Star de demain – R.J. Barrett : désolé Anthony Bennett, le Canada a enfin trouvé le digne successeur de Steve Nash

Le 15 janv. 2019 à 11:35 par Benoît Carlier

R.J. Barrett
Source image : YouTube

Chaque année, ils sont plusieurs centaines à s’inscrire à la Draft pour tenter d’y décrocher un spot dans l’une des 30 franchises NBA. Mais au milieu de ce vivier de jeunes talents, quelques joueurs tirent déjà leur épingle du jeu et sont promis à un grand avenir chez les pros. Parmi eux, le coéquipier mais également le principal concurrent de Zion Williamson pour devenir le first pick en 2019, le Canadien R.J. Barrett.

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Né le 14 juin 2000 à Mississauga dans la tentaculaire banlieue de Toronto, Rowan Alexander Barrett Junior représente l’avenir de son sport dans le pays de la feuille d’érable. Pourtant, trois mois après sa naissance, c’est bien son père qui s’envolait pour Sydney pour ce qui reste encore aujourd’hui connu comme la dernière participation du Canada aux Jeux Olympiques dans les épreuves masculines de basket-ball. A l’époque, R.J. est l’un des cadres de cette équipe dont il est même le capitaine alors que Steve Nash mène sa nation jusqu’au septième rang mondial dans ce tournoi. Les deux hommes se connaissent bien et c’est donc tout naturellement que le double MVP devient le parrain du premier garçon de la famille Barrett. Aujourd’hui encore, les deux anciens coéquipiers sont très impliqués puisque le Hall of Famer est GM de Canada Basketball depuis mai 2012 et qu’il a engagé son ami en tant qu’assistant. Mais avant de reprendre le flambeau de son père, Junior l’a d’abord suivi aux quatre coins du globe pendant sa carrière professionnelle et notamment en France où il apprend la langue de Molière, entre 2003 et 2008. Désormais totalement bilingue même s’il admet avoir un peu perdu de notre jargon avec les années, R.J. est presque prêt pour candidater à la présidence de son pays de naissance. Néanmoins, ce ne sont pas les cours de langue qui vont le plus le marquer lors de ce long voyage en Europe et dans l’Hexagone qui le mènera notamment à Dijon, Villeurbanne et Chalon-sur-Saône. En effet, c’est vers le même âge qu’il suit les pas de son paternel pour découvrir le sport. Senior se souvient encore de ce petit clone miniature et raconte à Hailey Salvian de CBC News.

“Il venait toujours sur le terrain après les matchs et les entraînements pour shooter. L’avantage, c’est que mon équipe professionnelle avait aussi un club rassemblant des équipes pour les catégories d’âge inférieures. Il jouait avec les enfants pendant que je jouais avec les seniors. Il avait le même maillot que Papa, le même numéro et tout le reste. C’était des bons débuts pour lui.”

Pourtant, la grosse balle orange n’est pas le seul domaine dans lequel il excelle. Avec une mère sprinteuse et un tante membre du relais champion du monde de 4 x 100 mètres avec la Jamaïque en 1991, les options étaient multiples pour le jeune R.J. qui pratiquait donc aussi le football, le 100 mètres et le saut en hauteur. Mais malgré cet héritage familial dans le domaine de l’athlétisme, le choix est très vite fait dans la tête du garçonnet comme sa mère Kesha Duhaney le raconte à Lori Ewing de The Canadian Press (via The Globe and Mail).

“Nous avons une salle de jeu avec des balles correspondant à chaque sport. Lorsque nous cachions le ballon de basket il courait partout pour le retrouver. Il a toujours adoré le basket.”

De retour à Mississauga à la fin de la carrière professionnelle du papa en 2008, il devient alors le plus grand espoir de la famille. Et puisque la météo locale ne permet pas la pratique en plein air durant une bonne moitié de l’année, c’est à la salle qu’il réalise ses premières prouesses balle en main. Pourtant, les débuts ne sont pas aisés et c’est seulement vers ses 11 balais que le vrai déclic a lieu. A la suite d’une défaite humiliante, il décide de délaisser tous les autres sports pour se consacrer uniquement au basket afin de pouvoir réellement dominer dans une discipline. C’est à ce même âge qu’il déclare sans trembler du menton qu’il veut faire carrière dans la plus grande ligue du monde, celle que son père n’a jamais réussi à intégrer. Ce dernier se rappelle.

“Il m’a dit un jour, ‘Papa, je veux devenir Hall of Famer, je veux devenir champion NBA, je veux être un All-Star NBA.’ […] Il voulait être numéro 1 au Canada à l’âge de 13 ans, puis devenir un Top 10 aux Etats-Unis à 14 ans. Et depuis qu’il a 13 ans, il est devenu numéro 1 des Etats-Unis et il l’est toujours resté depuis.”

