Linsanity – 10 ans plus tard : quand vint la folie médiatique

Le 13 févr. 2022 à 15:28 par Arthur Baudin

Source image : Time / GQ / Sports Illustrated / Daily News / Super Sports / Sports

Dix ans, déjà. Cela fait dix ans que la tempête est passée. Cela fait dix ans que l’indécence a laissé place aux souvenirs. Que garde-t-on de la folie Linsanity ? Que garde-t-on de cette brève période passée à écarquiller les yeux devant la révélation d’un sans-grade venu d’Harvard ? Pour célébrer la plus courte et intense des culminances en NBA, plongeons tête la première dans la pensine, direction le monde de Jeremy Lin. Quatrième épisode, quand vint la folie médiatique.

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La médiatisation, ce phénomène qui nous pose en traitre devant une foule d’inconnus. Jeremy Lin est le prototype même du gars qui a demandé à réussir, pas à ce que les autres le sachent. Forcément, lorsque l’on est l’un des premiers joueurs asiatiques à réussir en NBA, les murs n’ont pas besoin d’oreilles pour que la nouvelle fasse le tour du globe. Un sans grade qui tabasse le pays des frites McCain, les journaux en raffolent, les paparazzis ne se fixent plus de limites, l’effervescence est à son paroxysme.

Depuis combien de temps n’avait-on plus vu de NBA sur un journal télévisé français ? Loin de nous l’idée d’un reproche – à chaque culture ses échos – il est simplement rarissime de parler balle orange sur les canaux du terroir. Les traits y sont parfois grossis, comme lorsque France Télévisions présentait « l’Amérique de Frank Ntilikina ». L’ancien de la SIG Strasbourg a ses qualités, c’est évident, mais le boucher parle mieux de sa viande que le consommateur – nous les premiers. Là n’est pas le sujet. Un petit gars a réussi l’exploit de passer au journal de France 2, sans passeport français, juste avec ses qualités de basketteur. Son nom est Jeremy Shu-How Lin. Une sortie de banc, dix jours passés à la postérité, toutes les caméras du monde ont fait le focus. À cet instant précis, l’Américano-Taiwanais fait une croix sur l’anonymat. Il est considéré comme une idole en Asie et pourrait sans trop de soucis accéder à la présidence de Taïwan. S’il rentre au pays – dans un cadre vacancier ou autre – il lui est désormais impossible de passer inaperçu : sa portière de voiture s’ouvre, une marée humaine déferle. Dans un docu signé Peter Radovich pour CBS News, l’un des fameux stratagèmes du joueur pour s’exfiltrer de son hôtel est mis en scène. Pour rejoindre un terrain de basket dans le centre-ville de Taipei – la capitale de Taiwan – Jeremy Lin sort avec une tête géante de Hello Kitty sur les épaules. Ce qui nous fait parler de « mise en scène » est qu’il existe probablement des déguisements plus malins et moins grillés que ce truc. Un gars en tenue de basket qui sort visage camouflé, de surcroit sans qu’aucun des journalistes ne fasse le rapprochement. Cela donne toutefois une idée du niveau d’implication nécessaire pour trouver la tranquilité. Le prix de l’information sur Jeremy Lin a explosé, les journalistes le savent, et le public en est friand.

« Alors Maryse, qui est celui qui suscite même l’admiration de Barack Obama ? ». Pour que Laurent Bégé Delahousse enfile le costume de journaliste NBA, il fallait bien qu’un lien extérieur valide Jeremy Lin. Les points de référence qui admirent le meneur des Knicks sont nombreux. Qu’ils soient acteurs, politiciens ou même Steve Savidan, la tornade Linsanity n’a pas laissé grand monde à quai. On parle d’une médiatisation totale. À l’époque, le meneur des Knicks réunit à peu près tous les caractéristiques nécessaires au monopole de l’attention. Il est asiatique, n’est pas un monstre physique à proprement parler, dormait encore sur le canapé de son frère un mois avant d’exploser, et affiche une audace sans précédent. L’histoire est magnifique. Les gens veulent tout connaître de celui qui a pourchassé puis capturé son rêve américain. Il est d’ailleurs le deuxième joueur NBA le plus « googlisé » en 2013, juste derrière LeBron James – et devant Michael Jordan. Un intérêt qui a parfois posé problème. En 2012, la grand-mère et l’oncle de Jeremy Lin vivent ensemble dans la banlieue de Taipei. Sans même connaître les règles du basket, ils suivent les exploits de la fierté familiale à la téloche. « Je sais seulement que lorsque Jeremy a mis le ballon dans le panier, il a fait une bonne chose » confie Lin Chu A Men – la grand-mère de 85 ans – au New York Times. Mais paparazzis et tabloïds ne ciblent pas que la seule personne de Jeremy Lin. Les journalistes s’amassent devant le domicile de ses deux proches, espérant capturer des clichés – ou dégoter une interview – pour alimenter leurs unes. L’oncle et la grand-mère ont finalement fui vers leur village ancestral, Beidou, dans le centre-sud de Taïwan. Les paparazzis ont retrouvé leur trace, ce qui a contraint les deux parents à donner une interview sur Taipei, histoire de calmer la folie. Eh oui, tout ce qui touche à Jeremy Lin se vend, en témoigne la couverture du Time. Partout dans le monde, l’hebdomadaire amerloque place Kim Jong-un en première page de son édition du 27 février 2012. Partout, sauf en Asie où Jeremy Lin vole la vedette du dictateur et décroche la une. Lunaire.

Rendez-vous compte, sur le marché asiatique, Linsanity a fait de l’ombre au nouveau dictateur de la Corée du Nord. C’est dire la puissance de la médiatisation tombée sur l’américo-taiwanais. Pour s’en faire une idée en image, voici une vidéo de Jeremy Lin qui pénètre dans l’aéroport de Songshan à Taipei, en août 2013. Cela fait plus d’un an que le meneur a lâché sa prose sous les projos du Garden, et pourtant, la hype semble toujours au sommet.

« Chaque chose en son temps, tout vient à point à qui steak attendre » disait Confucius lorsqu’il bossait encore à Buffalo Grill. Un nouvel écrit de « Linsanity – 10 ans plus tard » arrive sous peu, pour continuer de célébrer l’une des plus belles mise en lumière que la NBA ait connu.

Source texte : basketball reference / New York Post / The Athletic / BusinessInsider / New York Times / Twitter / YouTube / ESPN / Bleacher Report / Time / GQ / Sports Illustrated / Daily News / Super Sports / Sports


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