Black History Month : John Thompson, Black Men Can Coach
Le 22 févr. 2023 à 14:30 par David Carroz
L’évocation du nom de John Thompson ramène forcément à Georgetown et à sa fabuleuse école de pivots dont Patrick Ewing, Alonzo Mourning et Dikembe Mutombo ont été les plus illustres représentants. Mais l’impact du coach des Hoyas dépasse bien le cadre des joueurs qu’il a envoyés en NBA ou des résultats de ses équipes sur les parquets.
J’aimerais remercier Coach Thompson… pour avoir sauvé ma vie, pour m’avoir donné cette opportunité. […] Plus aucune équipe, plus aucune école ne voulait me recruter. Ma mère est allée à Georgetown et l’a supplié de me prendre, de me donner une chance, et il a accepté.
Lors de son intronisation au Hall of Fame, Allen Iverson se rappelle qu’à cause d’un incident au lycée, la balle orange a failli être privée de son immense talent. Et que c’est John Thompson qui a cru en lui et lui a permis d’avoir un impact culturel incommensurable. Mais The Answer n’est pas le seul à pouvoir le remercier, car en vingt sept années passées sur le banc de Georgetown, Coach Thompson a pris soin de plus d’un joueur. Et même de ceux qui n’étaient pas dans son écurie, car l’influence de celui qui a été la doublure de Bill Russell pendant deux saisons aux Celtics – soit l’intégralité de sa carrière NBA – dépasse largement le cadre de D.C.
Le symbole le plus marquant de cet engagement est sa prise de position forte face à la controversée Proposition 42, règle mise en place à la fin des eighties pour exiger un niveau académique minimum afin d’obtenir une bourse d’étude. Sauf que selon lui – et d’autres – l’effet serait injuste pour les élèves les plus défavorisés, en particulier les Afro-américains, car les lycées qu’ils fréquentent n’offrent pas les mêmes garanties scolaires. Pour John Thompson, qui se considère avant tout comme un enseignant plus qu’un coach, cette discrimination est inadmissible. En signe de protestation, il quitte son banc et boycotte deux rencontres, jusqu’à ce que la NCAA daigne revenir sur cette proposition.
Par cette action, il s’inscrit dans la lignée d’Elgin Baylor ou Bill Russell qui ont eux aussi osé boycotter des matchs – certes chez les pro – prouvant que les Afro-américains disposent de moyens de pression pour faire valoir leurs droits. Mais son influence ne se limite pas à ce geste fort. Quitte à se mettre à dos une partie de l’opinion publique qui ne goûtait guère au style rugueux de ses équipes ou son refus de laisser les journalistes avoir accès à ses joueurs, John Thompson reste droit dans ses bottes et fidèle à ses convictions. Il doit protéger ses ouailles et leur offrir le meilleur avenir possible, même si cela doit froisser du monde. Peu importe d’ailleurs si cela signifie prendre des risques, comme lorsqu’il convoque un baron de la drogue, Rayful Edmond, pour lui signifier clairement de ne plus s’approcher de ses joueurs.
Si John Thompson peut se permettre d’imposer sa vision, c’est aussi parce que son travail en tant que coach est fructueux. En 1982, dix ans après sa prise de fonction à Georgetown, il emmène les Hoyas au Final Four. Lorsqu’on lui demande ce qu’il ressent en étant le premier coach afro-américain à atteindre ce stade, la réponse est cinglante :
Je n’apprécie pas du tout cette question si elle signifie que je suis le premier coach noir assez compétent pour mener une équipe au Final FOur. D’autres Noirs se sont vus refuser le droit dans ce pays, des coachs qui en avaient les capacités. Je ne retire aucune fierté à être le premier coach noir au Final Four.
Autant vous dire que deux ans plus tard, lorsque les mêmes sujets de discussion reviennent sur la table une fois le titre remportée autour de Pat Ewing, il ne mâche pas plus ses mots, tout en offrant à certains un cours d’histoire en rappelant qu’il n’est pas le premier à remporter un titre national car John McLendon l’a fait avant lui, avec les Tigers en 1957. Certes, ce n’était pas le plus haut niveau de la NCAA, mais c’est une preuve supplémentaire selon lui que d’autres n’ont pas pu bénéficier des bonnes opportunités à cause du racisme.
Véritable symbole pour la communauté afro-américaine dans le basketball, John Thompson a non seulement été un modèle, une source d’inspiration mais surtout un exemple de réussite et de droiture dans un milieu où la diversité n’est pas la norme. Son décès en août 2020 – comme un symbole, au moment du boycott de la bulle NBA à Disneyland – a été considérée comme une perte majeure pour le sport et pour la lutte pour la justice sociale aux États-Unis.