Damian Lillard sur le départ ? Rififi à Portland, entre bruits de couloirs, management sous l’eau et superstar fatiguée

Le 28 juin 2021 à 02:16 par Bastien Fontanieu

Damian Lillard
Source image : NBA League Pass

Pile au moment où la NBA manquait d’une petite bombinette, voilà que quelques âmes américaines sont venues ambiancer notre dimanche soir. Chris Haynes de chez Yahoo Sports à la baguette, et un sacré poisson au centre de toutes les attentions : Damian Lillard. Le patron des Blazers pourrait atteindre un niveau de frustration en privé, et désormais en public, qui pourrait le mener à demander son transfert. Vrai, pas vrai, on décortique.

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L’énorme contrecoup suivant le processus de recrutement d’un nouvel entraîneur chez les Portland Trail Blazers, et les inquiétudes quant à la possibilité de construire une équipe prétendant au titre, sont devenus des facteurs qui pourraient pousser Damian Lillard à demander son départ, selon plusieurs sources de la ligue.

Voici la phrase, mot pour mot, envoyée par Chris Haynes ce dimanche soir, alors que les fans de Portland se préparaient à gentiment regarder Giannis faire la toupie dans la raquette des Hawks. Capitaine Obvious ou Capitaine Inquiétude ? Opération Comm ou Opération Départ en approche ? Forcément, quand ce genre de nouvelle tombe, il convient d’analyser les éléments un à un afin de tenter d’y voir plus clair dans cet épais nuage de fumée. Et découvrir, in fine, si ce murmure est le début de rien du tout, ou bien s’il s’agit d’un élément de communication que l’on verra plus tard comme étant un des nombreux éléments qui auraient dû nous mener à croire au départ de Damian Lillard. Avec le plus de pincettes et de sources possibles, voyons comment sortir de ce moment orageux avec la vision la plus fine possible.

  • Damian Lillard, une superstar qui a toujours communiqué sa loyauté… jusqu’ici

Peu de joueurs représentent autant l’ancienne école, c’est-à-dire le fait de rester toute sa carrière dans une seule et même franchise, que Damian Lillard. Sa loyauté est sans égale, et elle a été louée depuis des années. Pas un été, pas un camp d’entraînement, pas un micro tendu vers lui n’est passé en nous donnant la moindre impression d’envie de départ. Lillard est Portland. Ce n’est peut-être pas la même star que Bill Walton ou Clyde Drexler, des emblèmes qui ont emmené la franchise jusqu’aux Finales NBA et même jusqu’au titre dans le cas du premier cité, mais aucun de ces deux hommes ne représente autant les Blazers que Damian. Sa persévérance, son swag, ses célébrations, son attitude, son leadership, c’est simple : quand on pense Portland, on pense Lillard en premier lieu. Et cette réalité vient, notamment, de la longévité du joueur sous les couleurs des Blazers ainsi que sa communication limpide depuis des années. Pas un mois d’août a défilé sans que Dame ne rappelle, menton levé, qu’il voulait un titre à Portland et qu’il ne se voyait pas rejoindre des stars ailleurs. Ce comportement lui a apporté des rayons d’applaudissements, pour son abnégation dans la défaite et dans une ère du départ dès le moindre mécontentement, mais il lui a aussi apporté des wagons de déceptions, pour les Finales NBA consécutives regardées à la téloche.

C’est donc un nouvel été qui s’est pointé avec des Blazers dans une situation bien connue : grosse régulière de Lillard, des moments forts, un premier tour de Playoffs et puis s’en vont. Parfois deux tours, une fois trois, mais pas plus. On prend les mêmes, et on recommence. Dinguerie de Damian à Denver, défaite, merci, au revoir. Mais la différence avec les années précédentes ? C’est que cette fois, comme Jason Quick de The Athletic l’a bien souligné, le franchise player de Portland a décidé la mettre en veilleuse. Quelques posts cryptiques sur Instagram ou Twitter, mais sinon, rien concernant son avenir à Portland, son désir de mener les Blazers vers un titre, cette loyauté tant scandée et qui était presque devenue… actée. Rien vis-à-vis de beat writers de l’Oregon, qui pouvaient compter chaque saison sur la détermination de Lillard pour donner rendez-vous la saison prochaine, afin de proposer mieux et passer un cap. Première inquiétude donc, ce silence, suivi par un processus en interne qui n’a pas retiré d’huile sur le feu, bien au contraire.

