Il faut le dire et le redire. Du haut de sa longue expérience dans la ligue, Monty Williams avait conscience du niveau d’effort et de l’énergie qu’il allait falloir fournir pour gagner. Devin Booker aussi. Son jeune âge ne peut lui servir d’excuse sur ce plan. Il suffit de regarder les prestations de Luka Doncic, Trae Young ou Jayson Tatum dans le même cadre. Il faut rendre hommage au boulot de ce groupe et de ses leaders. 64 victoires en saison régulière, ce n’est pas rien mais aujourd’hui cela ne semble pas grand chose. 

Le sport de haut niveau a pour but la victoire mais il est fait de plein de défaites et de souffrances. Le tout est de ne pas se perdre en chemin, de toujours regarder devant, de ne pas baisser la tête. Les défaites ne sont pas un problème en soi, les débâcles humiliantes le sont ou, a minima, peuvent l’être. Que ce soient les joueurs, les staffs, les dirigeants ou les fans, toutes les composantes d’un club sont prêtes à faire face à l’échec. Toutes sont prêtes à se serrer les coudes pour comprendre les raisons qui ont empêché un succès, les analyser et mettre en place les solutions qui permettront d’atteindre le graal par la suite. La défaite des Suns face aux Mavs rentre directement dans la catégorie de celles qu’on n’oublie pas, qu’on n’oubliera jamais. Le genre de défaite qui revient régulièrement dans les discussions. 

“Wouaah les Suns cette année, ils assurent, ils sont encore au sommet de la ligue.

– Oui mais ne nous emballons pas. Ces types ne font pas peur en Playoffs. Ils vont craquer. 

– Ils ne supportent pas la pression.

– Chris Paul n’est jamais présent dans les grands rendez-vous. 

– Devin Booker a une grande bouche et un petit mental. 

– Deandre Ayton a joué à Zelda toute la nuit.

– La lumière va être trop forte pour Mikal.

– Rappelez-vous 2022…”

Les matchs 7 sont une sorte de révélateur ultime. C’est dans ce type de rencontre que le caractère d’une équipe apparaît tel qu’il est réellement, sans mascara ni paillettes. Dans un game 7, il est impossible de se cacher sous peine de se retrouver, finalement, exposé. Cela pourrait même être identifié comme le comble du match 7 tant c’est souvent le cas. Les Suns ont été exposés. Aux yeux de tous. Perdre dans un match aussi crucial, ce n’est pas juste perdre. Y arriver en tant que favori et s’y faire rosser, c’est grave. 

Après l’élimination des Bucks à Boston également lors d’un match 7, un peu plus tôt dans la soirée, Giannis Antetokounmpo a déclaré : “Au lieu de croire que nous avons perdu quelque chose , nous pouvons gagner et apprendre, dans le but de nous mettre en situation de gagner un autre titre.” C’est une déclaration de leader, une déclaration de champion qui est déjà en train de digérer un échec cuisant et qui n’a pas l’intention de s’appitoyer sur son sort. Sauf que les Bucks ne sont pas les Suns. Les Bucks ont été champions. Les Bucks ont failli en deuxième mi-temps de leur match 7 mais ils n’étaient pas favoris et n’avaient pas leur deuxième meilleur joueur. Les Daims vont revenir avec la même base de groupe dès la saison prochaine et si le groupe est au complet, ils seront considérés comme des contenders. 

A Phoenix, le choc est tel pour l’organisation Suns et ses fans qu’un semblant de chaos peut être à craindre lors de l’intersaison à venir. La cas Deandre Ayton sera sûrement le plus épineux tant il semble y avoir des incertitudes, voire des inquiétudes, autour du pivot dont le comportement et l’implication ne sont clairement pas à la hauteur des ambitions du groupe. Ayton sera agent-libre restreint. Il a refusé une extension l’été dernier car il veut le max. Pas sûr que ses récentes performances aient convaincu les dirigeants des Suns. D’une manière générale, ces derniers vont avoir beaucoup de décisions à prendre et s’ils veulent garder le groupe intact en se disant qu’il est possible de repartir sur les cendres de ce fiasco, cela pourrait être extrêmement onéreux. Devin Booker va être éligible à une extension max de 211 millions sur 4 ans. Cam Johnson va devoir lui aussi discuter avec James Jones pour une éventuelle extension rookie. Chris Paul gagnera 28,5 millions la saison prochaine quoi qu’il arrive. La question sera plutôt de savoir s’il peut se remettre de cette nouvelle humiliation. L’autre question sera de savoir si les Suns et leur propriétaire vont accepter de se retrouver dans la Luxury Tax après un tel naufrage… 

Le pire dans tout cela est que, situations contractuelles bien gérées ou pas, ces Suns qui semblaient en position pour enfin accéder à une bague il y a seulement quelques semaines, ont potentiellement raté le train de la gagne. Car d’autres ont pris la place ou sont en train de la prendre. C’est la loi en NBA. Les grosses équipes se tirent la bourre. Les superstars veulent toutes la même chose. La concurrence est féroce surtout avec cette génération de minots pas encore âgés de 25 ans se comportant comme des vétérans à qui la ligue appartient. 

Le défi des Suns va être de ne pas exploser, de montrer que leur mental n’est pas aussi faible que ce que ce match 7 tendrait à le faire croire. Pour cela, un seul moyen : ne pas se démobiliser, ne pas déconstruire trop vite un roster que beaucoup considèrent encore comme ayant le niveau pour jouer le titre, prendre quelques décisions après mûre réflexion et continuer d’y croire.  Revenir, retenter sa chance, ne pas regarder en arrière, ne pas se laisser happer par le poids de la débâcle, savoir utiliser l’énergie de la honte pour en faire une arme. C’est dur, c’est pesant. Le venin de l’humiliation est puissant mais si l’adage “ce qui ne nous tue pas, nous rend plus fort” dit vrai, les Suns vont forcément finir par arriver au bout de leur quête.


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