Black History Month : Kareem Abdul-Jabbar, champion de la justice sociale

Le 28 févr. 2023 à 13:01 par Nicolas Meichel

TrashTalk Black History Month Kareem Abdul-Jabbar
Source image : Youtube, montage Léonce MVP

En mai 2021, après les tragédies George Floyd et Jacob Blake qui ont provoqué un sursaut en matière d’activisme en NBA, la Grande Ligue de basket US a décidé de créer un prix annuel pour honorer les joueurs s’impliquant le plus dans le combat pour la justice sociale. Le nom de cette récompense ? Le Kareem Abdul-Jabbar Social Justice Champion Award. Légendaire pivot des Bucks et des Lakers, Kareem Abdul-Jabbar a autant fait sur les terrains grâce à son skyhook qu’en dehors à travers son activisme politique, qui a véritablement démarré à la fin des années 1960.

Nous sommes en 1967. Trois ans après l’abolition de la ségrégation raciale avec la fin des lois Jim Crow. Mais aussi deux ans après l’assassinat du militant pour les droits civiques Malcolm X. Et un an avant celui du pasteur Martin Luther King.

Kareem Abdul-Jabbar porte encore le blase de Lew Alcindor, son nom de naissance qu’il changera en 1971 au moment de se convertir à l’islam. Alcindor n’a alors que 20 ans mais possède une conscience sociale déjà bien ancrée dans son esprit. Et pour cause, le jeune homme – qui a intégré l’université d’UCLA un an plus tôt avec l’étiquette de “Nouvelle Superstar” – a assisté aux premières loges à des scènes de violences envers la communauté afro-américaine pendant son adolescence. Notamment l’assassinat de James Powell (15 ans) par un policier blanc en 1964, qui a provoqué de très violentes émeutes dans sa ville natale d’Harlem.

Le Cleveland Summit

Révolté et bien décidé à se faire entendre, Lew Alcindor ne veut pas se contenter de briller sur les parquets d’UCLA. Il veut suivre le pas de certains grands noms du sport afro-américain qui s’illustrent autant par leurs exploits en tant qu’athlètes que par leur activisme. Parmi eux, le légendaire pivot des Boston Celtics Bill Russell, ou le running back des Cleveland Browns (NFL) Jim Brown. Alors quand ce dernier organise le 4 juin 1967 le Cleveland Summit, une rencontre réunissant une douzaine d’athlètes noirs de renom en soutien au célèbre boxeur Muhammad Ali après son refus de participer à la Guerre du Vietnam, le jeune Lew n’hésite pas à participer. C’est tout simplement la première fois que des sportifs afro-américains s’unissent pour défendre ensemble leurs convictions. Et Alcindor est donc présent, assis aux côtés de Brown, Ali et Russell dans les bureaux de la Negro Industrial Economic Union. L’image est depuis entrée dans l’Histoire.

Le boycott des Jeux Olympiques 1968

Inspiré par les prises de position de Muhammad Ali et la conscience politique des athlètes qu’il a rencontrés au Cleveland Summit, Lew Alcindor décide – à peine une année plus tard – d’aller encore plus loin dans son activisme : le phénomène d’UCLA choisit en effet de boycotter les Jeux Olympiques 1968 de Mexico, répondant ainsi à l’appel du sociologue de l’université de San Jose State Harry Edwards (à l’origine de l’initiative). C’est une façon pour Lew de protester contre le racisme et les violences faites aux Afro-Américains. L’assassinat de Martin Luther King en avril de cette même année influence largement sa décision, et la présence d’Avery Brundage au sein du comité olympique l’entérine.

“Avery Brundage était impliqué dans les Jeux Olympiques depuis 1936 et il est celui qui a dit à deux athlètes juifs qu’ils ne pouvaient pas participer car ça énerverait Adolf Hitler. Je ne voulais rien faire pour lui, je ne voulais pas lui parler. Vous associez ça avec la mort de Dr. King, et j’ai décidé de me retirer. C’était une décision facile.”

– Kareem Abdul-Jabbar, via USA Today en 2019

Une décision facile à prendre dans son esprit, mais pas forcément facile à assumer à l’époque. La raison officielle de son absence des JO 1968, c’est qu’une participation l’obligerait à rater des cours, retardant ainsi l’obtention de son diplôme. Une manière pour Lew Alcindor de limiter un tant soit peu le backlash à son encontre, lui qui est alors vivement critiqué voire même directement menacé pour son manque de patriotisme. Si au final peu de sportifs américains suivront Alcindor dans son initiative, les athlètes John Carlos et Tommie Smith marqueront les esprits en levant le poing sur le podium du 200m pour protester face aux discriminations faites à la communauté noire.

Kareem Abdul-Jabbar, activiste à temps plein

Ces deux grands événements – le Cleveland Summit et le boycott des JO 1968 – sont d’une certaine manière à la base de l’activisme de Kareem Abdul-Jabbar et de ses futurs engagements. Des engagements qui ont pris différentes formes au fur et à mesure des années mais avec toujours le même objectif : lutter contre toutes les formes de discrimination, qu’elles soient basées sur la race, la religion ou n’importe quel autre critère distinctif. Au-delà de ses nombreuses prises de position face à l’inégalité sociale touchant les Afro-Américains, Abdul-Jabbar s’est particulièrement investi pour déconstruire les préjugés entourant la communauté musulmane après sa conversion à l’islam au début des années 1970.

Kareem Abdul-Jabbar a également écrit 14 livres, dont Black Profiles in Courage (2000) dans lequel il met en avant l’impact de certaines grandes figures afro-américaines, et Writings on the Wall – Searching for a New Equality Beyond Black and White (2016) où il fait appel à l’union nationale pour faire face aux nombreuses divisions fracturant les États-Unis autant sur un plan social que politique. Il s’est aussi exprimé à de nombreuses reprises à travers ses chroniques sur The Hollywood Reporter ou sur le site du célèbre Time Magazine, toujours dans le but d’entamer ou continuer la conversation sur d’importants sujets de société (violences policières, violences liées aux armes à feu, peine de mort…). Bref, un activiste à temps plein. Pour l’ensemble de son œuvre, Abdul-Jabbar a été récompensé en 2016 de la médaille présidentielle de la Liberté, le plus grand honneur pouvant être accordé à un civil américain. Les quelques mots du Président des États-Unis de l’époque Barack Obama suffisent à résumer la grandeur de Kareem.

“Physiquement, intellectuellement, spirituellement, Kareem est unique. Un Américain qui met en lumière nos principes de liberté et nos plus grandes ambitions.”

Faisant partie des plus grands joueurs de l’histoire du basket, auteur à succès et même acteur pendant et après sa carrière NBA, Kareem Abdul-Jabbar a enfilé plusieurs casquettes au cours de sa vie. Mais celle qu’il a toujours eu sur la tête depuis les années 1960, c’est celle d’activiste. Kareem fait partie de ces grandes figures afro-américaines qui ont non seulement aidé à briser des barrières, mais qui ont également influencé de futures générations d’athlètes à s’impliquer sur des problèmes de justice sociale. 

Sources texte : Andscape, ESPN, USA Today, New York Times, ABC