Anthony Mason : à la fois gladiateur des parquets et… ballerine dans le corps de Rambo

Le 14 déc. 2019 à 16:03 par Alexandre Martin

Anthony Mason -- Knicks
Source image : YouTube/NBA

Le 28 février 2015, Anthony Mason est décédé à New York. A Manhattan plus précisément, non loin du Madison Square Garden, là où il est devenu ce gladiateur des parquets fondamental dans la réussite des immenses Knicks des années 90. Car s’il a joué pour 6 équipes en 13 saisons NBA, si c’est à Charlotte qu’il a produit sa meilleure saison statistique, si c’est à Miami qu’il a été All-Star pour la seule fois de sa carrière, “Mase” est et restera un Knick. Pour toujours. 

Au soir de la Draft 1988, 52 joueurs ont été appelés par David Stern sur l’estrade avant que les Blazers ne choisissent Anthony Mason en tout début de troisième tour. Nous sommes alors le 28 juin 1988. Le 30 juin 1988, ces mêmes Blazers vont préférer de ne pas aller plus loin avec ce joueur et le couper avant de lui avoir laissé ne serait-ce que quelques minutes sur un parquet pour vraiment le jauger. Un classique pour beaucoup de picks de Draft sélectionnés tardivement. Mason quittera son pays l’espace d’un an pour aller jouer en Turquie, à l’Efes Pilsen (aujourd’hui Anadolu Efes). En septembre 1989, il signe avec les Nets en tant qu’agent-libre. Il n’est utilisé par son coach Bill Fitch qu’à 21 reprises, toujours en sortie de banc et pour une moyenne de 5 minutes par match. Les Nets vont le couper en octobre 1990. Les Nuggets vont lui proposer un contrat de 10 jours au mois de décembre suivant. Trois matchs sous les couleurs de la franchise du Colorado. C’est tout ce qui sera accordé à l’ami Anthony. Il passera alors par la Continental Basketball Association, chez les Tulsa Fast Breakers, où il fera de très gros dégâts sur les équipes adverses pendant 26 rencontres. Beaucoup de joueurs auraient lâché leur rêve de NBA. Beaucoup aurait arrêté d’y croire. Beaucoup n’auraient pas su saisir l’opportunité qui va se présenter.

Le 30 juillet 1991, Anthony Mason est sans contrat. Il signe avec les Knicks, quelques semaines après que la franchise de New York ait embauché un certain Pat Riley en tant que head-coach. A partir de là, tout va changer comme le racontera plus tard Don Cronson – agent de Mason pendant longtemps – au New York Times :

“Anthony Mason était un joueur parfait pour Pat Riley. Il était féroce. Tout ce qu’il voulait, c’était vous cadenasser défensivement. Ensemble avec Oakley, Starks et Ewing, ils étaient l’équipe des Knicks avec cette identité new-yorkaise.”

Le génie Riley ne s’y est pas trompé. Il a tout de suite vu le potentiel de cet ailier de 2m01, ciselé dans 120 kilos de muscles. Mason était très surprenant dans plusieurs domaines. Il était très rapide, agile et doté d’un bon toucher avec sa patte gauche autour du cercle ce qui le rendait compliqué à défendre pour les postes 4 de l’époque sur pas mal de phases de jeu. Et il était beaucoup trop costaud pour les postes 3. Beaucoup trop. Il pouvait dribbler dans son style peu orthodoxe – une ballerine dans le corps de Rambo – et avec une vraie dextérité. Même chose à la passe où sa vision et sa bonne technique lui permettaient de délivrer de véritables caviars quand il le fallait. Plus qu’utile en attaque donc l’ami Anthony. Cependant, c’est bel et bien de l’autre côté du terrain que Mason va bâtir sa réputation et devenir un membre primordial des Knicks pendant cinq saisons. Il était suffisamment véloce pour défendre sur les ailiers et il complétait son manque de taille par rapport aux intérieurs grâce à une puissance démesurée, une belle envergure et un mental de guerrier. Mais pas le guerrier propre. Plutôt le guerrier agressif, prêt à tout pour empêcher l’équipe d’en face de marquer. Mason n’hésitait pas à envoyer des grosses fautes, le genre de fautes que Bill Laimbeer n’aurait pas reniées. Mason provoquait ses adversaires, il les défiait du regard et ne disait jamais non s’il s’agissait d’en venir aux mains.

