Black History Month : John McLendon, la révolution du fastbreak

Le 11 févr. 2023 à 13:05 par David Carroz

TrashTalk Black History Month John McLendon
Source image : Youtube, chaine IntersportChicago, montage Léonce MVP

Tombé amoureux du basketball gamin, John McLendon va révolutionner ce sport sans avoir été un brillant joueur. Afro-américain né dans le Kansas, il ne part pas avec d’énormes atouts dans sa main dans une Amérique ségrégué. Mais en tant que coach, il va faire tomber des barrières les unes après les autres tout au long de sa carrière qui prend racine auprès du créateur du panier-ballon.

Quand tu as la balle, à partir de ce moment-là tu attaques. Quand l’équipe adverse a la balle, à partir de ce moment-là tu défends.

Ce conseil donné par James Naismith façonne très tôt la philosophie de jeu de John McLendon, son protégé. Mais comment un Afro-américain se retrouve-t-il à discuter panier-ballon avec son inventeur ? Tout simplement car sa passion du basketball l’a mené à poursuivre ses études à quelques dizaines de kilomètres de chez lui, lorsque son paternel s’est rendu compte que James Naismith enseignait à Kansas University. C’est donc là que John McLendon se pointe pour se présenter comme son nouveau conseiller en 1933. “Qui a dit ça ?” lui demande logiquement Naismith. “Mon père. – Entre, les pères ont toujours raison.

S’en suit une relation de maître à disciple avec de nombreux échanges quotidiens sur la philosophie du basketball que McLendon transmettra à ses équipes : toujours être agressif en attaque et en défense. En parallèle, Naismith soutient aussi McLendon dans la dure réalité d’être un Afro-américain sur un campus très majoritairement blanc. Trois ans plus tard, John McLendon devient le premier diplômé de sa communauté en éducation physique de Kansas University en 1936 avant d’enchaîner avec un master à l’université d’Iowa. Là, ses chances d’entraîner une équipe de basketball sont maigres. Qui va donner sa chance à un jeune Afro-américian ? Pas le choix, il rejoint une école traditionnellement noire dans le Sud, celle de North Carolina College of Negroes (devenue aujourd’hui North Carolina Central University) à Durham. De 1941 à 1952 son équipe domine le game avec huit titres. Problème, cela n’apporte aucune reconnaissance car ces trophées sont obtenus au sein de la CIAA réservée aux équipes afro-américaines. Le style de jeu du coach s’affirme : pressing tout terrain, fast break, on est loin des matchs stéréotypés et lents symboles de cette époque. Une telle stratégie, en plus d’être payante en termes de résultats, lui semble également plus agréable pour les joueurs et le public. Bref, tout le monde en sort gagnant, sauf ses adversaires ! Peu importe cette révolution, les accomplissements passent quasiment inaperçus.

La ségrégation pousse McLendon, quelques années après son premier titre, à jouer avec le feu lorsqu’il organise un match clandestin dont on n’apprend l’existence que dans les nineties. Une histoire sortie sur le tard, car si l’info était tombée à l’époque, les conséquences auraient pu être dramatiques dans un état où on n’appréciait guère la mixité raciale. Pourtant, malgré la hype Ku Klux Klan qui règne en Caroline du Nord, les Afro-américains de North Carolina College et les Blancs de l’école de médecine de Duke s’affrontent au cours du Secret Game en 1944. NCC remporte la première manche, mais les petits gars de Duke ne veulent pas en rester là. Plus qu’une revanche, c’est un mélange des équipes qu’ils réclament. Un geste fort car comme l’a rappelé depuis John McLendon, certains de ses joueurs n’ont jamais serré la main d’un Blanc avant ces confrontations.

Attiré par les performances de John McLendon, Tennessee A&I (Tennessee State University aujourd’hui), le recrute en 1953. En parallèle, il tente de pousser pour le développement du basket afro-américain, entre organisation de tournois et travail de l’ombre pour que les universités traditionnellement noires intègrent les tournois nationaux de la NCAA – Not Colored Athletes Allowed comme en blaguent amèrement les Afro-américains. Malheureusement, sans succès, avec des arguments très symptomatiques de l’ambiance : “les fans risquent de ne pas apprécier votre style de jeu” ou “vos coachs ne sont peut-être pas assez compétents“. C’est du côté de la NAIA (autre regroupement universitaire) que le rapprochement se fait, bien que la division 29 est créée pour regrouper toutes les facs afro-américaines, limitant ainsi leur accès au tournoi final.

Ce qui n’empêche pas les Tigers de John McLendon d’aller chercher le titre en 1957 – avec dans l’équipe Dick Barnett, futur champion NBA avec les Knicks. Le premier trophée national pour une institution et un coach afro-américains. Mieux, ils récidivent en 1958 et 1959. Un triplé qui est aussi une première au niveau universitaire, peu importe la question raciale. Mais de l’autre côté de la barrière, la rengaine reste la même. On parle de Monkey ball, d’un style de jeu sans structure, qui ne peut être pratiqué que par des joueurs afro-américains. Pourtant, quelques années après les arrêts Brown v. Board of Education, ces succès sont des messages de plus pour prouver l’égalité raciale, même s’ils sont passés sous silence.

Si le gros de l’œuvre de John McLendon a été réalisée lors de cette carrière universitaire, il continue de marquer l’histoire avec d’autres premières. Tout d’abord en 1959, en étant le coach des Cleveland Pipers. En ligue industrielle, puis en American Basketball League, une compétition montée pour concurrencer la NBA. Il est ainsi le premier Afro-américain à entraîner une équipe professionnelle intégrée – peu importe le sport. En 1962, il publie Fast Break Basketball : Fine Points and Fundamentals, où il documente sa philosophie de jeu. Là encore, il est le premier coach afro-américain à sortir un tel bouquin.

Puis, c’est de nouveau depuis les bancs de touche qu’il pose son dernier milestone. En prenant les rênes de Cleveland State, il est le premier entraineur noir dans une université majoritairement blanche en 1967. S’il a coaché également les Denver Rockets en ABA – là aussi une première – il ne fait pas long feu, les joueurs professionnels – surtout les Blancs – n’étant pas très chauds pour son style de jeu et d’entraînement. encore plus venant d’un Afro-américain. C’est enfin avec Team USA qu’il devient le premier membre Afro-américain du staff en 1968, avant d’être également le premier au sein du comité olympique.

Si en 2016 John McLendon est enfin admis au Hall of Fame en tant que coach à titre posthume, c’est seulement comme contributeur qu’il avait été intronisé en 1979. Soit 37 années pour reconnaître que son taf sur un banc de touche valait aussi les honneurs, illustration supplémentaire de la longue mise à l’écart des pionniers afro-américains.

Source : Soul of The Game: The John Mclendon Story