Warriors 2014/15 – 10 ans plus tard : comment Golden State est revenu au premier plan de la NBA ?
Le 08 mars 2025 à 14:44 par Thibault Mairesse

Attention au coup de vieux : la dynastie Warriors a gagné son premier titre il y a… dix ans ! Une épopée qui a marqué le début d’une révolution en NBA, notamment sur le plan du jeu. La bande de Stephen Curry était encore jeune, mais a réussi à emporter avec elle une grande majorité de fans de basketball. 10 ans plus tard, TrashTalk vous propose une série retraçant cette aventure singulière. Épisode 1 : la (re)naissance des Warriors en NBA.
Le Sleepy Floyd Game : le retour du basket à San Francisco
Depuis 1975 et le dernier titre NBA des Warriors, le basket à San Francisco connaissait une sérieuse perte de vitesse. Un dédain qui va durer plus de 10 ans jusqu’aux Playoffs 1987.
Les Warriors ne sont pas favoris au titre, loin de là. Il faut dire que dans une ligue dominée par les Lakers de Magic Johnson et les Celtics de Larry Bird, il est difficile de se faire une place.
Pourtant durant ces Playoffs 87, les Warriors font un petit run. Ils sortent le Jazz 3-2 au premier tour – à l’époque, le premier tour se joue au meilleur des cinq manches – pour affronter les Lakers du Showtime.
Les Warriors ne sont pas favoris et le pronostic se confirme sur le parquet puisque les copains de Magic mènent 3-0 dans la série. On se dirige alors vers un sweep tranquilou bilou. À l’entame du dernier acte de ce match 4, Los Angeles mène même de 15 points.
On se demande bien ce qui peut arriver aux Lakers pour les empêcher de passer le balai devant la porte de la Baie San Francisco.
Sauf que c’est à ce moment précis, qu’un joueur décide de sortir le quart-temps de sa vie. Vraiment pas la série ou le match de sa vie, non, non, on parle de seulement douze minutes qui vont marquer les esprits des plus vieux fans de Golden State.
Connaissez-vous Eric “Sleepy” Floyd ? Non ? Pour résumer, c’est un petit meneur qui a connu 15 saisons en NBA, une apparition au All-Star Game. Rien de bien exceptionnel. En comparaison, on pourrait voir ça comme une version améliorée d’un Jeff Teague. Un bon meneur capable de mettre des paniers, mais qui ne portera jamais une équipe au titre.
En parlant de mettre des paniers, Sleepy Floyd va en mettre beaucoup en ce 10 mai 1987.
Sur le dernier acte, il renverse la rencontre à lui seul. Il inscrit 29 points dans le dernier quart-temps, le record de points sur un quart temps en Playoffs, toujours invaincu aujourd’hui. Autre record, il met 39 sur la seconde période. Du jamais-vu en Playoffs.
Le meneur finit avec 51 points et les Warriors s’imposent.
“Ils [les joueurs des Lakers] parlaient mal et ils pouvaient se permettre de le faire, mais à un moment, on en a eu assez.” – Eric Floyd
Une performance légendaire qui devient LE highlight en carrière du Warrior.
“Je ne peux pas aller quelque part sans qu’une personne ne me parle de ce match. Les gens se souviennent encore de ce match.”
Malgré tout, les Warriors finissent par s’incliner 4-1.
À la lecture de ce premier paragraphe – un peu long, on l’admet – vous vous demandez certainement le lien avec les années de disette des Warriors.
On y vient.
Le Run TMC ou le dernier espoir avant des années de galère
Après ce que l’Histoire retient comme le Sleepy Floyd Game, les habitants de San Francisco remontrent un intérêt soudain pour leur équipe de basket. Un fort joueur qui met des paniers sans pouvoir être arrêté, ça parle à la population et vous savez qui va mettre en place une attaque absolument inarrêtable ? Don Nelson.
En 1988, soit un an après l’incroyable match de Sleepy Floyd, Donnie débarque à San Francisco pour entraîner l’équipe, mais aussi pour devenir directeur des opérations basket.
La saison avant son arrivée marque l’explosion de Chris Mullin qui s’affirme être un fort scoreur et qui vient de sortir sa première régulière à plus de 20 points de moyenne. Si Don Nelson a déjà une machine à mettre des paniers, ça ne le satisfait pas, il lui en faut plus.
Direction la Draft 1988 où il prend Mitch Richmond. Le jeune joueur devient Rookie de l’année avec une saison à 22 points de moyenne.
Dans la foulée, à la Draft 89, Don Nelson récupère Tim Hardaway qui sortait d’une saison à 22 points à la fac.
Vous voyez bien le point commun entre les trois joueurs. Ils adorent mettre le ballon dans le panier.
Et ça se confirme dès la première année du trio : il score quasiment 62 points par soir, mais leur apogée est atteint lors de la saison 1990-91. Les trois larrons plantent la bagatelle de 72,5 unités par soir. Vous noterez que dans ce trio de zinzin, il n’y avait aucun fort intérieur.
