Raccourcir la saison pour limiter les blessures ? Richard Jefferson est 100% contre : “C’est absurde !”

Le 04 juin 2022 à 16:14 par Nicolas Meichel

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Avant le Game 1 des Finales NBA jeudi soir, Adam Silver a répondu à quelques questions en conférence de presse et s’est notamment exprimé sur la possibilité de raccourcir la saison si ça pouvait limiter les trop nombreuses blessures qui caractérisent aujourd’hui la Grande Ligue. L’ancien joueur devenu analyste pour ESPN Richard Jefferson a donné son point de vue, et il n’y est pas allé de main morte.

Les plus jeunes connaissent Richard Jefferson l’analyste, les anciens l’ont vu claquer des gros tomars sous le maillot des Nets au début des années 2000. Sélectionné en 13e position de la Draft 2001, RJ a évolué en NBA pendant plus de 15 ans. Il possède quasiment 1 200 matchs au compteur et 140 de plus si l’on prend en compte les Playoffs (quatre Finales NBA jouées en tout), lui qui a terminé pas moins de sept campagnes avec minimum 80 rencontres jouées en saison régulière. Vous ajoutez à ça plusieurs apparitions avec Team USA, notamment aux Jeux Olympiques 2004 à Athènes, et vous obtenez une carrière bien pleine qu’il a officiellement bouclée à l’âge de 38 ans, après avoir notamment remporté le titre 2016 avec Cleveland aux côtés de LeBron James et Kyrie Irving. Tout ça pour dire que le bonhomme est plutôt bien placé pour répondre aux propos d’Adam Silver concernant la possibilité de voir un jour une saison régulière comprenant moins de 82 matchs. Tellement bien placé d’ailleurs qu’il s’est lâché sur ESPN. Morceaux choisis (attention ça chauffe).

“Je pense que c’est absurde. […] On a déjà éliminé les back-to-backs, la pause du All-Star Game est désormais d’une semaine alors qu’elle était seulement de trois jours et demi auparavant. Tout a été fait déjà, chaque équipe possède désormais des spécialistes du sommeil, des entraîneurs en plus, des masseurs qui voyagent avec l’équipe, et maintenant vous voulez encore raccourcir la saison ? Jusqu’où ira-t-on quand il s’agit de dorloter les joueurs ?

Cela n’a vraiment pas de sens. Le sport professionnel, ce n’est pas bon pour votre corps. C’est censé être le séparateur entre les joueurs qui sont capables de le faire par rapport à ceux qui en sont incapables. Et même si on veut voir nos meilleurs joueurs sur le terrain, la longévité fait partie de la greatness. Michael Jordan, Kareem Abdul-Jabbar, LeBron James, on parle de tous ces gars-là parce qu’ils ont été grands pendant une longue période. […]

Les joueurs prennent déjà des jours de repos ! Alors on va leur en donner encore plus et raccourcir la saison à 60 ou 70 matchs ? […] En raccourcissant la saison, vous allez toucher directement les records, les stats, et toutes ces choses qui font notre NBA.”

Boum, ça c’est dit ! On a là l’avis d’un ancien joueur qui se demande pourquoi la génération actuelle – mieux payée que toutes les précédentes on le rappelle et qui a mis à la mode le load management – devrait bénéficier d’un calendrier allégé alors que de nombreux ajustements ont déjà été effectués ces dernières années pour tenter de limiter les bobos sur les joueurs. Difficile de lui en vouloir en soi. RJ a beaucoup travaillé en son temps pour pouvoir durer en NBA, et ce malgré les blessures qu’il a pu subir comme cette rupture d’un ligament dans son poignet gauche fin 2004 (seulement 33 matchs joués lors de la campagne 2004-05). Pour Jefferson, c’est aux joueurs et aux équipes de faire le maximum pour éviter les blessures et maximiser la condition physique. Mais le commissionnaire Adam Silver ne regarde pas vraiment le problème sous le même angle. S’il entend sans doute l’ensemble des arguments mis en avant par RJ et si c’est évidemment son boulot de prendre tous les éléments en compte avant chaque grande décision potentielle, le grand chauve se pose avant tout la question suivante : quelle est la meilleure chose à faire pour améliorer le produit actuel ? Cette question est absolument centrale dans les réflexions de Silver et on sait qu’il n’a pas peur de bousculer les codes pour rendre la NBA plus attractive. L’arrivée du play-in tournament en 2020 – contesté par certains il y a encore un an – en est la preuve, et la mise en place possible d’un tournoi de mi-saison va dans le même sens.

Adam Silver l’a dit lors de sa conférence de presse, son objectif prioritaire est de voir les meilleurs joueurs NBA sur le terrain, en régulière mais surtout en Playoffs. À l’heure de ces lignes, le commish n’a pas la preuve que moins de matchs est forcément égal à moins de blessures, et il n’est donc pas prêt pour l’instant à réduire la régulière, d’autant plus qu’un nombre plus faible de matchs est par contre bien égal à un nombre plus faible de revenus. Ce n’est donc pas demain qu’on verra une régulière “normale” (hors pandémie ou lock-out) passer de 82 à 70 ou 60 matchs. Le fait qu’on sorte juste d’un enchaînement de saisons hardcore lié au COVID joue sans doute aussi un rôle sur les nombreuses blessures qu’on a pu voir lors des Playoffs 2021 et 2022, et ce n’est donc pas forcément le meilleur moment pour tirer des conclusions et faire de grands changements. Pour autant, on est aujourd’hui dans une ère où les joueurs NBA sont plus athlétiques que jamais et où le rythme de jeu est très élevé. Certes la Ligue est moins physique qu’avant, certes tout est fait pour que les joueurs soient préparés au mieux afin de faire face aux bobos, mais l’évolution du jeu est également un paramètre à prendre en compte. Et puis on ne va pas se mentir hein, 82 matchs c’est quand même hyper long. Entre fatigue, absences et manque d’enjeu, le spectacle peut clairement laisser à désirer sur certaines rencontres entre octobre et avril. Quelque part, on se dit que raccourcir la saison pourrait permettre de relancer l’intérêt par rapport à la régulière soir par soir, dans le sens où chaque match gagnera un peu en importance. Au final, dans ce genre de réflexion, il y a de toute façon toujours d’un côté la nécessité de respecter ce qui fait l’essence même de la Ligue, et de l’autre la nécessité de s’adapter au changement et au contexte actuel. Tout ça dans l’intérêt – notamment économique – de la NBA. La mission d’Adam Silver, c’est ça.

La NBA est une ligue qui fonctionne avant tout sur la mise en avant de ses stars. Et quand elles sont à l’infirmerie, comme un Kawhi Leonard cette année par exemple, elles ne sont pas sur le terrain, et c’est ce qu’Adam Silver veut absolument éviter. Est-ce qu’on verra la Ligue raccourcir la saison dans un futur proche ? Probablement pas, mais le chauve ne veut pas fermer la porte à cette possibilité. Que ça plaise à tonton Richard ou pas…

Source texte : ESPN