Conscient des sacrifices que cela implique, il débute alors une routine dont il ne va plus jamais sortir jusqu’à aujourd’hui. Une fois le pacte passé avec son père, c’est tout le fonctionnement de la famille qui évolue. Le réveil est fixé plus tôt pour passer de longues journées à la salle avec Senior et parfois même Steve Nash et des amis retraités. Et rapidement, le travail paye. Champion de la ville à 12 ans, il intègre ensuite les sélections de l’Ontario puis du Canada dont il est aujourd’hui la plus grande pépite. Après avoir visité plusieurs écoles de prestige aux US, Barrett décide finalement de rejoindre le lycée floridien de Montverde Academy en 2015, un lycée connu pour avoir vu passer Joel Embiid, D’Angelo Russell et Ben Simmons ces dernières années. Un third pick, un second pick et un first pick de Draft, de quoi donner des idées au Canadien pour qui rester dans son pays aurait été perçu comme une stagnation vu l’ampleur de son talent. Dans le même temps, il remporte la médaille d’argent aux FIBA Americas U16, sa première à l’international, en contribuant à hauteur de 14,6 points par match malgré son statut de benjamin de l’effectif. On se dit alors que la relève du daron est définitivement assurée et que cela peut même aller un petit peu plus loin que ça. En tout cas, c’est l’objectif de Junior qui s’est toujours servi de son procréateur comme exemple à suivre.

“Il vient à chaque match. Si vous me voyez jouer, vous verrez que je le regarde souvent. Selon son visage je sais exactement ce qu’il pense. Nous avons aussi cette connexion hors des terrains. C’est un père aimant et il est toujours là pour mon frère et moi. […] Je veux le surpasser pour me faire mon propre nom. Un jour les gens diront ‘Oh, c’est le père de R.J. !’”

Grâce à cette nouvelle exposition sur le sol américain, il change de dimension et domine dans les différents rendez-vous de jeunes qui rythment la saison. MVP du Jordan Brand Classic en 2016 et MVP du Basketball Without Borders lors du All-Star Game NBA 2017, il est sélectionné pour représenter la Team World au Nike Hoop Summit devenant ainsi le quatrième plus jeune participant de l’événement disputé chaque année à Portland dont il sera nommé… MVP de l’édition suivante. Mais malgré ce déménagement forcé chez les voisins du sud accompagné de toute sa famille, c’est une nouvelle fois avec la sélection du Canada qu’il réalise ses plus gros exploits. Opposé à Team USA en demi-finale des championnats du monde U19 alors qu’il vient de souffler ses 17 bougies, l’ailier s’offre son premier classic game avec 38 points, 13 rebonds et 5 passes pour éliminer l’ogre cainri qui restait invaincu depuis six ans. Victorieux face à l’Italie sur le toit du monde, il est logiquement nommé MVP du tournoi avec 21,6 points de moyenne et une performance all-time qui file des frissons à tous les Canadiens que vous croiserez entre Vancouver et St John’s. Après le terrible bust d’Anthony Bennett en NBA, le pays a déjà pu compter sur une belle génération de joueurs pour redorer l’image du pays chez les US parfois un peu condescendants vis-à-vis de leurs neighbours. Mais R.J. Barrett devrait placer le dernier coup de marteau pour enfoncer définitivement le clou et placer le Canada parmi les nations à respecter dans le monde de la balle orange. Pressé de montrer au monde l’ampleur de son talent, il décide même d’avancer d’un an son jump en NCAA et inévitablement aussi son prochain grand saut dans le monde professionnel.

“J’y pense depuis un moment, j’en ai parlé avec ma famille et je viens d’arriver à cette décision. La coupe du monde a aidé. J’ai bien joué et l’équipe aussi, mais je pensais déjà à ça [le reclassement, ndlr] depuis un moment. La coupe du monde a forcément été un boost pour la confiance mais c’était juste une raison parmi d’autres qui ont abouti sur cette décision.”

Après une saison 2017-18 historique avec une médaille d’or, des récompenses individuelles en pagaille (Naismith Prep Player of the Year et Gatorade National Player of the Year entre autres) et sans la moindre défaite avec Montverde, R.J. laisse sa place dans l’équipe à son frère Nathan tandis qu’il rejoint la grande université de Duke pour former une superteam à l’échelle de la NCAA avec Zion Williamson, Cameron Reddish et Tre Jones ainsi que l’inusable Coach K à la baguette. Mais là encore, ce n’est pas sur les parquets universitaires que son principal exploit de la saison de situe. En juin 2018, il a fait ses grands débuts chez les A de la sélection canadienne. Merci parrain, merci papa et hop, 16 petits points contre la Chine pour les remercier du cadeau. Longtemps oubliée sur le plan international, la feuille d’érable commence à avoir de la gueule et le futur top pick n’y est pas pour rien. Utilisé à plusieurs reprises lors du premier tour de qualification pour la coupe du monde 2019, il s’est tout de suite montré très à son aise à côté de vétérans comme Cory Joseph ou Kelly Olynyk dans le cinq de départ comme il l’a expliqué en français à Radio Canada.

“Ç’a été une belle expérience, avec beaucoup d’aspects positifs. J’ai aussi beaucoup de choses à travailler au prochain niveau, mais d’avoir des joueurs et des entraîneurs de la NBA autour de moi, c’était vraiment mémorable. La chimie était excellente. Les gars étaient cool et c’est ce qui nous permettait de bien jouer ensemble. […] Ces prochaines années nous allons vraiment être tout en haut. Je crois en mon pays et dans les joueurs que nous avons. Nous allons être bons.”

Tous les signes vont dans le même sens et s’accordent pour dire que 2019 devrait être l’année de R.J. Barrett et du basketball canadien dans son ensemble. Avec autant de talent, il ne reste plus qu’à lui souhaiter une médaille en Chine et un first pick de Draft avant d’être échangé à Toronto pour représenter les couleurs de son pays tout au long de l’année et réaliser le rêve de Senior qui deviendra alors définitivement le père de son fils.

 

Source texte : CBC News, The Canadian Press, The Globe and Mail, Radio Canada


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