La discrétion des Clippers face au bordel médiatique des Lakers : voilà ce qui a fait la différence pour récupérer Kawhi Leonard

Le 24 juil. 2019 à 11:32 par Bastien Fontanieu

lakers clippers
Source image : montage YouTube

Dans un excellent dossier réalisé sur The Athletic par Jovan Buha et Sam Amick, en triangle avec Shams Charania, les coulisses de la décision de Kawhi Leonard cet été ont été ouvertes. On y retrouve de nombreux détails croustillants, dont cet aspect fondamental qui a fait pencher la balance : la discrétion des Clippers face au brouhaha des Lakers. 

Voilà bien une info, ou plutôt un angle, qui pourrait rendre fou certains fans de la franchise aux 16 titres. Avec LeBron et AD déjà dans son équipe, la Laker Nation n’a pas à se plaindre. Et pourtant, il y a trois semaines, l’excitation était palpable car il existait un scénario assez incroyable à réellement prendre en compte. Kawhi Leonard, qui allait annoncer sa décision en tant qu’agent-libre, hésitait entre les Raptors, les Clippers et les Lakers. Disons qu’à partir du moment où tu es dans les trois derniers choix du MVP des dernières Finales NBA, il y a de quoi se frotter les mains. Le souci pour Rob Pelinka et sa clique ? C’est que Kawhi ne va pas choisir les Lakers. Il va s’entretenir avec eux, échanger différentes informations, demander en quoi cette franchise lui assurera le plus haut niveau de compétitivité sur la durée… et d’autres choses moins attendues. Comme, par exemple, un niveau de discrétion ultime. Pas de leak, pas de bordel médiatique, pas de circuit à pression maximale, comme certaines superstars aiment avoir tout au long de leur processus de décision. Le monstre aux mains difformes est un type un peu à part, ça on le sait déjà depuis quelques temps. Mais dans sa façon de fonctionner, Leonard n’a fait que confirmer cela. Dans une ère où on peut tout savoir sur les réseaux sociaux, avec des sources amateurs comme professionnelles qui capturent et partagent tout à l’instant, Kawhi se sépare de la norme. Poursuites en SUV ou pas, semi-informations leakées à droite à gauche ou pas, la semaine qui a précédé la décision de l’ex-Raptor a représenté une bulle incroyablement rare en terme de discrétion. Personne, et on dit bien personne, ne savait ce qui se passait en coulisses. Même les plus grands reporters de la planète orange étaient comme nous, dans l’attente. Et c’est notamment cela, ce respect du silence et d’un modèle de fonctionnement à part, qui a fait pencher la balance pour les Clippers. Story.

Le code du silence était une règle qui allait de soi.

Mais Leonard et ses représentants avaient mis les points sur les i dès le début : nous avons une certaine manière de conduire notre business, et nous voulons que cela soit respecté. Le camp de Kawhi posa donc ses questions et obtint ses réponses. Les détails partagés pendant les rendez-vous, du domaine personnel et privé des deux cotés, ne devaient pas sortir du groupe. Leonard promit cela à chaque équipe avec laquelle il discuta, et il attendait le même type d’attitude en retour, plusieurs sources ont indiqué à Shams Charania.

Tout au long de leurs multiples conversations pendant ce long procédé, il était clair pour les Clippers que la confiance, la discrétion et le respect étaient des éléments importants afin de construire une relation productive avec Leonard.

“Si vous vous foirez sur ces aspects-là, c’est fini pour vous, terminé,” a indiqué un membre du front-office qui a pris part au processus. “Ils ne l’ont pas dit mot pour mot, mais c’était le message qui était donné. C’était plus ou moins ceci : écoutez, nous apprécions un certain niveau de discrétion, donc gardez votre putain de bouche fermée.”

Du point de vue des Clippers, cela n’était pas un problème. La discrétion avait été leur style préféré bien avant que cette demande soit faite par le camp de Kawhi.

N’oubliez pas : les Clippers ont surpris la Ligue entière en transférant Blake Griffin en 2018 puis Tobias Harris en 2019. Il n’y a pas eu le moindre leak d’infos avant ces échanges. Le management des Clippers fait son travail dans l’ombre, de la même manière que Kawhi et son camp ont conduit leur business depuis l’arrivée du joueur en NBA en 2011.

