Carmelo Anthony, de Syracuse à ses 30 203 points en NBA
Le 25 mai 2023 à 10:49 par Antoine Demaegdt
Le 22 mai 2023 à 15h40, on apprenait la nouvelle par une vidéo postée sur son compte Twitter : Carmelo Anthony annonce qu’il raccroche officiellement les baskets. Quoi qu’on pense de Melo, il fait partie de ces rares joueurs qui ont conquis plusieurs générations par leur jeu hors du commun. Alors même si on savait déjà qu’il était complètement cuit, l’émotion reste tout de même particulière lorsque la retraite du neuvième meilleur marqueur de l’histoire devient officielle… L’occasion rêvée de rembobiner sa carrière si particulière pour lui rendre un hommage bien mérité !
Il y a 20 ans c’était l’un des meilleurs jeunes du pays, il y a 10 ans New York le voyait comme son sauveur, il y a 5 ans on l’appelait Hoodie Melo et enfin l’année dernière il faisait partie des papys des Lakers.
L’épopée NBA de Carmelo Anthony mérite d’être retracée lorsque l’on voit à quel point toutes ces étapes sont si différentes les unes des autres. Un coup d’œil rapide sur le CV… et l’on se rend compte que l’on ne parle pas de n’importe qui : 10 fois All-Star, 5 sélections dans une All-NBA Team et retenu parmi les 75 meilleurs joueurs de l’histoire pour les 75 ans de la NBA. De quoi faire rougir pas mal de retraités de la balle orange. Une carrière irremplaçable certes mais lorsque l’on parle de Melo, on retient surtout son jeu emprunt d’un esthétisme si singulier. Qui n’a jamais pensé à lui en tentant un fadeaway au playground de son quartier ? Un shoot si particulier, d’une proprioception aussi fluide qu’efficace, et Melo a ainsi marqué plusieurs générations par sa capacité à mettre le ballon dans le panier (plutôt pratique lorsque c’est le but du jeu). Certains le considèrent même comme l’un des meilleurs attaquants de l’histoire de la Grande Ligue, mais même si son impact culturel est indéniable, le boug aura également été pas mal critiqué tout au long de sa carrière pour son manque d’intérêt pour le collectif et une défense passoire assez criante, limite assumée. Et Melo n’a donc jamais réussi à compenser ses défauts dans ce costume – un peu trop large pour lui – de franchise player qui emmène loin son équipe en Playoffs.
Syracuse : la naissance d’un leader
Natif de New York, Melo a quitté Brooklyn avec sa mère à l’âge de 2 ans pour se rendre dans le Maryland. En étant orphelin de son père et issu d’un quartier défavorisé, Carmelo Anthony aurait pu facilement tomber dans des travers éloignés des terrains de basket. Mais le jeune garçon qu’il était s’est rapidement raccroché au basket. En âge d’intégrer le lycée, Melo va s’inscrire à la Towson Catholic High School de Baltimore pour y entamer son cursus. C’est à ce moment là qu’il va réellement révéler tout son potentiel de basketteur. Pour sa dernière année de lycéen (2001-2002), Carmelo rejoint la Oak Hill Academy en affichant des moyennes de 23 points et 10 rebonds. Pour se rendre compte de son talent de l’époque, il faut savoir qu’il a été sélectionné dans la McDonald’s All-American Team dont les membres sont tout simplement les meilleurs lycéens du pays. Avec un tel succès, Melo hésite à s’inscrire à la Draft 2002 dans la foulée ; mais il prend la sage décision – influencé par sa mère Mary – de perfectionner son jeu en s’inscrivant à l’université. Choix qu’il ne regrette surement pas aujourd’hui.
Lorsque l’on pense à Carmelo Anthony, on peut facilement s’accorder sans baston qu’il remplit parfaitement les critères d’un leader d’une équipe qui paume en Playoffs. Pourtant, le prospect NBA qu’il était n’avait rien d’un loser lorsqu’il était à Syracuse – l’équipe universitaire dans laquelle il a joué. Bien loin du freshman (rookie universitaire) ordinaire, Melo était déjà le leader incontesté de son équipe en affichant 22 points et 10 rebonds de moyenne. Il changea d’ailleurs tout simplement le visage de son équipe en les emmenant tranquillement jusqu’au Final Four des Playoffs NCAA. En demi-finale, Melo va au passage battre le record de points inscrits par un freshman à la March Madness en plantant 33 pions sur la tête de Texas : direction la finale NCAA ! Le jour de la finale, le jeune Carmelo Anthony n’a pas froid aux yeux non plus devant la grandeur de l’évènement et est déterminé à ramener le trophée à Syracuse. Jim Boeheim – son coach de l’époque – témoigne de son sang-froid anormal pour son jeune âge :
« J’avais vu Melo avant le match. Il était très excité, mais il n’était pas nerveux du tout, ce qui est rare pour un freshman. Il m’a dit de ne pas m’inquiéter, il m’a dit ‘coach, on va le faire’. »
Dans un match très serré dont l’issue sera incertaine jusqu’à la dernière possession, Melo répond présent dans tous les secteurs de jeu : 20 points, 10 rebonds et 7 passes. Le jeune Carmelo n’avait donc pas menti à son coach puisque Syracuse, porté par son leader au bandeau orange, va remporter pour la seule fois de son histoire le championnat NCAA ! Une étape cruciale de la carrière de Melo qui lui apportera toute la confiance dont il a besoin pour devenir le scoreur historique qu’il est aujourd’hui. Et s’il s’est pris quelques gamelles en Playoffs, Carmelo a au moins le mérite d’être ce que peu de grands joueurs NBA sont aujourd’hui, à savoir victorieux du championnat universitaire du pays.
