Kristaps Porzingis s’accommode de son nouveau rôle chez les Mavs : moins de ballons mais plus de victoires, la Licorne attend son heure

Le 07 déc. 2019 à 17:10 par Thomas Gaudet

Kristaps Porzingis Luka Doncic
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Parmi les nouveaux duos de stars que tout le monde attendait de voir évoluer avec impatience cette saison, celui des Dallas Mavericks en déçoit certains : le combo Luka Doncic – Kristaps Porzingis était pressenti comme l’un des plus dangereux du circuit mais jusqu’à présent, de nombreuses critiques pointent du doigts les performances décevantes de la Licorne lettone. Mais personnes à Dallas ne semble s’en plaindre. Que se passe-t-il à dans le Texas ?

Pour bien comprendre la situation dans laquelle se trouve Porzingis, commençons par l’exemple de la rencontre du 11 novembre dernier entre les Suns et les Mavs. KP n’offre à l’attaque que 2 points (0/8 au tir et 2 LF) en 34 minutes mais les hommes de Rick Carlisle quittent l’Arizona avec la victoire (113-120). Certains voient dans cette stat le résultat symptomatique des difficultés rencontrées par Porzingis en début de saison et il admet lui-même volontiers, au micro de The Athletic, que son adresse au tir doit s’améliorer :

“J’étais frustré et je m’en voulais beaucoup au début. Je pensais revenir directement après la blessure et rapidement faire les stats que je me sais capable de produire. C’était difficile. […] Je shoote mal ; j’ai des opportunités, des tirs ouverts, et c’est mon boulot de les mettre.”

Mais quelle conclusion doit-on réellement tirer d’une telle contre-performance offensive et de ces galères de début de saison, lorsqu’on sait tout le talent que possède le géant de 2m21 ? Où est donc passé Porzingod ? Celui qui avait fait regretter aux exigeants fans new-yorkais leurs huées à la Draft 2015. Celui que tout le monde attendait à 25 points de moyenne cette saison avec son genou gauche tout neuf. Même agrémentée de 13 rebonds, 3 contres et 2 interceptions, la feuille de stats rendue contre les Suns aurait provoqué, lorsqu’il évoluait chez les Knicks, le courroux des fans et les analystes auraient spéculé pendant quelques semaines sur son réel potentiel. Mais nous ne sommes plus à la Big Apple : au sortir du match à Phoenix, personne dans le clan des Mavs – ni ses coéquipiers, ni les fans, ni le coaching staff, ni le management – ne lui reproche quoique ce soit. Bien au contraire, Mark Cuban, le propriétaire de la franchise, s’est adressé directement à son grand protégé :

“Tu as eu le plus gros impact de l’histoire de la NBA pour un gars qui ne met que deux points dans un match. Tu as changé le jeu. Tu as tout changé.”

Pour la partie historique du commentaire, il faudrait se pencher sur la question… Nous on a quelques doutes. Cependant, Mark Cuban a conscience que Porzingis revient de 20 longs mois d’absence, qui expliquent en partie ce 39,5 % au tir sur ses 20 premiers matchs, son pourcentage le plus bas depuis le début de sa carrière. Son scoring dans l’immédiat importe moins que son investissement sur le terrain, sa défense et sa capacité à aller chercher des rebonds au-dessus de la planche. Malgré sa maladresse de début de campagne, KP reste une menace à 3-points dans la tête de toutes les défenses et cela libère des espaces pour Luka et ses potes. Le milliardaire texan résume ce constat de façon plus poétique pour The Athletic (et nous ne traduirons pas) :

“KP just impacts motherfucking games.”

