Les terrifiantes coulisses des Lakers : pression et harcèlement sur le staff, dans un environnement de travail anxiogène

Le 28 mai 2019 à 18:36 par Bastien Fontanieu

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Bombe H sur Los Angeles. Pas la première, peut-être pas la dernière. Mais celle-ci a fait beaucoup de dégâts en l’espace de quelques heures. Reporter chez ESPN, Baxter Holmes a envoyé un dossier à scandales sur les coulisses des Lakers, une franchise dont le niveau de dysfonctionnement est tout simplement effarant depuis quelques temps. Partie 1, le staff.

C’est en détail que Holmes, qui couvrait avant les Celtics et s’est déplacé à Los Angeles il y a quelques années, s’est exprimé sur la franchise des Lakers. Un niveau de recherches, de sources, de liaison entre chaque élément trouvé et de rédaction qui nous laisse forcément bouche-bée, tant les accusations sont nombreuses et troublantes. Des accusations qui ne se basent pas sur du vent, puisque bon nombre de membres et ex-membres des Lakers se sont exprimés dans l’anonymat en coulisses, offrant à Baxter suffisamment de came pour créer une telle bombe. Cette première partie se penche sur le traitement du staff sous le règne de Magic Johnson et Rob Pelinka, un duo qui aurait gentiment semé la zizanie autant que la terreur dans les couloirs du Staples Center et des bureaux situés à El Segundo.

Plusieurs morceaux ont été récupérés dans le dossier en question, afin de cibler ce sujet pourtant souvent laissé de côté. Le staff des Lakers, donc tout le personnel qui bosse pour la franchise aux 16 titres. Près de 300 personnes, que ce soit proche comme loin du terrain, portant fièrement les couleurs jaune et violet en espérant bosser dans un cadre de travail digne de l’image de la franchise. Malheureusement, quand on voit le récit offert par Holmes et les témoignages recroisés au sein de celui-ci, ce qui ressemblait à un bel équipage solidaire et déterminé à bord d’un bateau mythique n’est en fait qu’une façade, laissant derrière elle une atmosphère sombre, quotidiennement oppressante et poussant même certains membres du staff vers des réactions extrêmes.

Premier exemple, ce rassemblement effectué à la fin de la saison 2016-17 et qui avait une double fonction. D’abord, mettre un point d’exclamation sur une campagne difficile, encore une passée à regarder les Playoffs à la télé. Puis, officiellement lancer l’ère nouvelle, celle sous Magic Johnson et Rob Pelinka. Recrutés quelques mois auparavant, le président des opérations basket et le General Manager vont très vite installer un cadre de travail qui a de quoi faire froid dans le dos. On range le sourire de Magic, et on sort le fouet avec les menottes.

Ce rassemblement était, pour Pelinka et Johnson, une première opportunité afin de s’adresser au staff des opérations basket dans un cadre plus formel, mais aussi la possibilité de faire une vraie impression concernant leur façon de manager l’équipe.

Dans ses remarques, Magic exprima son excitation concernant le challenge à venir, mais il fût également très clair sur le fait qu’il n’accepterait aucune excuse ni erreur de la part de qui que ce soit, et que ceux qui n’étaient pas d’accord avec ce nouveau management et leurs objectifs pouvaient prendre la porte sur le champ, selon six membres du staff qui étaient présents ce jour là.

Pointant son doigt vers l’étage du dessus, en direction de son bureau, Magic mena sa logique jusqu’au bout. Il avait un gros tas de CV traînant sur son bureau, “un millier” aurait-il dit selon plusieurs membres du staff, et il pouvait remplacer n’importe quel membre par une de ces candidatures.

“C’était choquant,” se rappelle un membre du staff des Lakers qui était présent ce jour-là. “Si vous voulez bosser dans ce business en particulier, vous mettez déjà énormément de pression sur vous. Vous n’avez pas besoin d’avoir davantage de pression, surtout venant de quelqu’un qui doit être votre allié.”

Le message de Magic, selon plusieurs membres du staff, donna le ton concernant son attitude conflictuelle pour les deux années à venir. “Si vous le remettiez en question sur quelque sujet qu’il soit, sa réponse avait toujours une nuance menaçante. Il utilisait l’intimidation et le harcèlement comme une façon de rappeler son autorité.”

Ambiance. Et encore, là on est sur les débuts de la relation entre Magic Johnson, Rob Pelinka et les autres membres des Lakers. On devrait donc se baser sur une lune de miel, un démarrage plutôt smooth que dans l’animosité. Mais il n’en fût rien, et le pire arriva par la suite. Prenant immédiatement leurs aises dans un rôle aussi troublant que répressif, Magic et Pelinka vont la jouer solo en s’isolant régulièrement de leur staff, sur des sujets qui demandent pourtant l’avis de tout le monde. Et l’image qui va en découler va détruire l’aura des Lakers construite sur plusieurs décennies.

Selon une vingtaine de membres du staff, actuels ou anciens, allant des postes d’exécutifs situés dans des suites à ceux bossant dans des open-space, en plus de sources au sein de la Ligue et d’autres personnes proches de l’équipe, les Lakers menés par Johnson et Pelinka étaient noyés dans le dysfonctionnement, que ce soit sur comme en dehors des terrain. Ces sources, qui ont eu peur de représailles et n’ont pas été autorisées à s’exprimer publiquement, décrivent Pelinka et Johnson comme des managers qui recrutaient des agents-libres de manière unilatérale, qui engendraient une série d’amendes et d’investigations pour manipulations, qui réprimandaient les membres de leur staff dont Luke Walton, et qui créaient une culture en interne que de nombreux membres ou ex-membres de la franchise de longue date considèrent comme marginalisant leurs collègues, inspirant la peur, menant à des sentiments d’anxiété suffisamment importants pour que deux membres soient victimes de crises de panique.