Il a trouvé en Pat Riley le coach qu’il lui fallait. Ce coach qui a su la canaliser sans trop le brider pour faire de lui un élément essentiel d’une équipe qui gagne en jouant dur, très dur. Mason a toujours été un excellent rebondeur, grâce à sa force, à ses épaules de la taille d’un ballon de foot, à sa belle détente et à son sens du placement. Riley ainsi que des gars comme Pat Ewing ou Charles Oakley l’ont aidé à progresser dans son approche de la défense. Défendre dur sans pour autant se faire exclure dans le deuxième quart, utiliser son côté atypique à bon escient, voilà l’idée. Entouré de ces trois gars, Mason est devenu un défenseur craint aussi bien pour sa dureté que pour son efficacité. On l’a vu défendre à de nombreuses reprises sur les meilleurs pivots de l’époque (et il y avait du choix !). Sur Hakeem Olajuwon notamment, il a fait du très bon boulot sur plusieurs séquences lors des Finales de 1994, contestant la prise de position au poste bas du Dream, gênant ses prises de balle, jouant sur sa vitesse pour ne pas se laisser déborder. Cela n’a pas empêché les Knicks de perdre en 7 mais Mason lui, venait de passer en trois ans de joueur qui ne trouve pas d’équipe à joueur qui joue 30 minutes par match en Finales NBA.

Charles Smith, Charles Oakley et Patrick Ewing étaient les trois titulaires de Pat Riley. Anthony Mason était le sixième homme. Celui que les adversaires détestaient voir rentrer en jeu. Pourtant, même si le succès de ce frontcourt était évident et même s’il a été élu sixième homme de l’année en 1995 (pas mal pour un troisième tour de Draft !), Mason a très vite voulu plus de responsabilités en attaque où il s’estimait sous-utilisé par Riley. Pendant l’été de cette année 95, le coach gominé va déserter New York pour filer à Miami. Il sera remplacé par Don Nelson. Grand fan des qualités de Mase, il va lui donner sa chance. Rien d’étonnant, en transition Anthony Mason était redoutable et la transition, c’est la vie pour Don le fou. Sous la houlette de Nelson, Anthony Mason va non seulement envoyer 14,6 points, 9,6 rebonds et 4,4 passes décisives par soir mais il va démarrer les 82 matchs de la régulière 1995-96 mais, en jouer plus de 42 minutes pour un total de 3 457 qui reste un record chez les Knicks. Malheureusement Mase, Don Nelson ne restera pas longtemps chez les Knicks. D’ailleurs, ce”nouveau” Mason sera tradé dès l’été 1996 contre Larry Johnson, c’est dire la valeur qu’il avait pris au passage. Pour sa première saison chez les Hornets, Anthony le starter va poster ses plus grosses moyennes en carrière : 16,2 points, 11,4 rebonds et 5,7 passes décisives en plus de 43 minutes par match. Mais les résultats collectifs ne sont plus les mêmes… Une sale blessure musculaire le privera de l’entièreté de la saison 1998-99. Il reviendra derrière, toujours titulaire et toujours performant. Il filera même jouer pour le Heat, dans sa Floride natale où il claquera sa dernière vraie grosse saison (à 34 ans) et participera au All-Star Game en 2001. Encore une bien belle récompense pour ce basketteur parti de très loin.

S’il était encore de ce monde, Anthony Mason aurait fêté ses 53 ans aujourd’hui. On pense à lui, et tous les jeunes basketteurs qui caressent le rêve d’une carrière dans la Grande Ligue peuvent en faire de même. Car comme l’a très bien dit Adam Silver dans sa déclaration au moment du décès du joueur : “Anthony Mason est un exemple de persévérance pour tous les joueurs qui se battent pour avoir une chance en NBA.” Il aurait pu rajouter “Once a Knick, always a Knicks” et ça aurait été parfait. 

En défense sur Hakeem Olajuwon.