Il faut également tenir compte du fait que l’intérieur doit s’adapter à une franchise très différente de son ex : un nouveau collectif, un système de jeu bien différent de l’attaque en triangle du pauvre des Knicks et un tout nouveau rôle. Attachons-nous spécialement à ce nouveau rôle, qui dépend directement de celui que tient l’autre moitié du dynamic duo des Mavericks. Ah ce Luka Doncic… si les Mavs s’en tirent avec la victoire à Phoenix, ce n’est pas seulement parce que Porzingis a un impact important sur la rencontre qui va au-delà de son scoring, comme Cuban voudrait nous le faire croire, c’est aussi parce que Luka plante 42 points, 9 rebonds et 11 caviars. Godzingis n’a pas seulement changé de couleur de chasuble en débarquant dans le Texas, il est surtout devenu un lieutenant qui doit trouver sa place dans un collectif construit autour d’un gamin d’Europe de l’Est, autre que lui-même. La star locale a pris une dimension MVPienne cette saison puisque Doncic est actuellement le meilleur marqueur, rebondeur, passeur et intercepteur de son équipe (30,3 points, 10,1 rebonds, 9,2 passes et 1,4 interception) ainsi que deuxième des derniers Rankings de la course au trophée de MVP. Personne n’aurait pu anticiper un tel impact à 20 ans seulement et cela laisse inévitablement moins de place pour une autre superstar avide de possessions. Loin de jalouser son collègue slovène, Porzingis reconnait sans hésiter que Luka mérite tout l’attention qu’on lui donne et que c’est à lui de s’adapter, encore pour The Athletic :

“Luka tente de me trouver [sur le terrain, ndlr] et de m’impliquer autant que possible. Mais la plupart des matchs, on donne la balle à Luka et on le laisse faire […]. Vous voyez ce qu’il est en train de faire ? C’est remarquable.”

Pour s’habituer à tous ces changements, heureusement qu’il y a Rick Carlisle. Bien conscient que l’intégration d’un joueur habitué à être le point central d’une attaque sans fond de jeu digne de ce nom ne se ferait pas toute seule, le coach des Mavs a travaillé avec Porzingis pour retirer de sa palette ce qui ne sert à rien dans l’attaque des Mavs et y ajouter les atouts nécessaires : moins de jeu au poste et moins de tirs à mi-distance contre plus de tirs derrière l’arc et plus de pick-and-roll. Il faut bien dire que Luka Magic qui travaille autour d’un écran posé par KP, ça peut vite devenir une solution miracle sur chaque possession, si les deux coéquipiers perfectionnent ensemble cet art si délicat.

Lorsqu’on on constate que les Mavericks occupent actuellement la deuxième place à l’Ouest (15-6), derrière les Lakers et leur tandem de cyborgs, on ne peut qu’admirer le travail du front office de Dallas. Dans une Conférence saturée par les duos de stars (Lakers, Clippers, Rockets, Wolves, Blazers, et autres), Dallas fait figure d’exemple dans la gestion de ses deux joueurs phares. Les dirigeants ont réagi efficacement aux progrès fulgurants de Doncic, qui peut désormais prendre les commandes d’une équipe intelligemment construite autour de lui, et font preuve d’une patience dont les Knicks devraient s’inspirer pour le projet Porzingis. Et ce qui importe le plus au Letton, ce n’est pas d’avoir la gonfle sur chaque possession, c’est la gagne. En ce sens, on peut également admirer le professionnalisme du jeune joueur : du haut de ses 24 printemps, il débarque dans une équipe avec le statut de co-meilleur joueur mais il préfère humblement remodeler son jeu pour le bien du collectif et laisser les tickets shoot à un Slovène de quatre piges son cadet. On connait quelques égos qui n’ont pas réussi de telles prouesses (coucou Melo, ça faisait longtemps qu’on n’en avait pas placé une pour lui tiens).

Il ne reste plus qu’à espérer que Kristaps Porzingis soit récompensé pour son travail, qu’il trouve son rythme de croisière et commence à claquer quelques cartons en attaque. Si Dallas retrouve un Porzingod qui enchaine les ficelles et poursuit ses efforts dans les autres aspects du jeu, aligné avec Luka Doncic et des role players jusqu’à présent irréprochables, le reste de la NBA devra alors prendre les Mavericks plus au sérieux que les Lakers la semaine dernière. Attention, mesdames et messieurs, au réveil de la Licorne !

Source texte : The Athletic