Don Barksdale – Part 3 : le premier Afro-américain au All-Star Game NBA laisse un héritage immense
Le 03 avr. 2022 à 11:28 par David Carroz
Qui est le premier afro-américain à avoir été sélectionné et à avoir participé à un All-Star Game ? Si vous savez lire un titre, vous avez déjà la réponse. Mais sans cela, peu de gens peuvent répondre, comme peu de gens connaissent réellement le chemin parcouru par cette communauté et ses joueurs désormais tête d’affiche de la NBA. Après avoir fait tomber de nombreuses autres barrières raciales, le pionnier Don Barksdale finit par obtenir un bout de reconnaissance chez les pros.
Don Barksdale – Part 1 : un précurseur multiple devenu le premier Afro-américain nommé All-American
Alors qu’il brille en AAU à la fin des années quarante au sein des Oakland Bittners, Don Barksdale poursuit en parallèle ses business en dehors des parquets, voyant son avenir au sein de la BAA – puis NBA – bouché. En avance sur son temps sur les terrains grâce à ses qualités athlétiques et son jeu vertical, il n’est pas en reste lorsqu’il s’agit de faire fructifier sa renommée. Certes, il n’est pas professionnel, mais sa réputation de basketteur le précède dans la baie de San Francisco, ce qui lui ouvre pas mal de portes. D.J. à la radio, distributeur de bière, disquaires, ce précurseur de nos athlètes multi-casquettes gagne bien sa vie dans des univers éloignés de la balle orange.
Don Barksdale arrive finalement en NBA
Une situation qui lui permet d’être regardant quand finalement la Grande Ligue commence à lui faire les yeux doux. En 1950, le trio formé par Chuck Copper (premier Afro-américain drafté), Earl Lloyd (premier Afro-américain a joué un match) et Nathaniel Clifton (premier Afro-américain a signé un contrat professionnel – du moins considéré comme tel même si Harold Hunter, oublié car n’ayant jamais joué, a posé sa griffe sur un deal avant lui) lancent l’intégration de la NBA. Un privilège qui aurait pu revenir à Don Barksdale, contacté par les Knicks en 1949. Sauf que la proposition financière ne collait pas à ses demandes.
Derrière cette première fournée donc, d’autres joueurs vont rejoindre la Ligue, sans pour autant que le visage de celle-ci soit complètement changé. Les Afro-américains restent largement minoritaires en NBA. Mais cela laisse le champ libre pour voir d’autres premières à différents niveaux, pour des gars qui vont franchir des étapes à leur façon et permettre à leur communauté de s’ancrer toujours plus. Parmi eux, Don Barksdale va se tailler une place de choix. En 1951, il signe aux Baltimore Bullets. Il retrouve là-bas son ancien coéquipier à UCLA et aux Bittners, Dave Minor, un autre Afro-américain arrivé un poil avant lui.
Bien installé dans sa vie professionnelle avant de faire ce grand saut, Don se montre exigeant. Il signe l’un des plus gros deals de l’époque – environ vingt mille dollars par saison, soit dans le top 10 – qui inclut l’animation d’un show radio et télé après chaque rencontre à domicile. On vous laisse imaginer un instant la scène d’un gars qui pose son boule derrière un micro, casque sur la tête, encore dégoulinant de transpiration ou de la douche. Des conditions de rêve. Malheureusement un tel contrat s’avère être une cible posée sur son dos sur laquelle ses dirigeants n’hésiteront pas à dégainer.
Des débuts compliqués
La première difficulté se dresse avant même son arrivée. Alors qu’il doit rejoindre l’équipe, une incompréhension sur la date de son départ d’Oakland cause un premier malaise. Alors que les Bullets l’attendent, il est encore sur la route, ce qui crispe les décideurs. À peine en ville, il s’offre deux heures de course au gymnase avant de rejoindre ses coéquipiers dans le Maine pour enchainer avec un match d’exhibition face aux Celtics. Mauvaise idée, il se réveille au milieu de la nuit avec les chevilles enflées, meurtries par le trajet – une semaine pour traverser le pays – en voiture, train et avion puis par la rencontre.