C’est bien beau tout ce blabla, mais rien ne remplace les images pour se rendre compte de cette élégance sportive sur le terrain, déjà à l’époque. Alors on se pose devant ses highlights de 2002 lors de la March Madness et on admire cette agressivité et les prémisses d’un jumper déjà légendaire pour l’histoire de ce sport :
Denver : l’éclosion d’un talent générationnel
Après ce succès universitaire digne des plus grands joueurs de sa génération, Carmelo fait enfin l’unanimité chez les scouts NBA et peut s’inscrire à la Draft sans hésiter une seule seconde. En 2003, même s’il fait partie des meilleurs prospects de sa cuvée, il n’a pas vraiment de chance d’être pris en première position puisqu’un certain LeBron James se pointe au rendez-vous la même année que lui. Alors même si Melo déclarait alors être le meilleur joueur de cette Draft en 2003, on se rend compte que ce n’est pas vraiment le cas 20 ans plus tard… L’ailier de Syracuse n’est d’ailleurs même pas le 2ème choix puisqu’un certain… Darko Milicic va lui passer devant en rejoignant Detroit. Bonne idée de drafter un pivot serbe en 2014 mais un peu moins en 2003, puisque ce bon vieux Darko sera au final un flop incroyable malgré un titre glané avec les Pistons en 2004. De quoi – en tout cas – énerver le jeune Melo qui démarre donc sa carrière NBA avec des comptes à rendre en rejoignant les… Denver Nuggets !
Dans le Colorado, Carmelo Anthony passe de nouveau pour le sauveur de l’équipe, comme lors de son arrivée à Syracuse : après 8 ans sans Playoffs, les Nuggets retrouvent le chemin de la postseason grâce à son apport. On peut dire que les débuts de Rookie Melo dans la Grande Ligue sont plutôt réussis puisque l’ailier tourne en année 1 à des moyennes de 21 points, 6 rebonds et 3 passes à 42% au tir. À Denver, l’ailier new-yorkais va tout simplement imposer son style et sa panoplie offensive à toute la ligue. Footwork, premier pas, shoot… Melo à tout ce qu’il faut pour rendre fou ses défenseurs et va clairement se construire une réputation de scoreur ultime. Nicolas Batum déclarait d’ailleurs récemment chez First Team – à l’occasion de sa retraite – quel calibre de joueur Melo était à cette époque :
“J’ai défendu sur énormément de mecs, les KD, les LeBron, les McGrady […] Mais Denver Melo c’est celui qui m’a le plus cassé les c**** quand même. Le Denver Carmelo, c’était vraiment un truc de malade mental et c’est peut-être le mec que j’ai le plus détesté défendre de ma carrière […]. J’ai toujours dit qu’il avait la plus belle palette offensive que moi j’ai jamais rencontré.”
Le jeune franchise player de Denver est donc tout de suite étiqueté comme indéfendable en imposant son style de jeu chaque soir, peu importe les défenseurs. Mais malgré son apport individuel considérable, Carmelo n’arrive pas à emmener son équipe loin en Playoffs et ses 5 premières années dans la Grande Ligue se résument à… 5 échecs au premier tour. C’est à partir de ce moment que les premières interrogations autour de Carmelo Anthony commencent à se poser : est-il réellement capable d’être l’option n°1 d’une équipe qui joue la gagne ? Il y a peut-être bien de quoi revoir les attentes à la baisse lorsqu’on sait que l’ailier se prétendait plus fort que LeBron James dès la Draft… Ce qui est sûr à l’époque, c’est que son jeu très individuel et son manque de défense ne font pas de lui le coéquipier idéal que tout joueur rêve d’avoir dans son équipe.