Ou, comme une ex-star des Lakers l’a partagé en privé, “c’est complètement fou par ici.”

Là, ça commence à devenir tendu. Et cette attitude globale véhiculée par le duo Pelinka-Johnson va forcément mener à des décisions drastiques, notamment concernant la longévité des membres du staff et la sécurité de leur emploi. Que la pression soit grande en bossant dans les coulisses de la NBA, c’est une chose. Surtout chez les Lakers. Mais que les réflexions volcaniques donnent lieu à des décisions peu moulinées et provoquent un turnover flippant au sein de la franchise, c’en est une autre. Et malheureusement pour bon nombre de personnes voulant continuer à bosser pour l’armée aux 16 titres, les changements vont s’opérer à un rythme alarmant. Tu fais tes affaires, désolé, merci, au revoir.

Comme Johnson et Pelinka l’avaient annoncé, du changement allait vite avoir lieu. Au moins une vingtaine de membres de la franchise furent virés, un total qui inclut les gens travaillant dans les opérations basket, mais aussi le coaching staff, les assistants du département athlétique, ceux du département analytique, ceux du département administratif, ceux du département des équipements et l’entraîneur principal spécialisé dans le physique.

Dans le guide officiel des Lakers pour la saison 2016-17, on peut retrouver 72 membres du staff qui ne font pas partie des propriétaires. Ce total n’inclut pas les joueurs, les pom-pom girls, les membres de la sécurité, les ramasseurs de balles, les stagiaires, les consultants venant de l’extérieur, les commentateurs, les joueurs et entraîneurs de l’équipe de G-League, parmi tant d’autres. Ce total n’inclut pas non plus les six membres de la famille Buss situés à différentes positions au sein de la franchise. De ces 72 membres du staff, au moins 27 ne sont plus dans la franchise au moment où ces lignes sont écrites, soit un pourcentage de turnover de 37,5%.

Plusieurs exécutifs dans différentes franchises NBA, dont des General Managers, ont été surpris de voir autant de départs, même pour une franchise souhaitant réaliser de nombreux changements en interne.

“C’est comme si vous disiez que personne est bon par ici,” souligna un exécutif rival.

Ce qui nous mène directement au témoignage le plus poignant de ce dossier, ou plutôt un double-témoignage. Acceptant justement de s’ouvrir à Baxter Holmes, deux membres du staff des Lakers ont détaillé leur quotidien dans la franchise et ouvrent une porte des plus glauques, celle d’un endroit capable de vous emmener dans les profondeurs les plus dangereuses du monde du travail. Tout ça, pendant que la grille à l’entrée rayonne et rappelle le nombre de trophées accumulés au fil des années. La pression, ça peut aussi mener… à la dépression.

Cette série de changements augmenta la charge de travail pour plusieurs membres du staff. Et dans un cas particulier en 2017, une femme présente depuis longtemps au sein de la franchise fût appelée dans le bureau de Magic et Pelinka, après avoir effectué une erreur, le confirment plusieurs membres du staff qui étaient présents à ce meeting ou ont entendu parler de cette histoire. L’erreur en question, selon plusieurs sources, concernait un service de location de voitures utilisé pour faciliter l’arrivée d’un prospect de la Draft dans les salles d’entraînements des Lakers.

“Je ne supporte pas les erreurs !” lui cria Magic Johnson. “Je ne fais pas d’erreur.”

Magic fût très clair, selon plusieurs sources présentes pendant cet échange, qu’une nouvelle erreur provoquerait son licenciement.

Dans ce bureau, la membre du staff s’excusa puis, hors de cette salle, se mit à pleurer, selon plusieurs personnes ayant vécu cette scène. Dans les mois qui suivirent, elle souffrît d’anxiété augmentée et fût victime de plusieurs crises de panique. Un médecin lui prescrit des médicaments anxiolytiques, elle quitta les Lakers après plus de deux décennies au sein de la franchise, puis commença plusieurs semaines de thérapie, se souviennent diverses personnes proches de la situation. Elle donna sa lettre de démission le 18 décembre 2017, le jour où Kobe Bryant vit ses deux maillots retirés au plafond du Staples Center.

Un membre du staff exécutif des Lakers souffrît également de crises de panique, et dût lui aussi se faire prescrire des anxiolytiques. “Chaque jour, vous allez au travail et vous avez ce sentiment horrible d’anxiété. Cette année passée, je ne peux pas vous dire le nombre de crises de panique que j’ai pu avoir à cause de la merde qui se passe en coulisses.”

Aujourd’hui, Magic Johnson n’est plus là, Luke Walton non plus, mais Jeanie Buss et Rob Pelinka sont toujours en place. Que reste-t-il d’actuel dans ces témoignages poignants, dans quel environnement les membres du staff des Lakers bossent-ils ? Les coulisses ont été ouvertes et ne pourront pas être refermées, c’est à la franchise de se mettre à tout nettoyer. Le chantier est colossal.

Source : ESPN – Baxter Holmes