Black History Month : Allen Iverson, le plus grand influenceur de sa génération ?

Le 11 févr. 2023 à 00:50 par Bastien Fontanieu

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Source image : TrashTalk

Avoir un impact sur sa société, sur sa communauté, c’est ce qui fait de vous quelqu’un de grand. Même lorsque vous ne faites “que” 1m80 pour un basketteur, on peut laisser une trace indélébile derrière soi tant que le coeur, la pensée et la détermination sont là. Et qu’on l’ai aimé ou pas, qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime toujours pas, Allen Iverson a fait exactement cela.

Allen Iverson ? Black History Month ?

Comment ça, quel rapport.

Oui, de prime abord, la connexion peut paraître capillotractée auprès de certains. Et pourtant, quand on creuse un peu plus qu’en restant à la surface, l’évidence est là.

Allen Iverson est, avant toute chose, une légende du basket. Son palmarès, son jeu, ses records, vous n’avez qu’à aller sur Wikipédia pour vous refaire le parcours NBA du bonhomme : on parle bien d’un Hall of Famer premier rang sans débat possible, et dont le passage sur la planète basket a créé un retentissement énorme pour les générations futures de petits guards. Ses dribbles, son sens du scoring, sa vitesse, sa défense, ses qualités athlétiques, si on parle purement d’un point de vue sportif AI était une des plus belles étoiles filantes du basketball.

Mais ce n’est pas ce qui nous intéresse ici. En ce Black History Month, il est important de rappeler que cette série sur TrashTalk met en avant “celles et ceux qui ont contribué à écrire l’histoire de leur communauté, de leur sport, de leur pays.”

Et l’évidence se place ici concernant Allen Iverson.

Hormis Michael Jordan, quel basketteur a eu un aussi gros impact sociétal et culturel qu’Allen Iverson ?

Impact sociétal, impact culturel, impact stylistique, impact sur la manière de voir les sportifs, impact sur la façon d’aborder les événements sportifs, il y a bien eu un avant et un après Iverson.

Pour la simple et bonne raison que l’arrière des Sixers a poussé le plus loin possible la notion suivante : aimez-moi ou détestez-moi, mais je serai 100% moi-même.

Allen Iverson a slidé sur les frontières identitaires de la NBA et a fait tomber les barrières unes par unes, emmenant avec lui toute une génération de jeunes afro-américains qui ne rêvaient que d’une chose : voir quelqu’un atteindre le sommet, et auquel on peut s’identifier. Il suffit d’entendre Kendrick Lamar parler d’AI pour comprendre l’impact profond d’Iverson sur sa génération, le rappeur de Californie ayant résumé la chose de la façon suivante. Allen, c’était un gars du quartier qui montrait que tu pouvais réussir. Lui aussi avait des tatouages, lui aussi avait des cornrows, lui aussi portait ses pantalons bien bas, lui aussi portait des t-shirts qui faisaient 3 fois sa taille. Mais il restait lui-même en dépit de sa réussite.

C’était un vrai. Allen Iverson, c’était un vrai.

Et c’est ce qui l’a aidé à devenir, justement, une figure majeure de sa génération et de sa communauté. Car pendant des années aux USA, l’intégration sociale était difficile pour des millions d’Afro-Américains tentant de trouver leur place, tentant de sortir d’un modèle dominant / dominé pendant des décennies. Il fallait justement l’audace, le culot et le “this is who I am” de sportifs comme Mohammed Ali – par exemple – pour secouer les pensées et faire un grand pas en avant. Iverson a suivi dans ces pas et, à sa façon, a bousculé la société américaine.

“J’ai voulu me faire des cornrows, juste pour être comme Allen Iverson” – Chris Paul

Porter des cornrows ? Pendant longtemps c’était assimilé à la prison, au tieks, aux voyous qui terrorisent l’Amérique puritaine et blanche. Aujourd’hui, ils sont des dizaines à les porter en NBA, et cette étiquette réductrice a disparu.

Porter des fringues qu’on aime, des fringues street, que cela plaise ou non ? Pareil, toute une génération hip-hop qui va mener la jeunesse de l’Oncle Sam vers les ténèbres. Et bien aujourd’hui, les fringues d’avant-match portées par les joueurs sont une attraction phare de n’importe quelle rencontre.

Faire du rap en-dehors des entraînements, jusqu’à sortir un album ? Bonjour le drame pour David Stern à l’époque. Et pourtant, aujourd’hui, que dire de Damian Lillard et compagnie ?

Porter des accessoires sur le terrain, comme une manche de protection ? Voilà que les thugs des playgrounds qui envahissent notre belle NBA bien propre sur elle. Et aujourd’hui, quelle star n’en porte pas ? Regardez LeBron, regardez Giannis, regardez Ja Morant.

Le raccourci peut sembler simple voir réducteur au premier regard, mais la réalité est la suivante.

Allen Iverson a représenté des éléments clés de la culture afro-américaine et les a posées droit dans la face de l’Amérique, hate it or love it.

C’était le roquet qui osait regarder les géants pour dire, voilà qui je suis, voilà qui nous sommes, et maintenant vous n’avez pas d’autre choix que de faire avec.

Non seulement la NBA a dû faire avec, mais la société en a fait de même. Et cette bascule identitaire entre la moitié des années 90 et la fin des années 2000, elle est symbolisée par ce nabot des parquets qui voulait faire tomber les plus grands. Si ce n’était que sportif ? Et bien cela aurait déjà été superbe, mais l’influence n’aurait pas été aussi énorme. Ce qu’il fallait, c’était quelqu’un qui était aussi fort sur qu’en dehors des terrains. Quelqu’un d’audacieux, le angry black man comme certains aiment dire là-bas, pour secouer les vieilles branches et réveiller les retardataires.

Alors certes, Allen Iverson n’a pas tenu d’immense discours sur l’histoire de la communauté afro-américaine, et ce sont plutôt ses conférences de presse post-entraînements qui sont rentrées dans l’histoire. Mais on le redit encore une fois : quel joueur a eu autant d’impact sur une institution phare de l’Amérique comme le sport, en emmenant avec lui des piliers culturels de l’Amérique noire ?

Pourtant surnommé la réponse, Allen Iverson n’a pas réglé des soucis d’injustice sociale, il n’a pas solutionné des problèmes de violences policières. Il n’a pas affirmé publiquement qu’il allait s’occuper de tout le monde, en manifestant ou en protestant au premier rang. Mais si d’autres le font aujourd’hui ? C’est aussi parce qu’il a ouvert une brèche que personne ne voulait gérer, par peur des conséquences sur leur image. Hate him or love him, mais A.I est bien un acteur marquant de l’évolution afro-américaine sur ces 30 dernières années.