Pour remettre les pendules à l’heure, il faut donc attendre la saison 2008-2009. L’arrivée de Chauncey Billups – pour suppléer Allen Iverson qui commence à se faire vieux – n’est pas de refus pour ces Nuggets qui calent pas mal en période dès le printemps arrivé. Porté par un Carmelo Anthony au top de sa forme, Denver va finir 2ème de la Conférence Ouest en s’affichant pour la première fois comme un candidat sérieux pour le titre. Après avoir terrassé 4-1 les Hornets de Chris Paul, la bande de Melo retrouve les Mavericks en demi de conf. L’ailier des Nuggets ne va pas rougir devant ses responsabilités puisqu’il va tourner à 30 pions de moyenne dans cette série en envoyant Dallas en vacances sur un 4-1 expéditif. Direction les finales de Conférence pour retrouver les Lakers, 1er à l’Ouest. Kobe et Melo vont alors se livrer un duel historique dans une série bien disputée, mais malheureusement la marche sera trop haute pour Denver. Nouvel échec en Playoffs, mais cette fois-ci aux portes des Finales NBA.
On pourrait alors se dire que ce parcours allait apporter une dynamique positive aux Nuggets, mais la perte d’Allen Iverson l’année suivante va renvoyer l’équipe au point de départ : terminus au premier tour contre le Jazz de Deron Williams en 2010. C’est la défaite de trop pour Melo, qui ne se sent plus vraiment à sa place au sein de cette franchise tout en se brouillant régulièrement avec ses coachs. Au cours de la saison 2011, il affiche publiquement son envie de rejoindre Amar’e Stoudemire à New York, et cet épisode que la presse sportive appelera volontiers le “Melodrama” se termine dans un trade à 3 équipes impliquant… 13 joueurs. Pas la meilleure sortie pour Carmelo, mais un héritage certain pour une franchise qui regroupe beaucoup de ses plus beaux souvenirs en carrière. Respirez profondément et admirez la bête au sommet de son art :
New York : l’amour et la haine du Madison Square Garden
En 2011, la hype monte en flèche dans la Big Apple : Amar’e Stoudemire rejoint New York pendant l’été 2010 et les Knicks se remettent doucement mais sûrement à gagner des matchs. Melo est séduit par le projet sportif et a forcé pour rejoindre le pivot dans sa ville natale. Son niveau en rejoignant les Knicks ? Tout simplement le meilleur de sa carrière puisque l’ailier est en plein dans son prime et va finir meilleur scoreur de la ligue à la fin de la saison 2012-2013, un trophée qui lui va comme un gant. L’année suivante, il ne baisse pas en régime pour autant puisqu’il offre à ses fans la plus belle performance individuelle que le Madison Square Garden n’ait jamais vu : 62 points et 13 rebonds, à 23/35 au tir dont 6/11 du parking. Lorsque l’on pense à Carmelo Anthony ? C’est précisément ce genre d’héritage que l’ailier laisse dans nos mémoires, le genre de performance all-time qui fait bondir les Européens de leur plumard à 3h du matin. On vous laisse savourer l’aisance technique du joueur et sa mécanique de tir reconnaissable entre 1 000 :
That time Melo dropped a career-high 62 points in The Garden 🔥🔥🔥
Celebrating 7️⃣ | #STAYME7O pic.twitter.com/yMNWBgGZi9
— NEW YORK KNICKS (@nyknicks) May 22, 2023
Mais on en revient finalement toujours au même problème avec Carmelo : les performances individuelles sont excellentes… mais on en est où niveau collectif ? Une question qui peut jeter un froid instantané si vous en parlez avec un fan des Knicks, car lorsqu’on regarde les performances de NYC en Playoffs, on est loin de pouvoir se satisfaire du passage de Melo dans la franchise. Le bilan ? Durant ses sept saisons à New York, les Knicks se sont qualifiés trois fois en Playoffs pour seulement une seule série remporté en 2013. La déception est totale.
Alors certes Melo n’a jamais vraiment joué pour des effectifs qui avaient de quoi former une dynastie, mais ce qu’il faut surtout faire c’est ce constat froid : lui-même n’a sûrement jamais eu les épaules pour être l’option n°1 d’une franchise NBA qui va loin en Playoffs… D’ailleurs, rétrospectivement Melo confiait lui-même – dans une interview pour SI – la difficulté d’adaptation qu’il a rencontré lorsqu’il a rejoint la Big Apple en 2011 :
“Dès que je suis arrivé à New York, on a commencé à dire “il faut qu’il change son jeu, qu’il fasse ceci ou cela“… Entre ça, l’intelligence qu’il fallait avoir pour jouer à New York et tous les médias, cela allait au-delà de la simple performance sur le terrain. New York ressemblait plus à une étape de survie, si cela a un sens.”