On pourrait presque y voir l’ADN d’une future équipe des Warriors qui va rouler sur la NBA. Problème, le Run TMC n’avait pas de défense non plus, ce qui a toujours été un problème dans la Grande Ligue, mais des défenseurs, ça se trouve, en théorie.
À l’inverse des Warriors des Splash Brothers, le Run TMC n’a pas l’occasion d’évoluer ensemble. En 1991, Mitch Richmond est transféré à Sacramento en échange de Billy Owens. Passé du Run TMC au Run TOC, tout de suite, ça a moins de gueule et ça va se confirmer sur le terrain. Malgré une belle arrivée où les Warriors gagnent 44 matchs soit sept de plus que la saison précédente, la greffe ne prend jamais vraiment et petit à petit cette génération pleine d’espoir de Golden State ne donne rien de concret sur le terrain.
Chris Cohan : l’un des pires propriétaires de l’Histoire
Au fil des recherches pour cet article, le nom de Chris Cohan a souvent été associé à la qualification de “pire propriétaire de l’Histoire”. Ça vous place un bonhomme.
Chris Cohan est celui qui va plonger les Warriors dans plus de dix ans de disette. C’était bien sympa Sleepy Floyd ou le Run TMC, mais Chris Cohan lui, ce qu’il veut c’est une franchise abyssale de médiocrité.
Enfin, ça, il ne l’a jamais dit publiquement, mais voici un florilège de ses meilleures ou du moins de ses pires décisions.
Chris Cohan débarque à la tête des Warriors en 1994, une époque où Golden State sort d’une belle saison à 50 victoires.
Ça ne va pas durer.
Pour commencer, un matin Don Nelson et Chris Webber, qui est alors rookie, se lèvent du mauvais pied et aucun des deux ne peut plus voir la tronche de l’autre. Ce sont des choses qui arrivent, mais en général quand il faut choisir entre le coach et la jeune superstar, on choisit la jeune superstar.
Il faut être un grand zinzin – ou s’appeler Nico Harrison – pour transférer le futur de sa franchise. Chris Cohan transfère Chris Webber pour continuer l’aventure avec Don Nelson.
Une aventure qui ne dure qu’un an puisque le double C vire aussi Donnie à la fin de la saison. Allez hop, une pierre, deux coups.
Maintenant quand une franchise décline, comment se reconstruit-elle ? Via la Draft. Très bien alors voici un florilège des talents manqués par Chris Cohan.
- 1995 : Golden State a le premier choix et prend Joe Smith devant Kevin Garnett.
- 1996 : Golden State a le 11ème choix et prend Todd Fuller devant Kobe Bryant.
- 1997 : Golden State a le 8ème choix et prend Adonal Foyle devant Tracy McGrady.
- 1998 : Golden State a le 5ème choix et prend Vince Carter avant de… le transférer aux Raptors contre Antawn Jamison. Rappelons qu’il y avait Dirk Nowitzki dans cette Draft.
La liste est encore longue, mais fort heureusement, il n’a pas participé à faire l’impasse sur Stephen Curry.
Avant Stephen Curry, Chris Cohan a eu un dernier move d’assassin dans son arsenal lorsqu’il a tué We Believe.
We Believe : année d’espoir dans le marasme ambiant
We Believe, c’est l’histoire d’une équipe que personne n’attend et qui va faire des grandes choses. À l’orée de la saison 2006-07, le chantier est colossal à Golden State, mais on commence à y apercevoir des belles sources d’espoir.
L’équipe se base à l’époque sur un duo Baron Davis – Jason Richardson qui vient d’avoir le renfort de Matt Barnes et de Monta Ellis, un rookie.
Le front office fait aussi le choix de ramener Don Nelson qui sort d’un passage à Dallas terminé en eau de boudin.
Avec ce groupe sympa, mais bancal, les Warriors arrivent à la mi-janvier avec un bilan de 16 victoires pour 20 défaites. Golden State s’active à la trade deadline et récupère Stephen Jackson et Al Harrington.
Ce sont les pièces manquantes du Nellie Ball qu’on pourrait assimiler à un small ball avant l’heure. Aucun géant, mais des joueurs entre 1m98 et 2m03 capables de switcher sur tous les postes.
Malgré un effectif sérieux sur le papier, personne ne parle de ces Warriors.
“Je pense que j’étais sous-estimé. Les gens pensaient que la carrière de Baron Davis était terminée. Monta Ellis ne se sentait pas apprécié à sa juste valeur parce qu’il était un second tour de Draft. Toute l’affaire Malice at the Palace avait donné une mauvaise réputation à Stephen Jackson. Al Harrington était sur le déclin et Matt Barnes enchaînait les équipes. Coach Don Nelson nous a donné de l’énergie. Personne ne nous donnait la moindre chance. Nous avions besoin d’un coach qui croyait en nous.” – Jason Richardson pour Slam
Il faut dire que lors de la dernière journée de saison régulière, Golden State n’est toujours pas top 8 de l’Ouest. Malgré un run de 14 victoires en 19 matchs et l’apparition des chants et pancartes “We Believe”, mantra de cette franchise, les Warriors sont 9ème de l’Ouest au moment de défier les Blazers.
