La genèse d’une reconstruction en NBA : quand la vie d’une franchise oscille entre espoirs, défaites et tours de Draft

Le 03 déc. 2022 à 15:49 par Jérémy Marty

Reconstruction 2 décembre 2022
Source image : Montage TT via iStocks

“Les premiers seront les derniers”. Voilà une maxime qui illustre bien les files d’attente, mais aussi la NBA. Un jour ou l’autre, les franchises doivent passer par une reconstruction, c’est le cycle d’une Ligue où le talent n’est pas éternel. Le front office doit alors se creuser les méninges pour trouver ce fameux plan qui ramènera le succès en ville… Sortez les tanks, il est l’heure de l’analyse !

Reconstruire : action de reconstruire ce qui a été détruit.

Jusqu’ici, on ne vous apprend rien, mais l’important est surtout de savoir ce qui entraîne la “destruction”. Pourquoi un beau matin, le front office d’une franchise bazarde la majorité de ses points forts pour miser sur un hypothétique avenir glorieux. Les causes sont diverses, un franchise player qui décide d’aller voir si l’herbe n’est pas plus verte ailleurs – LeBron James ou Kevin Durant ça vous dit rien ? -, un projet talentueux qui finit par plafonner – oui, on parle du Jazz – ou encore une dynastie vieillissante qui se fait bazarder aux quatre coins du pays, celle-là est pour les Celtics en 2013. Bref, il arrive un moment où une franchise, peu importe son histoire, fait face à ce processus de reconstruction.

Grand ménage, tours de Draft et un peu de chance…

Le premier réflexe est assez simple, une fois le déclic obtenu, une bonne partie de ce qui fait le présent de l’équipe prend la porte pour faire de la place à l’avenir. Tout doit disparaître et en échange, on tente de mettre la main sur les tours de Draft qui ne sont pas dans la poche de Sam Presti, c’est compliqué mais pas impossible. Le GM du Thunder est sans doute le plus redoutable de la Ligue quand il s’agit de parler reconstruction (Danny Ainge n’est pas mal aussi dans le genre). Dès son arrivée en 2007, Presti fait le ménage aux Sonics en transférant Ray Allen ou encore Rashard Lewis pour construire autour de sa jeune star Kevin Durant. Sur les deux saisons qui suivent, OKC termine dans les bas-fonds de l’Ouest, mais récupère Russell Westbrook, James Harden et Serge Ibaka, tout simplement l’ossature qui atteindra les Finales NBA en 2012. On ne vous fait pas un dessin, pour avoir du choix de qualité à la Draft, il faut perdre (beaucoup si possible)… et prier.

Prier les dieux du basket, car même quand on est le bonnet d’âne de la NBA, on n’est vraiment par sûr de choisir en premier le soir de la Draft. Les trois bilans les plus médiocres ont 14% de chance de choper le gros lot. Forcément, ça crée de l’émotion dans les bureaux, suffit de mater la vidéo du front office des Pelicans qui explose de joie lorsque la franchise chope le premier choix synonyme de Zion Williamson en 2019. Avec Victor Wembanyama sur les tablettes, la réaction devrait être similaire cette année. Car quand on décide de perdre à tout-va, c’est clairement pour récupérer un jeune talent qui permettra à toute une ville de regagner ses lettres de noblesse. Les Rockets, les Pistons, le Thunder, les Spurs, et le Magic, ces équipes ont toutes entamé la saison NBA avec l’idée d’ajouter Wemby à leurs différents talents.

It wasn’t a dream… #BirdStrikes #Pelicans pic.twitter.com/I38CXXeMRW

— New Orleans Pelicans (@PelicansNBA) May 15, 2019

Sauf que parfois, choisir en premier n’est pas synonyme de succès. Greg Oden, Anthony Bennett, Markelle Fultz, Kwame Brown… sont clairement les cas que chaque GM souhaite s’éviter pour ne pas subir les moqueries pendant des années. Choisir c’est renoncer et la crainte de rater un talent générationnel hante les nuits de certains. S’il ne fallait en choisir qu’un, qui d’autre que Stu Inman, GM des Blazers en 1984, qui avait opté pour Sam Bowie à la place de Michael Jordan. Le pari ne sera pas payant et les Blazers passent à côté d’un duo Clyde Drexler – MJ. C’est aussi le revers de la médaille et comme l’aurait dit Forrest Gump s’il suivait la NBA : “La Draft, c’est comme une boîte de chocolat, on ne sait jamais sur quoi on va tomber”. 

1984 USA Olympic Basketball Coach Bobby Knight called Blazers GM Stu Inman ahead of the 1984 Draft.

Inman said he just couldn’t draft MJ at the No. 2 spot.

“We need a center.”

Knight responded: “Then draft Jordan and play him at center!”

Portland took Sam Bowie. pic.twitter.com/xUSTPv5O6Q

— Darren Rovell (@darrenrovell) April 20, 2020

Perdre oui, mais jusqu’à quand ?

