Les “Presque Connus” : hello Bill Chamberlain, ou quand la réincarnation oublie de faire son taff

Le 16 déc. 2018 à 12:23 par Victor Pourcher

Bill Chamberlain
Source image : Alchetron

Nouvelle rubrique sur TrashTalk, on s’intéresse désormais aux “presque connus”, ceux qui sont passé à une voyelle d’une carrière de Hall Of Famer. Pas encore de LePron James ou de Kobite Bryant, mais les histoires que vous allez lire sont tout aussi croustillantes. Allez, let’s go.

Croyez-vous en la réincarnation ? Pensez-vous que ceux qui s’en vont ne le font pas vraiment, qu’ils restent ou que leur talent perdure après leur départ, comme une sorte de passage de témoin inexplicable, comme si la vie ne voulait pas qu’un cadeau de la nature ne s’en aille si rapidement ? Imaginez un seul instant que les dieux du basket puissent assurer une telle transmission, et quels joueurs fouleraient aujourd’hui les parquets de la Grande Ligue. Bah non, ça marche peut-être ailleurs, mais pas en NBA. Parce que c’est bien beau tout ça mais nous, on a décidé de vous parler de Bill Chamberlain. Oubliez Wilt et ses 100 points, ses rebonds par milliers et sa domination outrageuse : saluez plutôt ce bon vieux Billou, son nom de famille prestigieux et… et bah c’est déjà pas mal. 

New York est une probablement l’une des cités les plus fantastiques de la planète. Véritable machine à rêves et à opportunités, elle grouille de personnages uniques et ouvre aux rencontres fabuleuses à toute heure. La ville qui ne dort jamais. Sauf que, croyez-nous sur parole, à force de ne pas pioncer, on finit par dire et faire des conneries. Et il y a 69 ans jour pour jour, le 30 décembre 1949, Big Apple a eu un nouveau pépin. En ce jour, un fier petit bonhomme naît dans le Long Island, à New York, et le destin l’a doté du nom, ô combien troublant, de Bill Chamberlain. Le patronyme c’est bon… Gégé, tu lui as mis la technique au petit ? Non ?! Ah, bah tant pis, c’est livré ! Jeune, le petit Billou se passionne pour le basketball (tu m’étonnes) et n’est visiblement pas si mauvais vu sa carrière future. Entendez-vous, traversant l’espace et le temps, les cris impressionnés de ses potes sur chacune de ses actions sortant de l’ordinaire ? Mais si, tendez l’oreille et savourez certaines des conclusions les plus hâtives de l’histoire, à base de rapprochements douteux entre nom et talent, comme avec ce pote de collège, Michel Jordane ou Raymond Allène, qui avait planté un 3-points dans la cour de récré entre midi et deux.

Le fait est que notre Bill Chamberlain semble tout de même avoir un certain niveau. Après un tour dans l’équipe du lycée du coin de Long Island Lutheran, à Brookville, petite bourgade de NYC, Billou s’en va faire ses armes de jeune basketteur dans la prestigieuse université de North Carolina. Et franchement, pas grand-chose à dire si ce n’est que le parcours universitaire du garçon est tout à fait honnête. Entre 1969 et 1972, le jeune ailier se débrouille bien avec 12,4 points, 6,2 rebonds et 2,5 assists de moyenne. Mais ce n’est pas tout, puisque Bill Chamberlain repartira avec le titre de MVP du National Invitation Tournament en 1970-71, un tournoi sur invitation (c’est dans le nom, mais vous remarquerez que les noms peuvent être trompeurs…) organisé par la NCAA. Il participera même au Final Four en 1972, aux côtés du grand Bob McAdoo, qui sacrera l’équipe de UCLA, emmenée par un certain Bill Walton, le père de Luke mais sans cape noire ni voix d’asthmatique. Wilt Chamberlain pendant ce temps-là ? Aux Los Angeles Lakers depuis 1968, ses 23 points et 24 rebonds de moyenne sur la série n’avaient pas suffi pour venir à bout du duo Willis Reed – Walt Frazier des Knicks de 1970, et Kareem Abdul-Jabbar stoppait sa route en Finales de Conférence 1971 au terme d’un duel de titans. Mais il décide, accompagné de Jerry West, Gail Goodrich et Pat Riley, d’aller prendre sa revanche en devenant champion NBA et en détruisant (19 points et 23 rebonds par match) ses anciens bourreaux de NYC ainsi qu’un Phil Jackson dans la fleur de l’âge. Phil et Pat, toujours dans les bons coups. D’ailleurs, c’est sympa tout ça, mais il faut passer aux choses sérieuse pour notre Bill Chamberlain : le monde professionnel.

L’été 1972 : les jeunes années pour certains, encore le néant pour les jeunes (comment ça c’est vieux 46 ans ?) et la période de la draft pour Bill Chamberlain. Poste : ailier. Taille : 1m98. Poids : 85kg. Provenance : Université de North California. Les scouts ont fait le job, on peut y aller. Après LaRue Martin en n°1 (pas de vanne, que de l’info), les noms défilent : son pote Bob McAdoo part aux Buffalo Braves en n°2, Julius Erving en 9, choisi par les Milwaukee Bucks, alors qu’il faudra attendre le troisième tour et la 43ème place pour voir les Golden State Warriors s’emparer du sosie orthographique de Wilt. Mais comme Julius The Doctor Erving, c’est en ABA que Bill Chamberlain part s’aguerrir, d’abord aux Memphis Tams puis aux Kentucky Colonels. Là-bas, Billou ne jouit que d’un temps de jeu faible (13 minutes en moyenne) et produit des stats que l’on pourrait qualifier de… et produit des stats : 5,2 points, 2,4 rebonds et 1,5 assist. Mais on y croit, ce n’est que le début ! Au terme de la saison 1972-73, Wilt Chamberlain, l’original, met un point final à sa carrière NBA. Les fans pleurent, les filets sont en berne (comme toujours, mais là plus que d’habitude) et même les balles oranges lâchent une petite larme après avoir été si bien dorlotées durant tant d’années.

Mais la vie n’est qu’un cycle, l’histoire sait être belle et la prophétie s’accomplit enfin : dès le mois d’octobre suivant, Bill Chamberlain, l’ailier au nom divin, tradé entre-temps à Phoenix (contre un troisième tour de draft, mais chut), foule les parquets NBA pour la première fois pour succéder à son homonyme. Tout est prêt pour que le destin d’un nom perdure, c’est l’heure du grand saut dans le vide ! Vous savez ce qui caractérise un grand saut dans le vide ? Non, pas les sensations : la chute libre et l’atterrissage violent. Car pour Billou en NBA, ce ne sont que 28 petits matchs à 13 minutes de moyenne pour 5,5 points, 2,9 rebonds et 1,3 passe. Allez, on est sympa, on note une pointe à 19 points contre Cleveland, le 9 mars, parce que… Parce que pourquoi pas. Et c’est ça, finalement, la carrière de Bill Chamberlain : un immense “pourquoi pas” lancé en l’air, un gars avec quelques qualités et un nom qu’il n’a pas choisi, bien trop grand pour lui. Oui, la fin de l’histoire est brutale (comme celle de sa carrière), et si vous êtes déçu c’est que vous aviez vous aussi, quelque part, un peu envie d’y croire.

La preuve que dans le presque connu le terme “presque” est plus important que “connu”, même si notre ami Bill avait peut-être les qualités pour voir sa carrière décoller un peu plus que ça. L’héritage du nom était sans doute trop lourd, mais l’erreur est aujourd’hui réparée, Bill Chamberlain a – enfin – eu sa tribune d’honneur.