Pour accéder au top 8, il faut dominer Portland tandis que les Clippers doivent rouler sur les New Orleans Hornets.
Les étoiles s’alignent et Golden State parvient à aller en Playoffs pour défier, au premier tour, les Dallas Mavericks anciennement coachés par Don Nelson.
“Nelson nous a dit “on va battre Dallas”. C’est la première chose qu’il nous a dit. Nous sommes venus et nous avons pris le match 1. Après ça, nous avons déroulé.” – Matt Barnes
Voilà comment résumer ce tour de Playoffs face à Dallas. Golden State n’est pas favori et pourtant ça déroule. Don Nelson connaissait toutes les tactiques de Dallas. Logique parce que c’est lui qui les a façonnés et Avery Johnson, son successeur, n’avait rien créé de nouveau.
La tuile.
Donnie avait gagné la bataille des coachs avant même de jouer la moindre seconde dans la série.
Golden State s’impose 4-2 et crée l’un des plus grands upsets de l’Histoire. Les Warriors finissent leur folle aventure au tour suivant avec une défaite 4-1 face au Jazz, mais We Believe reste l’une des meilleures saisons de l’histoire de la franchise et représente un oasis dans un désert de médiocrité.
Trois ans d’errance
Vous souvenez-vous de Chris Cohan ? Il frappe encore après l’épopée We Believe. Il envoie Jason Richardson pourtant meilleur scoreur de l’équipe aux Bobcats en échange de Brandon Wright et un pick de Draft. Don Nelson aux manettes des opérations basket explique que le move était avant tout financier.
Pour économiser des sous, Chris Cohan a brisé le noyau dur de l’effectif. Baron Davis se fait la malle en direction des Clippers tandis que Stephen Jackson part rejoindre Jason Richardson à Charlotte.
Lors de la saison 2008-09, soit à peine deux ans après le run de We Believe, les Warriors remportent 29 matchs.
Une saison morose, mais qui leur permet d’avoir le septième choix de la Draft et de sélectionner un certain Stephen Curry. Ce n’est que la première pierre d’un avenir radieux.
Joe Lacob ou l’histoire d’un coup de poker à quatre titres
En 2010, Chris Cohan se décide à vendre les Warriors. Pas parce qu’il a en a marre de massacrer l’équipe, loin de là, mais plutôt parce qu’il a besoin de faire des bénéfices. Le double C a été touché par l’importante crise économique de 2008 et il fait face à un procès pour évasion fiscale.
Autant vous dire que tout n’est pas rose ou vert plutôt dans les finances de Chris Cohan.
À l’époque et vous l’aurez compris, les Warriors sont loin d’être le mastodonte d’aujourd’hui. On parle d’une équipe qui ne compte qu’un run de Playoffs sur les quinze dernières années. Pour le futur propriétaire, il y a donc un bon coup à faire et un premier nom émerge. Pas celui de Joe Lacob, mais celui Larry Ellison, le co-fondateur de l’Oracle Arena. Pour ceux qui ne le connaissent pas, il était, à l’époque, la sixième fortune de la planète.
En face, Joe Lacob qui n’est pas un milliardaire. Sur le papier, il ne devait pas y avoir match entre les deux. Au jeu des enchères, Lacob n’était pas annoncé gagnant et il le sait très bien donc le futur proprio a changé de tactique.
Quand vous cherchez à vendre à bien, plus il y a de prétendants, plus les enchères vont monter et plus le bénéfice sera grand. Et rappelez-vous, Chris Cohan cherche des tunes. Il a donc besoin que Joe Lacob et Larry Ellison se fasse la guerre pour faire monter les enchères.
Joe Lacob et son associé, Peter Guber, sont allés voir Chris Cohan avec une offre simple : Donnez-moi votre prix et s’il nous convient, on achète.
“Je lui ai dit : voilà le deal. Je ne vais plus enchérir. Je ne peux pas battre Larry Ellison au jeu des enchères, mais si vous me donnez un prix que vous accepterez assurément, je vous donnerais une réponse, oui ou non.” Joe Lacob face à Chris Cohan
Chris Cohan sait que si Joe Lacob sort des négociations, Larry Ellison ne fera pas grimper le prix. À ce moment, les enchères tournent aux alentours des 400 millions de dollars. CC en propose 450 à Joe Lacob.
Marché conclu.
Joe Lacob devient propriétaire des Warriors au nez et à la barbe de l’une des personnes les plus riches de la planète.
La suite on la connaît : 4 titres et une valeur de la franchise estimée à plus de 9 milliards de dollars. C’est ce qu’on appelle une belle affaire.
Source texte : Mercury News, Slam, Golden State of Mind, Market Watch, Essentially Sports