Interview Rudy Gobert x TrashTalk : “J’arrive dans une situation où le but c’est pas de prendre la température pendant 2 ans”

Le 17 juil. 2022 à 19:15 par Bastien Fontanieu

Rudy Gobert
Source image : nba league pass

Nouveau pivot des Wolves, bientôt attendu à l’EuroBasket avec le maillot de l’Équipe de France, Rudy Gobert a un été 2022 bien bien chargé. Mais entre deux cartons, trois coups de téléphone et un camp de basket à Saint-Quentin sa ville natale, le triple Défenseur de l’Année en NBA nous a gentiment accordé quelques minutes. Ambiance déménagement, loups des neiges et douce France.

_____

Salut Rudy ! Déjà, comment ça va ?

Yes, ça va bien et toi ?

Nickel, tu dois être pas mal chargé donc on se prend 10 minutes pour parler un peu de ton actualité.

Super, let’s do it !

C’était comment ton camp de basket à Saint-Quentin, tu y es encore là ou tu as déjà bougé ailleurs ?

Là je suis à Paris, et le camp était en effet à Saint-Quentin. C’était vraiment super, ça s’est super bien passé. C’était très cool de voir tous ces enfants, il y en a eu 130 sur ce camp. Et comme d’habitude on a eu 2 MVP du camp, qui ont tous les deux gagné un voyage à… Minnesota l’année prochaine !

Oui c’est vrai, d’ailleurs ça doit faire bizarre pour toi comme phrase, après avoir passé des années à dire que les enfants allaient te rejoindre à Salt Lake City. 

Grave, grave. C’est marrant tu vois, ça change.

Je voulais te poser cette première question. Tu as fait toute ta vie NBA dans une seule ville et une seule équipe, à Utah. Et là t’es transféré. Mais ça se passe comment un déménagement en NBA ? Tu fais toi-même les cartons ?

Et bien écoute je n’ai pas encore commencé. On n’a pas encore commencé à faire les cartons. D’abord on attend de trouver un endroit pour se poser, voir où je vais vivre sur place. Mais là je suis en France. Bon après tu vois, j’ai même pas à douter de ce que je vais emmener, je pense que je vais emmener le principal avec moi et puis après le reste… J’ai pas mal l’habitude de voyager tu sais, donc bon, le reste ça va être géré.

Je te posais la question car souvent, quand on voit un transfert de l’extérieur, on pense tout de suite au changement de maillot et de coéquipiers mais on oublie tout ce qu’il y a à mettre en place en terme de déménagement et de logistique. Et toi en plus t’as fait toute ta vie pro en NBA dans une seule ville.

Ouais (rires), c’est sûr c’est un changement. C’est une toute nouvelle aventure.

Rentrons dans le détail basket, sur le terrain. Un des sentiments qui se dégage avec ce transfert, côté Minnesota, c’est qu’on a l’impression que c’est un énorme “fuck le small-ball exprimé par le management. Comme s’ils disaient, en quelque sorte : nous on s’en fout, on a Rudy Gobert, on a Karl-Anthony Towns, vous voulez nous critiquer sur notre taille et bien déjà occupez-vous de nous. Est-ce que tu as ce même sentiment ?

Oui, c’est le même sentiment que j’ai. Et c’est pour ça que quand Bouna (NDLR : Bouna Ndiaye, son agent) m’avait dit 2-3 jours avant le transfert que Minnesota me voulait et voulait m’associer à KAT, il m’a demandé ce que j’en pensais. Je lui ai demandé de me donner une journée pour y réfléchir, et le lendemain je lui ai dis que j’étais chaud. Parce que pour moi, en terme de challenge sportif, c’est le meilleur challenge que je pouvais obtenir. Que ce soit individuellement ou collectivement. Et comme tu le dis, par rapport à cette association, tu vois que beaucoup d’équipes jouent en small-ball en NBA. Mais en fait la taille, ça reste trop important au basket (rires). L’important c’est surtout de savoir comment utiliser cette taille.

