Black History Month : Cleo Hill, une carrière sacrifiée

Le 27 févr. 2023 à 12:50 par David Carroz

TrashTalk Black History Month Cleo Hill
Source image : College Basketball Experience, montage Léonce MVP

À une époque où l’ouverture de la NBA aux ballers afro-américains se fait au compte-goutte, tout le monde n’a pas la chance de prouver son talent. C’est ce qu’a vécu Cleo Hill, blacklisté de la ligue après une seule petite saison.

J’étais prêt pour la NBA[…]. Mais un gamin du nom de Cleo Hill qui semblait avoir un talent phénoménal avait disparu de la circulation. Le coach me martelait toujours que je devais être un certain type de personne pour réussir au niveau professionnel.

En se rappelant son état d‘esprit au moment de rejoindre la NBA en 1968 après avoir cartonné avec Winston-Salem au niveau universitaire, Earl Monroe évoque les craintes de Clarence Gaines, son entraîneur à la fac. Ce dernier le sait bien, le talent ne suffit pas pour poursuivre au niveau supérieur. Son ancien protégé Cleo Hill en a fait l’amère expérience quelques années plus tôt.

Comme The Pearl, Hill a brillé avec Winston-Salem (26,7 points en senior), au point d’être choisi au huitième rang en 1961, devenant ainsi le premier joueur issu d’une université  traditionnellement noire (HBCU, Historically black colleges and universities) au premier tour de la Draft. Mais contrairement à Monroe, sa carrière NBA s’avère être bien plus courte.

Le fit ne parait pas déconnant pourtant. Les Hawks, finalistes malheureux la saison précédente derrière leur trio intérieur Bob Pettit (27,9 points) – Cliff Hagan (22,1 points) – Clyde Lovellette (22 points) manquent d’un shooteur sur le backcourt. Ça tombe bien, l’adresse de loin est une des armes de Celo Hill, en plus de ses qualités athlétiques. Bref, en termes de talent, il a tout en magasin pour briller en NBA.

La pré-saison confirme cette idée. Il trouve ses marques, score avec aisance et son coach Paul Seymour le prend sous son aile. Tout semble se mettre en place. Enfin, pas complètement. Un premier écueil ternit la bonne impression. Lors d’un déplacement à Lexington pour affronter les Celtics, des joueurs afro-américains des deux équipes se voient refuser un café dans un restaurant. Bill Russell l’apprend et met en place un boycott. Accompagné de ses coéquipiers K.C. Jones et Al Butler mais aussi de ses adversaires Woody Sauldsberry et Cleo Hill, ils quittent la ville.  Quand on a la légitimité de Russell – et la compréhension de son coach Auerbach – ça peut passer. Quand on est un rookie comme Hill dans la franchise des Hawks, on s’expose au courroux du propriétaire et des coéquipiers moins bien attentionnés. Sans surprise, aucun soutien de la part des Faucons. Coïncidence, Sauldsberry est tradé moins d’un mois plus tard. À St. Louis, la ségrégation vit encore de belles heures dans la ville, ses hôtels, sa franchise et son public.

Ce que confirme Bill Russell justement en se rappelant qu’à son premier match en déplacement dans la ville, il était “le seul noir du bâtiment”. Cleo Hill débarque donc en terrain hostile. Si son cas n’est pas réglé comme celui de Sauldsberry, il va vivre un enfer. Les trois stars de l’équipe apprécient moyennement la hype qui entoure le rookie et l’importance que lui accorde le coach, d’autant plus après ce boycott. Pour terminer ce tableau, en l’absence de Lenny Wilkens – réquisitionné par l’armée – c’est au poste de meneur que Cleo Hill évolue, lui qui a plutôt un profil de scoreur, pas de playmaker.

La situation est loin d’être idyllique, le trio star juge ne pas recevoir assez de ballons de sa part. Malgré le soutien de Paul Seymour, Cleo Hill commence à douter. Son coach lui demande de shooter, lui n’ose plus de peur de fâcher ses vétérans qui le snobent en attaque. Seymour insiste, son message ne passe pas. Hill perd son jeu. Ainsi que son entraîneur, remercié par le proprio Bob Kerner mi-novembre. Est-ce à cause de du bilan (5-9) peu glorieux, de l’instabilité chronique des Hawks (16 coachs en 13 saisons) ou parce que les stars ont demandé sa tête ? Seymour mise sur la dernière option, le trio lui ayant clairement signifié de se passer de Cleo Hill.

Par racisme ? La question se pose, les sudistes Bob Pettit et Cliff Hagan n’étant pas très ouverts d’esprit sur ce sujet. Mais Hill ne se souvient pas de remarques ou d’attitudes irrespectueuses. Pour lui, le souci n’était pas sa couleur de peau, juste un problème d’influence, de nombre de tirs. À une époque où encore plus qu’aujourd’hui, les deals reposent sur les feuilles de stats, personne ne veut lâcher son morceau de steak. Une chose est sûre, le changement de coach ne joue pas en sa faveur. Cleo Hill ne joue plus avec fluidité et hésite constamment. Instinct bridé, adresse en chute tout comme son temps de jeu. Sa saison se termine avec 5,5 points, 3,1 rebonds et 2 passes à 34,6% au tir en 58 matchs. Mais sur les 13 premières rencontres disputées – avec Seymour comme coach – les stats sont plus honorables :  10,8 points, 5,5 rebonds et 2,2 passes à 36%.

Malgré les difficultés, Cleo Hill revient gonflé à bloc pour la saison suivante, ayant profité de l’été pour passer son diplôme de prof à Winston-Salem mais aussi bosser son jeu, reprendre confiance. Un travail balayé en quelques mots par le nouveau coach Harry Gallatin :

– À quel point tu es bon pour enseigner ?

– Je pense que je me débrouille bien

– Bien, on va te laisser enseigner.

Pour Gallatin, ce n’est pas une question de couleur de peau, mais plutôt de style. Une fois coupé, Hill reçoit le soutien de Seymour qui lui annonce que trois équipes sont intéressées par son profil. Aucune ne le contacte. Seymour déclare alors à son ancien protégé qu’il est persuadé que Kerner fait pression en coulisses pour que personne ne le signe. Sa carrière est déjà terminée.

De cette expérience, Cleo Hill a longtemps gardé de la colère, avant de se dire qu’il avait tout de même pu fouler les parquets NBA, une chance que d’autres n’ont pas eu. Mais on ne peut s’empêcher de penser qu’il n’a pas eu les cartes en main pour saisir cette opportunité à fond. Qu’à l’instar d’un Colin Kaepernick blacklisté en NFL pour son genou à terre, Cleo Hill a connu la même sanction pour son boycott.

 

Source : They Cleared The Lane de Ron Thomas


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