Sa demande de repos pour soigner ses articulations rejeté, il joue toute la saison dans la douleur. Pire, ses chevilles ne guériront jamais réellement. Les Bullets galèrent – seulement vingt victoires pour quarante-six défaites. Sans véritable pivot, ils alignent Don Barksdale dans la peinture malgré ses quatre-vingt-dix kilos qui ne pèsent pas lourd face aux adversaires. Il s’en sort honorablement avec 12,6 pions (19ème moyenne de la Ligue) et 9,7 rebonds (14ème). Mais cela ne suffit pas. Peu importe qu’il soit rookie, peu entouré, blessé et qu’il ne joue pas à son poste. Les Bullets attendent un meilleur retour sur investissement et commencent à lui chercher des noises.
Il faut dire qu’avant d’atteindre ces moyennes, il ne tourne qu’à 6 points lors de ses quatre premiers matchs. Il est alors mis de côté, sans raison officielle. Puis, pour ne pas payer son salaire, sa franchise annonce sa suspension. Une décision possible à l’époque où aucun agent ni syndicat des joueurs n’existent pour se dresser face à un tel traitement. Les Bullets évoquent des raisons disciplinaires, mais la réalité est financière. Il semble même que quelques joueurs blancs de l’effectif n’apprécient guère qu’un Afro-américain gagne plus d’argent qu’eux.
Le premier Afro-américain au All-Star Game
La situation finit par s’arranger et Don Barksdale retrouve les terrains, non sans avoir été privé d’un quart de son salaire. Mais sans se coucher, annonçant clairement qu’à la fin de son deal de deux ans, il ne rejouera plus pour Baltimore. Sur le parquet, malgré ce premier exercice parfois compliqué, il élève son niveau de jeu en sophomore. L’adresse remonte, les moyennes passent à 13,8 points et 9,2 rebonds. Mieux, le 13 janvier 1953 il participe au All-Star Game, nouvelle première à son palmarès. Jamais un Afro-américain n’avait eu l’honneur d’une sélection au match des étoiles avant lui. Une fierté que les autres joueurs de sa communauté partagent avec lui, chaque accomplissement individuel de l’un d’eux étant une satisfaction collective.
Chez les Bullets, les résultats ne décollent pas. Comme annoncé en début de saison, il refuse de prolonger son bail. À l’époque, la franchise garde tout de même les droits sur le joueur. Elle l’envoie à Boston contre de l’argent et quelques obscurs joueurs (qui vont cumuler sept rencontres sous le maillot des Bullets). Chez les Celtics, le rôle de Don Barksdale diminue, en partie à cause de ses soucis aux chevilles qui l’obligent à des injections de cortisone régulière. Mais encadré par Red Auerbach le coach et Walter Brown le propriétaire, il s’éclate. Se sent considéré. Ses coéquipiers le respectent et apprécient jouer avec lui. Il faut dire que Brown et Auerbach gèrent la franchise en montrant une plus grande ouverture d’esprit que celle réputée de la ville du Massachusetts.
En tant que joueur, c’était une vision du futur, se rappelle Bob Cousy qui a partagé le terrain avec lui. Nous avions drafté le premier joueur afro-américain, Chuck Cooper, en 1950. Chuck jouait comme un Blanc. Donald était un aperçu de ce qui allait arriver, en ce qui concerne les qualités athlétiques affichées par les futurs grands joueurs afro-américains. Don avait une énorme détente. Il restait en l’air indéfiniment. Il allait vite. Il était rapide. Du point de vue d’un meneur qui recherche constamment des cibles pour des résultats positifs, c’était ce que la vitesse et la rapidité de Donald m’apportaient.