Il y a eu un autre type de réaction qu’on a pu voir suite au transfert, et c’était lié au nombre de shoots que t’allais pouvoir prendre à Minnesota. “Est-ce que ça peut être un soucis ? Aura-t-il assez de tirs ?” Ce sont des questions que des gens ont posé. Toi, tu réponds quoi face à ce type d’interrogations ?

Disons que je ne sais pas d’où vient ce raisonnement, pour commencer. Car tout dépend de la manière dont on va jouer. Mais à titre personnel j’ai déjà beaucoup échangé avec mon nouveau coach, Chris Finch, et il veut me donner la balle dans mes mains. Même avant le transfert, ce qu’il disait à mon agent et ce que mon agent me rapportait, c’est que les mecs veulent t’utiliser quoi. Ils ne veulent pas te ramener chez eux pour que tu sois juste le meilleur défenseur du monde. Ce qui est déjà très bien hein, mais ils veulent t’amener dans leur équipe car ils savent de quoi t’es capable en attaque si on t’utilises et si tu es bien utilisé. Il faut aussi savoir que l’assistant General Manager des Wolves, c’est Dell Demps. Et c’était un ancien assistant-coach chez le Jazz cette année. Donc lui aussi il a joué une grande part dans ce transfert. Il voulait vraiment m’amener dans son équipe et il sentait que j’allais pouvoir être utilisé de manière un peu différente qu’à Utah.

Donc quelque part, cette histoire de shoots, c’est un faux-sujet ? Si les gens prennent les chiffres et disent : attends il tentait 8 shoots par match à Utah et il avait pas mal de ballons au poste…

… euh, pas mal de ballons au poste à Utah, je sais pas vraiment d’où ils vont sortir ça (rires).

(rires) Tu connais Twitter ! Mais plus globalement, tu as donc pu voir avec Chris Finch comment être utilisé au mieux, sachant qu’il y a de vraies options avec les playmakers déjà présents sur place ?

Oui, c’est ça. Et puis, encore une fois, tout dépend des principes de jeu. Le coach veut me donner la balle dans les mains, il veut me mettre dans des situations différentes que ce soit poste haut ou poste bas,… En fait, on va pouvoir faire énormément de choses. Et ça pour moi, c’est vraiment excitant. J’ai hâte de pouvoir montrer tout ça, et continuer à évoluer en tant que joueur.

Si je dis pas de bêtises, tu as eu Vincent Collet comme coach toute ta carrière en Équipe de France, et Quin Snyder comme coach toute ta carrière en NBA sauf une année rookie sous Tyrone Corbine ?

Ouais j’ai eu un an de Tyrone Corbine, mais j’étais en G-League. Donc après j’ai eu 8 ans à Utah sous Quin Snyder.

Donc là c’est vraiment un autre gros changement. Tu le sais mieux que nous, beaucoup de joueurs connaissent l’instabilité en NBA, toi c’était plutôt le contraire jusqu’ici. Tu me disais que t’avais déjà parlé avec Coach Finch, vous avez discuté de quoi en plus de cet aspect offensif ?

On a surtout échangé sur l’aspect humain de notre relation. Pour moi, c’est ce qu’il y a de plus important. Honnêtement, on a certes parlé de basket mais on a beaucoup parlé de la vie en-dehors des terrains, tout ce qui est “extra-basket”. On a parlé de la vie en général, et je pense que tout doit partir de là. Il doit y avoir une bonne communication et une bonne connexion d’humain à humain. Et après niveau basket, voilà on sait qu’il a des connaissances, et j’ai aussi pas mal d’expérience dans ce jeu. Du coup on sait que derrière les choses vont fonctionner, c’est déjà important qu’il y ait une bonne ligne de communication et qu’on s’entende tout simplement entre êtres humains. Mais très franchement, je suis agréablement surpris par ce qu’il est en tant que personne, que ce soit lui ou le coaching staff autour de lui, le management au niveau au-dessus…

Tu sens qu’il y a une vraie détermination, à tous les étages, dans le fait de passer au niveau supérieur à Minnesota ?

