Jerry West, l’homme qui aurait tout détruit dans la NBA actuelle

Le 13 juin 2024 à 19:14 par Julien Vion

Jerry West Lakers 12 juin 2024
Source image : YouTube

Ce mercredi 12 juin, Jerry West est décédé à l’âge de 86 ans. En 14 saisons sur les parquets NBA, toutes disputées avec l’uniforme des Los Angeles Lakers, l’arrière n’a eu de cesse d’éclabousser le monde du basketball de son talent. Et quand on se penche sur les détails de son style de jeu, on ne peut que se dire qu’il est né à la mauvaise époque.

A quoi ressemblait Jerry West sur un parquet ?

Pour être franc, difficile à dire au premier abord. L’arrière a disputé son dernier match en carrière le 2 avril 1974, le jour exact du décès de George Pompidou histoire de vous donner une petite perspective. À l’époque, les retransmissions télé étaient encore loin d’être performantes aux États-Unis (et encore moins en Europe). West raccroche les Converse, et les quatre lettres qui composent son nom de famille restent à jamais au-dessus de son numéro 44 dans la salle des Lakers. Les nouveaux fans de basket nés dans les années 70, 80, 90, 2000 puis 2010 l’apprennent religieusement. Mais logiquement, les contours de son jeu de basketteur s’effacent à mesure que les décennies passent.

Comme beaucoup, l’auteur de cet article avait l’image d’un extérieur qui savait scorer comme un fou et perdait quand même un paquet de Finales NBA. Mais Jerry West, c’était bien plus que ça. Jerry West, c’est un point cardinal des premières décennies de ce merveilleux sport qu’est le basketball.

Un jeu basé sur un “tir parfait”, à contre-courant de son époque

29 avril 1970, Game 3 des Finales NBA entre les Knicks et les Lakers. Quelques secondes à jouer.

Wilt Chamberlain, Elgin Baylor et toute la ville de Los Angeles tirent la tronche quand Dave DeBusschere rentre son mi-distance. Deux points de retard pour LA (102-100), l’horloge n’indique plus que trois secondes. Jerry West pose trois dribbles, balance une ogive depuis sa partie de terrain et… ne trouve que la ficelle au buzzer. La scène est lunaire, la salle exulte. Mais si Mr. Clutch a honoré son surnom, il n’a pu qu’arracher la prolongation. Car à l’époque, le tir à 3-points n’existe pas.

Et si ça avait été le cas ? On parlerait sans doute d’un des plus beaux buzzers de tous les temps. Mais il n’en est rien, les Lakers s’inclinent et perdent la série quelques jours plus tard.

April 29, 1970: The Lakers’ Jerry West forces overtime with a 60-foot shot at the end of regulation in Game 3 of the NBA Finals.

West finished with 34 PTS/9 AST and Wilt Chamberlain had 21 PTS/26 REB but the Knicks won in OT, 111-108. Willis Reed had 38 PTS/17 AST for New York. pic.twitter.com/6LpM6FkMTJ

— NBA Cobwebs (@NBACobwebs) April 29, 2024

Jerry West était un scoreur unique à plus d’un égard. Au-delà du volume ou du côté clutch, son jeu se basait sur son jumpshot. Mais dans les années 1960 et 1970, c’était tout sauf normal. On parle d’une époque où des dirigeants pouvaient se faire licencier s’ils choisissaient un meneur plutôt qu’un intérieur à la Draft. La balle orange appartenait beaucoup aux big men (Wilt Chamberlain, Bill Russell, Willis Reed) qui dominaient grâce à leur jeu au poste. West n’a d’ailleurs jamais été MVP : quatre fois deuxième, toujours derrière… un pivot.

Un combo-guard d’1m90 pour 79 kilos qui aime bien tirer loin du panier, c’est un peu anachronique pour les sixties. Mais Jerry West n’en a pas grand-chose à faire et s’impose comme un des meilleurs joueurs de la Ligue grâce à un jumpshot aussi létal que merveilleux. Il enchaîne les saisons autour des 30 points de moyenne à base de mi-distance et de distance tout court. Ce que soulignent la plupart des observateurs, c’est sa forme immaculée et sa vitesse d’exécution.

West disposait de tous les outils pour shooter au-dessus des défenseurs et n’avait donc pas le besoin de vivre dans la raquette. Le poignet, le corps, les bras, tout est sublime. “C’est la façon parfaite de tirer” expliquaient les commentateurs de l’époque. Ce n’est pas un hasard si le trophée du Clutch Player of the Year représente un tir de Jerry West. Et ça fait swish.

Car malgré ce style, le logo affiche une réussite en carrière de 47% au tir, plus qu’au-dessus de la moyenne pour son poste – surtout à l’époque ! En 1969-70, Jerry est le meilleur scoreur de la Ligue avec 31,2 unités à 49,7% au tir. Dans le top 15 des meilleurs marqueurs cette saison-là, seuls… trois sont plus efficaces, évidemment aucun sur les lignes extérieures.