Considérés par de nombreux membres de la Ligue comme étant la franchise qui était en pole-position pour récupérer Kawhi avant qu’il ne choisisse les Clippers, les Lakers fonctionnent notoirement de manière totalement différente, plutôt informelle.

Magic Johnson, qui a soudainement quitté ses fonctions de président des opérations basket en fin de saison dernière et a ensuite taclé la propriétaire Jeanie Buss puis le General Manager Rob Pelinka en antenne nationale quelques semaines plus tard, s’est dit qu’il était malin de dire publiquement que Dennis Robertson (l’oncle de Kawhi) l’avait appelé pour en savoir plus sur les Lakers, bien avant que la free agency ne démarre.

“Je crois vraiment que lorsque Magic s’est mis à dire aux médias qu’il avait eu un rendez-vous avec Kawhi et son oncle Dennis, c’était le clap de fin pour les Lakers,” a indiqué une personne au sein du processus. “Je crois que c’est à ce moment précis que Kawhi et Dennis se sont dit qu’ils ne pouvaient pas faire confiance aux Lakers en tant que franchise. Et que c’était terminé pour eux.”

Alors, bien évidemment, ce n’est pas tout noir ou tout blanc. On ne peut pas réduire la décision de Kawhi, de ne pas rejoindre les Lakers, à un simple Magic Johnson qui fait le pitre devant une caméra. D’autres éléments doivent être pris en compte. L’ombre imposée par LeBron, pour n’importe quel joueur qui évolue à ses côtés. Le type de jeu qui sera proposé par Frank Vogel, après avoir vu Doc Rivers réaliser un travail formidable avec ses Clippers la saison dernière. Staff médical, stabilité de la franchise, perspectives à venir et challenge sportif, autant de critères à ne pas zapper et doivent être conservés dans la salade. Sauf qu’au final, on ne peut le nier, cela n’a clairement pas joué en faveur des Lakers d’avoir autant de lumière sur eux, autant de casseroles à traîner et de grandes bouches à écouter. On adore LeBron pour sa confiance, son exubérance et sa communication exceptionnelle. On aime Magic, pour son sourire, ses punchlines et ses tweets. On peut apprécier cette ambition quotidienne, souvent perçue comme de l’arrogance, qui coule dans les veines des managers des Lakers. Mais si cela peut plaire à certains, cela n’était pas forcément le cas pour Kawhi. Faire les choses à sa façon, donc à l’ombre des gros micros et des caméras, telle était la priorité pour lui. Il ne fallait pas que cela se sache, que ses plans se dévoilent. Qu’il avait besoin d’une autre star à ses côtés, afin de garder sa 15-20aine de matchs loupés en saison régulière pour ensuite défoncer la concurrence en Playoffs. Et ça, au final, les Clippers ont su le respecter en gardant le plus possible leurs deux mains sur leur bouche. Quand il y avait zéro assurance, et que le Thunder était prêt à lâcher Paul George, les Clippers n’ont pas paniqué et ont leaké aucune info concernant un transfert qui a été littéralement précédé par un tremblement de terre. Quand il a fallu évoquer la possibilité de lâcher Shai Gilgeous-Alexander, alors que c’était la pépite du management et du coaching staff, personne n’a entendu son nom dans quelconque conversation ou source tout au long du début de la free agency. Voilà qui, in fine, a fait pencher la balance. Et permis, à Jerry West et sa clique, de changer la destinée de leur franchise à tout jamais.

De la même manière que les Nets en compétition avec les Knicks dans la même ville, les Clippers ont su avoir leur grand frère en tapant là où ça faisait mal. Oui, les Knicks et Lakers sont clinquants, historiques, et ce n’est pas demain la veille que Clippers ou Nets vont les rattraper sur cet aspect-là. Des milliers de basketteurs veulent porter ces deux maillots mythiques, car une riche histoire les accompagne. Mais des milliers ne veut pas dire tous les basketteurs. Et Kawhi Leonard, préférant la discrétion à la lumière, a fait un choix logique. Que la guerre commence dans la cité des anges. 

Source : The Athletic