Des mots extrêmement forts donc concernant la ville de New York que J.R. Smith – son coéquipier favori – confirmera également dans une interview pour Vice Sports : New York est l’une des capitales du basket américain où tout se vie intensément. Les victoires – tout comme les défaites – ont un effet médiatique amplifié par rapport aux standards de la ligue. Jouer pour le Madison Square Garden est tout aussi magnifique que stressant…
Team USA : rappel du joueur qu’il est
Si Melo vit une galère collective dans la plupart de ses expériences NBA, il faut croire qu’il profite bien des moments lors desquels ses coéquipiers ne sont pas trop dégueu. Et oui, comment ne pas mentionner le FIBA Melo lorsqu’on retrace sa carrière ! Comme si l’ailier des Knicks lâchait toute sa frustration de ses échecs répétés en Playoffs sous le maillot national, et si l’on ne devait retenir qu’une seule performance, ce serait surement celle contre le Nigéria aux Jeux Olympique de Londres en 2012 : 37 points à 13/16 au tir pour un 10/12 à 3-points… EN SEULEMENT 14 MINUTES ! Impossible de ne pas le check sans se brûler la main tellement la papatte était en surchauffe !
L’après New York : le début de la fin
Après un énième échec en saison régulière, les Knicks décident d’appuyer sur le bouton rouge en 2017 : New York transfère Melo à OKC. Plutôt séduisant sur le papier pour l’ailier new-yorkais puisqu’il y rejoint le MVP en titre Russell Westbrook et un certain Paul George qui débarque également d’Indiana. Sur le papier tout semble fonctionner comme sur des roulettes mais la réalité sportive est bien différente… Associer 3 superstars qui ont autant besoin du ballon (surtout Carmelo et Westbrook) est une utopie sportive qui n’a jamais vraiment fonctionné. D’autant plus que les égos des stars – surtout celui de Melo qui est le moins en forme des 3 – empêchent des bricolages pour tenter de trouver un équilibre dans la rotation. Dans une légendaire conférence de presse de pré-saison, le problème insoluble d’OKC est révélé au grand jour lorsqu’un journaliste évoque la possibilité à Carmelo de sortir du banc :
“Je sais pas où tu as entendu un truc pareil…*rires* Hey P [Paul George ndlr.], il a dit qu’il faut que je sorte du banc !”
Ce à quoi Paul George a répondu “Ah ouais ? Viens on essaye pour voir !“. Ceci est complètement faux mais pas impossible que ce soit le fond de sa pensée à l’époque. Résultat des courses ? 78 matchs joués pour 78 en tant que starter. Ça c’est la belle face individuelle de la pièce Carmelo Anthony. Et niveau collectif ? OKC se fait sortir au premier tour par le Jazz de Joe Ingles Mitchell et Gobert. Nouvelle fin de chapitre bien crado pour Hoodie Melo…
Chapitre suivant ? On le retrouve aux Rockets et cette fois-ci Melo l’écrase pour de bon et accepte enfin la réalité de la vieillesse. Ah ouais mais non en fait puisqu’on nous dit dans l’oreillette que l’ailier a été coupé de Houston au bout de… 13 matchs. Oui, le chiffre est violent. Mais dans un dernier souffle, Melo va retrouver un rôle important sur deux ans… et quoi de mieux que la tolérance défensive des Blazers pour l’accueillir ?
C’est donc à Portland que Melo signera sa dernière vraie pige dans la Grande Ligue. Toujours starter la première année, il faudra attendre ses 36 ans pour que Carmelo sorte (enfin) du banc. Comme d’habitude, rien de flamboyant en termes de résultats collectifs, mais tout de même quelques coups de chaud offensifs notamment celui du 12 février 2021 contre les Sixers : Melo va nous sortir 17 points dans le dernier quart-temps tout en fermant la boutique, une performance presque anecdotique à l’échelle d’une carrière mais qui rendrait la nostalgie elle-même nostalgique… Allez, derniers coups de poignets un peu rouillés d’un des meilleurs scoreurs de tous les temps :
Chaque passage en NBA de Carmelo Anthony fut à l’image de sa carrière globale : succès immédiat à son arrivée puis déclin progressif sur la durée, et on a presque l’impression qu’il a commencé par la fin en gagnant son unique trophée collectif, en NCAA avec Syracuse. Beaucoup le considèrent comme un éternel loser dont l’égo a toujours dépassé le joueur qu’il pensait être, mais Melo aura surtout marqué l’histoire du basket par un style de jeu et une maîtrise technique que ce sport n’avait encore jamais vu.
Carmelo Anthony, merci pour tout.