  • Neil Olshey, un directeur général sous pression et qui s’emmêle les pinceaux

Responsable de l’architecture des Blazers depuis des années, et ancien de la maison Clippers, Neil Olshey s’est pointé en conférence de presse avec une grosse dose de pression sur ses épaules il y a quelques semaines, et ce qu’on peut dire c’est que sa sortie médiatique n’est pas passée inaperçue. En effet, après avoir fait forte impression sur le marché d’octobre dernier, et pensant offrir à Lillard ses meilleures chances d’aller loin en carrière, Olshey s’est pris pour Neo dans Matrix et a donc évité chaque balle qui lui était tirée dessus en visioconférence. La faute est à qui ? Terry Stotts, renvoyé. Et cette défense ? Elle doit être bien meilleur avec cet effectif, malgré la présence de véritables tréteaux humains recrutés ces derniers mois. Le prochain coach ? Je vais gérer le recrutement, mais il devra faire avec ce groupe. Et comment mieux entourer Lillard ? On verra bien. Loin d’avoir tord sur le fait que Stotts avait certainement perdu sa mainmise sur son vestiaire, Neil est tout de même ressorti de cette conférence de presse en donnant une impression désastreuse auprès du camp Lillard, celle d’un GM qui n’assume pas ses erreurs et ne vise pas le toit de la NBA. Ou, comme il le résumera si bien, cette phrase extraordinaire quelques jours après avoir été sorti par Denver orphelin de Jamal Murray : nous participons aux Playoffs chaque année depuis 8 ans, donc parmi les petits marchés de la NBA nous sommes une des meilleures équipes en compétition.

En gros, soyez heureux de faire partie du Top 8, c’est déjà très bien comme ça. Le genre de message qui a dû ravir Damian, ce dernier se disant qu’avec ce patron en poste il n’obtiendrait clairement pas d’aide cinq étoiles. Comment ne pas soupirer et se prendre la tête à deux mains en entendant de tels propos, pendant que les Suns se saignent pour obtenir Chris Paul, Milwaukee hypothèque pour avoir Jrue Holiday, les Clippers font tout améliorer leur histoire, et ces équipes sont encore en vie aujourd’hui ? Pour franchir un cap, il faut que bien des choses soient alignées, dont l’ambition démesurée des décisionnaires à l’étage supérieur. Oui, cela demande des risques d’aller jusqu’au titre. Et ça fout les boules d’être les Rockets (au revoir Harden et CP3), tout autant que ça fout la trique d’être les Lakers (plus aucun pick de Draft mais une bague et un tandem all-time). Il est donc indéniable, et les propos de Chris Haynes ce soir l’appuient plus que jamais, que Damian Lillard doit être frustré par sa situation. Et qu’en alignant ce silence à cette sortie médiatique cachée (bonus ci-dessous), la pancarte est claire : c’est l’été ou jamais pour Neil Olshey. Soit il prend de vrais risques, et aligne donc du personnel All-Star à côté de Lillard, soit on revient dans un an au même endroit et Damian portera un nouveau maillot.

  • It’s not about money… it’s about sending a message. Everything burns !”

Scène mythique que certains auront reconnu, du Joker dans Dark Knight joué par l’immense Heath Ledger. Parfois, l’idée est avant tout d’envoyer un message public, et de s’assurer du timing. Lorsque la récente attitude de Damian Lillard a été observée et que des éléments de frustrations comme ceux évoquée par Chris Haynes ce soir sont apparus, nombreux sont ceux qui ont immédiatement demandé : mais s’il demande à partir, c’est vers où ? Et si la tentation d’aller vers la case transfert est aussi compréhensible que louable, il est important de mettre un frein à ce type de toboggan. Au moment où ces lignes sont écrites, la ligne de communication de Damian Lillard a été claire, et elle l’est toujours autant ce dimanche soir. It’s about sending a message. Les clés sont dans les mains de Neil Olshey. Damian Lillard souhaitait Jason Kidd comme coach et Kidd a refusé poliment pour retourner à Dallas. Chauncey Billups a été certainement approuvé par Lillard, et il faisait apparemment partie de la liste d’entraîneurs que Damian validait justement, mais ce n’était pas son premier choix. L’effectif ne montre pas de joueurs capables d’exploser la saison prochaine. Le cap space de Portland ne propose pas de piste de recrutement saisissante. Et la loyauté qui a été communiquée depuis des années ne peut pas et ne doit pas être prise pour acquis. Comment faire dans ces cas là ? Simple.

Être en très bonne relation avec un journaliste reconnu, ce qui est le cas entre Damian Lillard et Chris Haynes. Cet épisode autour de la star de Portland est important, car il rappelle aussi quels sont les codes et les coutumes qui existent en NBA. Malgré la joie des performances et la beauté des actions analysées tous les soirs, il est fondamental de se souvenir que cette Ligue est avant tout un business, avec ses secrets et ses lignes d’agissements. Les journalistes sont donc, aussi, là pour servir de haut-parleur. Ils sont parfois là pour fouiller là où il ne faut pas, mais ils sont aussi présents pour répondre à des demandes d’expositions médiatiques. Et donc, pour les plus grands joueurs du circuit, il est aisé de faire passer un message par l’intermédiaire d’une personnalité médiatique puissante (Shams Charania, Marc Stein, Adrian Wojnarowski, etc). Croire que les affaires récentes dévoilées au sein des Mavs n’ont pas été leakées par des membres à l’intérieur de la franchise revient à croire au Père Noël ou à la Petite Souris, purement et simplement. La crédibilité des reporters varie en fonction de la pertinence de leurs infos à posteriori, mais une chose est sûre : les plus grands noms sont utilisés par les plus grands joueurs pour faire passer un message. On peut donc croire que Damian Lillard va bien et qu’il adore Portland, mais on peut tout autant croire que les infos révélées cette nuit viennent de lui et de son camp. Ce n’est pas une fantaisie, c’est une simple application du code comportemental des stars NBA au travers des médias depuis des années.