Comme à Baltimore, Don Barksdale passe deux ans à Boston. Sans retrouver son niveau All-Star ni celui de son prime démontré en AAU. Un petit regret de cette courte carrière de quatre saisons chez les pros, débutée trop tardivement à cause de la ségrégation, terminée trop rapidement à cause de ses douleurs aux chevilles. Ce qui laisse un petit goût d’inachevé, comme d’autres Afro-américains qui ont foulé les parquets NBA en tant que pionniers et dont le rôle se limitait trop souvent aux tâches ingrates comme les rebonds ou la défense. Un prolongement de la société, où le sale boulot leur est réservé tandis que les Blancs prennent la lumière. Une utilisation pleine de préjugés, comme quoi les Afro-américains disposent de qualités athlétiques pour ce travail, mais pas de l’intelligence pour être moteur en attaque.
Don Barksdale ne garde aucune rancœur vis à vis de cette carrière et c’est l’esprit léger qu’il retourne faire tourner ses affaires. Non sans laisser un petit cadeau à sa franchise. Proche de Bill Russell, il déconseille à celui-ci de rejoindre les Globetrotters. Mieux, il permet au futur socle de la dynastie des Celtics de rencontrer Walter Brown. Quelques mois plus tard, le pivot atterrit à Boston pour la fabuleuse aventure que l’on connaît.
Sans Don Barksdale, pas de Gary Payton
Son héritage laissé à la NBA n’en reste pas là. Des années plus tard, alors alité à l’hosto, il découvre l’impact d’une nouvelle loi californienne votée en 1978, en particulier de son amendement, dit proposition 13. Celle-ci limite les impôts fonciers prélevables par l’État. Quel lien avec la choucroute ? Et bien cela touche le budget de la Californie et des coupes ont logiquement lieu. Dans les années quatre-vingt, cela menace le système sportif scolaire. L’accès aux compétitions devient trop cher pour de nombreux jeunes, surtout chez les Afro-américains.
Hors de question pour Don Barksdale que ces gens-là ne puissent pas disposer d’opportunités qu’il n’a pas forcément eues à son époque. Les temps ont changé et désormais, des gars comme lui se doivent d’agir, d’offrir cette chance. Lui-même exclu de l’équipe du lycée à cause de sa couleur de peau, il ne peut accepter que ce soit maintenant des questions d’argent qui privent d’autres gamins afro-américains de leurs rêves. À partir de ce moment-là, il décide de faire son maximum pour aider sa communauté.
Il met alors en place l’association Save High School Sports. Grâce à ses relations, il lève plus d’un million de dollars en lançant les Celebrity Waiters luncheon, des repas où ses amis sportifs ou liés au divertissement viennent comme serveurs. Vous imaginez Nate Thurmond ou Al Attles qui vous apporte votre gueuleton ? Et bien dites-vous que les fonds ainsi récoltés ont sauvé le sport dans les écoles publiques d’Oakland. Et parmi que les gars qui ont bénéficié de cette opération, on trouve Gary Payton. Dernier cadeau offert par Don Barksdale au amoureux du basket.
Charismatique bien avant Magic Johnson et son sourire. Scottie Pippen avant l’heure selon Tex Winters – l’assistant de Phil Jackson aux Bulls et père de l’attaque en triangle. More Than An Athlete là aussi bien avant l’émergence d’un LeBron James pas encore né. Autant dire qu’évoquer Don Barksdale, c’est trouver l’exemple parfait à accoler à la définition du mot précurseur. Mais aussi pionnier, tant il a franchi des étapes importantes. En voilà un qui n’a pas volé sa place au Hall of Fame, obtenue en 2012, 29 ans après son décès d’un cancer.
Si vous voulez en savoir plus sur Don Barksdale, n’hésitez pas à vous plonger dans les deux chapitres qui lui sont consacrés au sein de They Cleared The Lane de Ron Thomas ou le documentaire Bounce : The Don Barksdale Story produit par Doug Harris.