Clairement. Clairement, tu sens qu’ils ne m’ont pas ramené là pour rien. Ils ont un vrai objectif en tête et moi j’ai le même. Et c’est ça qui est beau, c’est ça qui me motive tu vois. C’est ce qui est super excitant à titre personnel, j’arrive dans une situation où le but c’est pas de prendre la température pendant deux ans. Alors bien sûr on va apprendre beaucoup de choses, à chaque match on va en apprendre davantage sur nous-mêmes, on va apprendre à se connaître aussi. Mais le but c’est de viser le plus haut possible dès cette année.

À Utah, je me permets, mais il y avait des anciens comme Mike Conley, Joe Ingles, même Rudy Gay et précédemment Jeff Green dans l’équipe. Là quand tu débarques dans le vestiaire à Minnesota, c’est toi en fait le daron. Est-ce que t’as le sentiment qu’il y a un changement de rôle aussi pour toi à ce niveau-là ? Parce que tu vas être un des joueurs les plus âgés si je ne dis pas de bêtises.

Ouais exactement, exactement. En plus j’ai 30 ans maintenant…

T’es devenu vieux, ça y est (rires).

(rires) C’est clair que ça va me changer là-dessus aussi. Mais c’est une responsabilité que j’apprécie. Et ça me permet de continuer à franchir des caps en tant que joueur et en tant que leader en NBA. Arriver dans un nouveau vestiaire et tenter d’avoir une influence positive sur tout le monde, c’est excitant.

On a eu un aperçu de ton entente avec Chris Finch pendant ta conférence de presse d’introduction. D’ailleurs on a ambiancé la chaîne YouTube des Wolves avec la commu, le modérateur de la chaîne ne comprenait rien c’était assez marrant. Ma question : c’était quoi cette histoire d’écrans ? Parce que Finch a dit, en rigolant, qu’il était bien content d’avoir tes écrans dans son équipe désormais ?

En fait on a dîné ensemble la veille de cette conférence de presse. Et… (rires) en fait ça me fait rire parce que Coach Finch m’a dit, chaque fois que jouais contre Minnesota et donc lui contre Utah, il se plaignait en permanence de mes écrans. Pendant tout le match. Il n’arrêtait pas de dire aux arbitres que je posais des écrans mobiles et d’autres trucs du genre. Et donc là ce qu’il me disait et qui nous a fait rire, c’est que si dès le premier match avec les Wolves il y a un arbitre qui siffle écran mobile contre moi… là par contre, il risque vraiment de s’énerver. Donc c’est ça la petite histoire.

Dernière question, pas mal de personnes sont revenues sur cette quote d’Anthony Edwards, où il a notamment dit que tu lui faisais pas peur et que pour lui c’est un mec comme Kristaps Porzingis qui l’intimidait au contre. T’en as parlé avec Ant ou pas encore ?

Non je n’en ai pas encore parlé avec lui. On a échangé un petit peu, mais je pense que je lui dirai plus en personne.

Faut lui dire en tête à tête !

Bah au camp d’entraînement quand je vais le contrer, je lui dirai. Je lui demanderai entre moi et Porzingis ce que ça donne.

La suite c’est quoi pour toi du coup ? Vous allez essayer de vous voir entre nouveaux coéquipiers ou rendez-vous au camp d’entraînement ?

Et bien écoute je ne rentre pas à Minneapolis avant l’EuroBasket avec l’Équipe de France. Je vais rester en Europe jusqu’à la compétition, je peux pas trop bouger. Mais après, vers mi-septembre je pourrai à nouveau bouger, je retournerai là-bas, je pense que je vais passer à Salt Lake City, et après j’enchaînerai directement sur Minneapolis.

Super ! Merci à toi Rudy, on te souhaite bonne chance et on te retrouve très vite avec le maillot bleu, pour l’EuroBasket début septembre.

Merci les gars, et à bientôt !

_____

Remerciements : Rudy Gobert et sa team