  • Mais alors, que penser ? Qui suis-je ? Dans quelle étagère ?

Le yo-yo est insupportable pour les fans de Portland, et de Lillard, qui ne savent pas sur quel pied danser. Est-ce qu’on a droit à une info bancale, malgré le back-up d’autres insiders de renom comme Farbod Esnaashari (Sports Illustrated) et l’alignement des éléments depuis plusieurs semaines, ou bien est-ce que nous sommes à l’aube d’une affaire façon James Harden, au sein de laquelle le déni évident doit laisser place à une part de doute ? Plusieurs choses semblent certaines. Déjà, Chauncey Billups est le nouveau coach de Portland. Il a donc été validé par Lillard, normalement, vu qu’il s’agit du procédé dont Neil Olshey a parlé publiquement et qui a été rappelé par Jason Quick de The Athletic dans ses récents articles. Ensuite, ces Blazers ont du talent dans leur roster mais n’ont pas deux All-Stars. Ce qui complique les choses quand on connaît la réalité NBA, qui voit souvent minimum deux joueurs niveau All-Star mener une franchise jusqu’au titre. Autre donnée, Damian Lillard a bientôt 31 ans et n’est donc pas éternel. Et à cela on peut ajouter qu’il est sous un contrat monstre, puisque le meneur touchera 44, 47, 51 puis 54 millions de dollars sur les quatre prochaines saisons.  Une notre contractuelle qui nous mène à une autre réalité, celle que peu d’équipes peuvent se permettre de réaliser des transferts rendant quasiment autant en terme de salaires… tout en restant compétitives. Du coup, quand on a tout cela en tête, vers quelle direction aller et comment prendre ces infos ?

L’idée ici n’est pas d’acter une vérité, mais de donner une piste à suivre potentiellement. Est-ce que Damian Lillard est frustré, oui. Est-ce qu’il possède 15 000 moyens de mettre la pression à son management, non. Il est donc tout à fait probable, voire certain, que l’info envoyée par Chris Haynes provient du camp Lillard. Mais l’intention ne semble pas dirigée vers une demande de transfert imminent. Elle semble plutôt dirigée vers un coup de pression acté, dans le temps, et qui pose un précédent. Il s’agit d’avertir Olshey et le management de Portland, afin qu’il se remue pour que la franchise ne perde pas une de ses plus grandes perles all-time. Il s’agit, par exemple et comme Jason Quick de The Athletic l’a souligné, de considérer toute option d’upgrade en terme de talent All-Star, y compris un transfert de CJ McCollum cet été. Pas de pitié, même dans les amitiés, Damian Lillard est là pour gagner. Et s’il y a encore du monde qui pense qu’un backcourt Lillard – McCollum en tant que doublette de stars principales vous emmène jusqu’au titre, il faut nous rejoindre en 2021. Cela fait des années que l’on ne cesse de répéter cette terrible réalité pour Damian, un joueur qui a marqué toute une génération de fans : son meilleur coéquipier en carrière est McCollum. Pendant que Kawhi a joué avec Lowry ou Paul George. Pendant que LeBron s’amuse avec AD. Pendant que Nikola Jokic a vu l’explosion de Jamal Murray. Pendant que Giannis a deux alliés majeurs, KD également à Brooklyn, et Devin Booker a trouvé son soulmate en Chris Paul. Si nous en sommes conscients, que doit-il se passer dans la tête de Lillard ? Avec un management qui s’est foiré sur les dossiers Kevin Love, Paul George, et compagnie ? C’est à vous de voir.

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Il est absolument indéniable que le niveau de frustration est maximal pour Damian Lillard, une superstar respectée dans le monde entier et partout en NBA, qui hisse sa franchise à des hauteurs invraisemblables dans un groupe pourtant loin de faire rêver. La question est de savoir ce que le récent message envoyé via Chris Haynes veut dire. Demande de transfert imminent ? Non, certainement pas. Mais compte-à-rebours lancé si du vrai renfort digne de la NBA actuelle n’est pas apporté à ses côtés ? Oui, fort possible. Le volant est dans les mains de Neil Olshey, c’est à lui de montrer s’il peut conserver – ou non – une légende comme Portland n’en retrouvera pas de sitôt.

Source : Chris Haynes (Yahoo Sports), Jason Quick (The Athletic), Farbod Esnaashari (Sports Illustrated)