Enchaîner deux ou trois saisons en négatif pour récupérer un young core bien sympa qui va s’épanouir dans son environnement puis commencer à redevenir imposant… N’importe quel GM signerait des deux mains pour une reconstruction similaire à celle de Memphis par exemple. Les Grizzlies sont entrés en hibernation en 2018 sur une saison comptant seulement 22 victoires, le Tennessee se sépare quelques mois plus tard de ses cadres Mike Conley et Marc Gasol avant de récupérer Jaren Jackson Jr. à la Draft. S’en suit une nouvelle campagne avec un faible nombre de victoire (33 en 2018-19) qui permet l’arrivée de Ja Morant dans la tanière, et la suite c’est une ascension express parmi les grandes équipes de l’Ouest.

Mais tout ne se goupille pas toujours aussi bien, certaines reconstructions finissant par s’enliser dans le temps. On pense bien évidemment aux Kings – même si Sac-Town semble enfin avoir trouvé la formule cette année – qui sont absents des Playoffs depuis 2006 et qui ont accueilli 11 joueurs issus du top 10 de la Draft depuis. Si De’Aaron Fox et DeMarcus Cousins sont intouchables, on se demande parfois si les GM des Kings avaient les yeux en face des trous au moment d’opter pour Ben McLemore, Nik Stauskas, Thomas Robinson ou Marvin Bagley III.

Dans une catégorie différente, vient le cas des Knicks. New York a quitté le devant de la scène depuis la fin de l’ère Carmelo Anthony. Si ce n’est l’embellie de la saison 2020-21 terminée en positif avec 41 victoires pour 31 défaites, depuis 2013 les Knicks ont bouclé neuf saisons négatives. Forcément, ça permet de choper des lottery picks, reste à bien choisir. La Grosse Pomme a transformé ses choix en Kristaps Porzingis, Frank Ntilikina, Kevin Knox et son terrible costard, R.J. Barrett et Obi Toppin. Les deux derniers peuvent certes encore marquer l’histoire de la franchise (va falloir bien s’activer quand même), mais les autres ne laisseront pas un grand souvenir même si KP était bien parti pour enflammer le Madison Square Garden. Lorsque la reconstruction foire et dure, l’image de l’équipe en prend forcément un coup, les fans grondent et les potentielles cibles sont réticentes à signer un contrat. Une attractivité en berne qui empêche la franchise de passer ce fameux cap du contender. Positionnés sur tous les gros poissons de la free agency chaque été, les Knicks payent cette désorganisation (ainsi que la présence du propriétaire très contesté James Dolan, mais ça c’est une autre histoire). C’est pas nous, c’est Kevin Durant qui le dit quand il raconte pourquoi il a opté pour les Nets en 2019.

“Je préférais tout simplement la direction prise par l’organisation des Nets… Il n’y avait rien contre les Knicks. Je pense juste que Brooklyn était plus avancé dans le processus pour être un concurrent.”

Kevin Durant on why he signed with the Nets instead of the Knicks:

(📹https://t.co/xKsyFjkwEH) pic.twitter.com/DShuh06JzX

— Blue Wire (@bluewirepods) October 21, 2019

Accumuler les jeunes prospects… mais la suite c’est quoi ? 

À l’image du Thunder, des Rockets, des Pistons, des Pacers ou encore des Spurs et du Magic, les boards empilent les jeunes joueurs au sein de leur roster en reconstruction. Mais jusqu’à quand ces franchises continueront de développer leurs pépites dans la défaite ? L’élément déclencheur est bien souvent un trade ou l’arrivée d’un joueur hors norme par la Draft ou la free agency. Les Lakers ont connu ça en ramenant LeBron James au milieu de Lonzo Ball, Brandon Ingram, Josh Hart et Kyle Kuzma en 2018, la garderie s’était alors transformée en prétendante avant que le transfert d’Anthony Davis ne vienne évidemment tout chambouler. Mais peu de franchises ont l’attractivité des Lakers et il faut donc entourer sa jeune star du mieux possible et avec les moyens du bord pour pérenniser le succès. C’est aujourd’hui ce que tente par exemple les Hawks et Trae Young ou les Mavs autour Luka Doncic. Les Suns et les Bucks sont passés par ces étapes. Bref, c’est une question de cycle on vous dit, mais aussi d’identité et de chance.

Les facteurs d’une reconstruction sont multiples, variés et surtout complexes. C’est un savant mélange de talent, de chance et de coups de poker payants ou non. La notoriété de la franchise entre en jeu et parfois, elle joue aussi dans la réussite du rebuild. Tout ça pour dire qu’il n’existe pas vraiment de formule magique, et que reconstruire n’a donc rien d’évident. 

Sources texte : Tankathon, New Orleans Pelicans, Darren Rovell, Blue Wire.