Alex English, cette machine à scorer terriblement sous-estimée : petit cours d’histoire sur le meilleur marqueur des années 1980

Le 05 janv. 2021 à 14:19 par Nicolas Meichel

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Quand on pense aux années 1980 en NBA, les noms de Magic Johnson et Larry Bird sont évidemment les premiers qui viennent à l’esprit. La rivalité légendaire entre les Lakers et les Celtics a rythmé la décennie, ne laissant que peu de place aux autres sur le devant de la scène. Mais dans l’ombre des “sauveurs” de la NBA, du côté de Denver, Alex English a enchaîné les paniers, encore et encore, jusqu’à devenir le meilleur marqueur des eighties. Rien que ça !

“Il était comme Kevin Durant, car il pouvait scorer à n’importe quel moment.” Ces quelques mots signés Fat Lever, joueur de Denver au cours des années 1980, suffisent à résumer le niveau du bonhomme quand il était au sommet de son art. Le scoring, c’était naturel pour Alex English, ailier longiligne de 2m01 et 86 kilos. Marquer des paniers, c’était automatique, possession après possession, toujours avec une efficacité diabolique. Arrivé en NBA en 1976, le produit de South Carolina a cependant mis un peu de temps avant d’affoler les compteurs sous le maillot des Nuggets, lui qui est d’abord passé par Milwaukee et Indiana. Mais une fois qu’il a pris la direction du Colorado au début des eighties, ce fut le début de la fin pour les défenses adverses. Au cours de cette décennie, la franchise de Denver était reconnue pour son attaque ultra prolifique, qui tournait entre 115 et 125 points par match en ayant toujours la première pace de la NBA. Elle est même montée jusqu’à 126,5 pions de moyenne lors de la saison 1981-82, un record all-time. Personne ne jouait plus vite et quasiment personne n’arrivait à scorer autant que les Nuggets de Doug Moe, qui enchaînaient les cartons offensifs avec leur jeu run-and-gun. Au milieu de tout ça, English faisait du sale, d’abord aux côtés de Kiki Vandeweghe et Dan Issel durant la première moitié de la décennie, puis avec des joueurs comme Calvin Natt et donc Fat Lever.

Alex English a passé dix saisons complètes à Denver, de 1980 à 1990. Dix saisons, pour huit participations au All-Star Game et trois nominations dans la All-NBA Second Team. Il est aujourd’hui encore le meilleur marqueur de toute l’histoire de la franchise du Colorado, avec 21 645 points au compteur. English possède d’autres records de franchise à son actif (matchs joués, minutes, nombre de paniers inscrits, passes décisives) mais celui-ci est sans doute le plus significatif, d’autant plus qu’il lui donne le titre honorifique d’attaquant le plus prolifique des années 1980. Dans une décennie caractérisée par des scores élevés mais aussi un jeu beaucoup plus rude en comparaison avec la NBA actuelle, ça veut quand même dire quelque chose, surtout que la ligne à 3-points ne fut que très rarement utilisée à l’époque. Pourtant, Alex English n’a qu’un seul titre de top scoreur sur son CV, c’était en 1983 quand il a tourné à 28,4 points par soir. Et il n’a jamais atteint les 30 unités de moyenne sur une année (son record perso est de 29,8 en 1985-86). Mais avec sa régularité et sa durabilité, l’ailier a finalement dépassé tout le monde. En dix campagnes avec Denver, English a raté seulement… sept matchs en tout. Oui, seulement sept. Il a joué 813 rencontres de régulière sur 820 au total, ne passant jamais sous la barre des 80 matchs en une saison, tout ça en tournant à des moyennes de 26 points, 5,5 rebonds, 4,4 passes décisives, 1,0 interception, à 50,9% au tir et 84,3% aux lancers francs. Quand on vous parle de machine à scorer, c’est exactement pour cette raison.

Cependant, malgré ses nombreux exploits offensifs, Alex English fait partie de ces joueurs éternellement sous-estimés. Dans la discussion des meilleurs scoreurs de l’histoire, son nom tarde souvent à arriver alors qu’il possède quand même de sacrés arguments à mettre sur la table. Comment expliquer ça ? Déjà, quand vous évoluez dans la même ère que Magic Johnson et Larry Bird, avec un Julius Erving toujours là et un Michael Jordan qui débarque en bombe en milieu de décennie, difficile de ne pas rester dans l’ombre. C’est encore plus vrai pour un joueur comme English, terriblement efficace certes mais pas des plus spectaculaires, ni des plus bruyants. Disons qu’il était plus du genre à marquer des paniers avec la planche à mi-distance qu’à s’envoler dans les airs pour lâcher des gros tomars. Il était plus du genre à tirer au-dessus de ses adversaires avec ses longs bras sans rien dire qu’à trashtalker après un poster. C’est malheureux mais les fondamentaux font rarement la une des highlights. Ce qui joue également contre lui, c’est qu’il n’a connu qu’un succès limité sur le plan collectif. Oui, les Nuggets ont enchaîné neuf participations en Playoffs en affolant les box scores, mais avec seulement deux saisons à plus de 50 victoires et une petite Finale de Conférence Ouest, sans plus, la faute à une défense souvent en mode portes ouvertes. Cette Finale de Conférence, perdue 4-1 face aux Showtime Lakers en 1985, reste l’un des grands regrets de la carrière d’English. Une blessure dans le Game 4 (à 2-1 dans la série) alors qu’il était à 28 points en 26 minutes a obligé Alex à déclarer forfait pour le reste de la série, facilitant ainsi la tâche à des Lakers qui n’avaient pas forcément besoin de ça pour l’emporter, eux qui ont imposé une véritable dictature sur l’Ouest américain lors des années 1980. “Si je ne m’étais pas cassé le pouce, on aurait eu une chance de battre les Lakers” déclarera Alex English deux décennies plus tard. Peut-être, peut-être pas, mais il n’a jamais goûté aux Finales NBA et c’est souvent comme ça qu’on reste dans l’ombre.

Non conservé par les Nuggets à la fin de son contrat en 1990, Alex English a quitté la NBA en 1991 suite à une dernière année du côté de Dallas, avant de partir vers l’Italie pour ensuite définitivement raccrocher les sneakers en 1992. C’est également cette année-là que les Nuggets ont retiré son maillot. Et dès 1997, il a fait son entrée au Hall of Fame, sous-estimé ou pas. Parce que les vrais savent.