The Jerry West Trophy, awarded to the #KiaClutch Award winner, features an NBA Player shooting a jump shot modeled after West’s perfect form. pic.twitter.com/0MqJFbLhR6

— NBA (@NBA) December 13, 2022

Une fois qu’on réalise tout ça, on peut commencer à se dire que Jerry West est né à la mauvaise époque. Quels seraient les dégâts… aujourd’hui ? Pas besoin d’être un expert en mathématiques pour imaginer que son volume de points marqués aurait probablement explosé avec une ligne à 3-points. Il aurait été un enfer absolu en catch-and-shoot et dans le jeu off-ball en général, sachant que son drive – qu’on mentionne à peine – était tout aussi efficace. Mais Mr. Outside figure déjà huitième au classement des meilleures moyennes de points de l’histoire de la NBA (27,0). Dans le top 20, le seul guard qui a une meilleure efficacité se nomme Michael Jordan et le seul (en dehors de Jojo) qui se rapproche de son efficacité, sans la dépasser, s’appelle… Stephen Curry.

Le moment est peut-être venu d’aller chercher un verre d’eau. Alors qu’on a seulement évoqué le scoring, on continue à écarquiller les yeux à mesure qu’on réalise l’ampleur de la suite.

Jerry West, le guard all-around par excellence

Continuer à faire la liste des qualités du combo-guard, c’est comme créer un joueur ultime sur NBA2K. Cette phrase peut faire sourire, mais difficile de trouver plus adapté.

Offensivement, Jerry West est également l’un des meilleurs passeurs de son époque. Au-delà de ses presque 7 passes décisives en carrière, c’est surtout un skill qu’il a su perfectionner avec l’âge. Alors qu’il score moins quand il dépasse la trentaine, “The Logo” se mue en maestro qui fait jouer ses coéquipiers. Résultat : 9,5 puis 9,7 passes de moyenne à 32 et 33 ans, un titre de meilleur passeur pour garnir la cheminée au passage.

Et les rebonds dans tout ça ? On parle d’un guard d’1m90, il ne faut probablement pas en attendre trop. Ou pas. Quasiment 6 prises par soir sur les 932 matchs de saison régulière disputés, dont une saison à 7,9 rebonds en tant que sophomore. C’était déjà 7,7 pendant son exercice rookie. Pour rappel, nous n’avons pas quitté la NBA des pivots immenses, mais Jerry n’a peut-être pas eu le mémo.

Jerry with the great find to Wilt

Another thing that Jerry West gets underrated in: His Playmaking pic.twitter.com/HaA6CQUFKQ

— Aki (@AkiD48) August 1, 2022

Concernant les autres catégories statistiques, aucun chiffre n’a été relevé avant la saison 1973-74. Impossible de quantifier la défense de Jerry West, si ce n’est lors de sa dernière saison à 35 ans avec seulement 31 minutes de moyenne à cause de blessures. Le tout ne donne “que” 2,6 interceptions et presque un contre, quoi de plus normal finalement ? Ses pairs ne tarissent pas d’éloges sur ses capacités défensives, et ses 5 sélections dans les équipes All-Defense (dont 4 fois dans la première équipe) parlent pour lui.

La rareté des vidéos force la présentation à s’appuyer davantage sur les statistiques, mais le constat est le même.

Dans la NBA actuelle, un nouveau spécimen d’OVNI

Et si on résumait ? Ses points forts sont le scoring, le tir, la passe, la défense, le rebond et le côté clutch ?

On s’amuse souvent à comparer Victor Wembanyama à un hybride entre Kevin Durant et Kareem-Abdul Jabbar, ou Anthony Edwards à un Michael Jordan moderne. Mais si on devait trouver une version années 2020 de Jerry West, vers qui pourrait-on se tourner ? C’est l’heure de jouer à un jeu de projection et de fiction.

Pour son tir, on peut le rapprocher de Devin Booker, aussi pur qu’amoureux du mi-distance et de la distance tout court. Il y a peut-être aussi une sorte de prototype de Steph Curry des années soixante dans le côté pionnier. Mais dans le reste du profil, il y a sans doute des airs qui rappellent les meilleurs guards all-around de la NBA actuelle. Un bras de Jrue Holiday, une jambe de Luka Doncic, une oreille de Klay Thompson, le tout sans oublier la bonne dose de clutch inimitable. Jerry West, c’est peut-être au moins tout ça.

Statistiquement, ça donnerait quoi ? SLAM avait posé la question il y a quelques années. Selon LeBron James :

“Une machine à paniers. Il pouvait aussi faire des sacrées passes. Il pouvait jouer sans ballon (catch-and-shoot) ou avec (pull ups), aller au panier et mettre ses lancers francs. Je dirais 24-27 points et 8 passes.”

Yes he was! Straight Bucket Getter. Also could pass the hell out of it too. I mean he could play off the ball(c&s) and on the ball(pull ups), get to the basket and make free-throws. I’d say 24-27PPG/8assist. https://t.co/bt97HUAvY9

— LeBron James (@KingJames) May 9, 2020

À la lumière de tout ce qui a été évoqué, on a tendance à se dire que c’est presque trop peu. 30 points, 8 passes, 6 rebonds, 3 interceptions, 1 contre et une présence dans les meilleures équipes défensives semblent presque le minimum. Jerry West se serait probablement ré-ga-lé tous les soirs.

Et quand on réalise tout ça, on se rend déjà un peu plus compte du monstre du basketball qu’était “The Logo”. Sacrée papatte droite comme dirait un illustre analyste de ce sport.

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Sources texte : Basketball Reference, NBA


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