Draft 2014 : les multiples enjeux de la folle soirée qui nous attend
Le 26 juin 2014 à 19:14 par Alexandre Martin
Dans quelques heures, la 68ème Draft NBA se tiendra au Barclay’s Center de Brooklyn. Cette “grand messe” des general managers, des scouts, présidents et autres propriétaires ou dirigeants de la Grande Ligue promet d’être passionnante tant la cuvée 2014 est prometteuse et tant de nombreuses franchises anticipent depuis des mois, voire des années, afin de profiter de ce 26 juin 2014 pour reconstruire ou continuer les efforts de reconstruction déjà fournis.
Mais attention, même si le millésime 2014 fait déjà couler des filets de bave de la bouche de nos chers GMs et même si certaines équipes se sont sérieusement armées en terme de nombres de choix – Philadelphie en 7 par exemple ! Minnesota et Phoenix en ont 4 – la Draft reste un “jeu” difficile car le “scouting” est très loin d’être une science exacte ce qui nous confère chaque année un bon lot de surprises, de déceptions, de confirmations, de coup de tonnerre ou de trades de dernière minute. Tous ces événements et cette incertitude ambiante font toute la saveur de cette soirée particulière dont les décisions peuvent s’avérer tellement déterminantes pour la saison à venir, voire la dizaine de saisons à venir, dans le bon comme dans le mauvais sens…
Alors comment drafter ? Voici une question que se posent tous les dirigeants NBA qui vont devoir trancher lors de la nuit prochaine. Vaut-il mieux choisir le meilleur joueur encore disponible ou faut-il sélectionner un rookie qui correspond à certains besoins identifiés dans le roster ? Il n’y a évidemment pas une seule et unique réponse à ce genre de question car beaucoup de facteurs rentrent en ligne de compte au moment d’annoncer son “pick”.
Grosse pression sur le first pick…
Avec leur premier choix, les Cavaliers devraient-ils se jeter sur Joel Embiid – malgré sa blessure au pied – tout simplement parce que l’opportunité de récupérer un tel pivot ne se présente pas très souvent ? Comment les Sixers doivent-ils gérer leurs 7 choix ? Quel genre de miracle les Spurs peuvent-ils encore accomplir avec des choix très bas dans cette Draft ? Que peuvent tirer les Knicks de cette soirée avec aucun pick au premier tour ? Enfin bon, il est clair que ce sont tout de même les équipes ayant l’honneur de drafter dans les cinq premières qui ont le plus de pression aussi bien médiatiquement que sportivement. Cette année, nous avons Cleveland en 1, Milwaukee en 2, Philadelphie en 3, Orlando en 4 et Utah en 5. Cinq équipes qui sont dans des situations différentes mais qui ont toutes les trois un point commun : un exercice 2013/2014 d’un niveau extrêmement faible.
Dans l’Ohio, Dan Gilbert et son staff sont des habitués du premier choix puisque ce sera la troisième fois sur les 4 dernières Drafts qu’ils choisissent en premier ; ce sera même leur cinquième choix dans le top 5 sur ces 4 dernières Drafts ! Et on ne peut pas dire que les Cavs ont toujours été les mieux inspirés au moment de sélectionner les rookies. En 2011, avec Kyrie Irving en n°1 et Tristan Thompson en n°4, Cleveland a très bien géré et superbement fait repartir une équipe devenue moribonde depuis le départ de qui vous savez. Ensuite, en 2012, les Cavs prennent Dion Waiters avec leur pick n°4. On peut comprendre, Cleveland voulait apporter une autre solution au scoring extérieur pour épauler Kyrie le prodige. Ils auraient tout aussi bien pu tenter de recruter un jeune ailier pour leur poste 3 qui était (et est toujours) aussi vide que le compte en banque d’Antoine Walker. Ils ont pris – le tout aussi talentueux qu’irrégulier – Dion Waiters en n°4 donc, dans une Draft où Harrison Barnes et Terrence Ross ont respectivement été choisis en 7 et en 8 pendant que Detroit récupérait tranquillement Andre Drummond en neuvième position… Il est toujours plus facile de juger la qualité d’un rookie avec quelques années de recul mais le cas de Cleveland dans la Draft 2012 montre bien toute la complexité qui entoure la sélection d’un jeune débarquant de l’université. Parfois, il suffit de seulement quelques mois pour se rendre compte qu’une équipe s’est bien trompée avec son premier choix. L’année dernière, la franchise de Dan Gilbert a pris Anthony Bennett avec son premier choix. Un bon gros bide (aucun rapport avec le léger surpoids de l’ancien de l’Université du Nevada), un mauvais choix certainement guidé par l’idée que Bennett peut jouer au poste 3 et donc aurait pu solutionner le manque d’option des Cavs sur ce poste. Un mauvais choix certainement également influencé par le fait qu’il n’y avait aucun prospect qui semblait se détacher du lot en terme de talent. Enfin, finalement, avec deux choix n°1 et deux choix n°4 sur les trois dernières Drafts, Cleveland se retrouve avec un vrai grand joueur en devenir en la personne de Kyrie Irving, un intérieur tout à fait correct : Tristan Thompson et deux joueurs au talent certain mais qui ne feront probablement jamais vraiment de différences pour les Cavs… Comme quoi, avoir de la chance à la loterie ne garantit en rien la qualité du rookie qui va débarquer dans le roster. Du coup, aujourd’hui, Dan Gilbert et son GM David Griffin sont en train de retourner le problème dans tous les sens : que faire avec ce choix numéro 1 ? Prendre Andrew Wiggins et assurer l’avenir au poste 3 ou prendre Joel Embiid, attendre patiemment qu’il revienne de blessure pour le voir former avec Irving un duo meneur-pivot qui pourrait faire des ravages sont les deux principales options qui s’offrent aux Cavs, à moins qu’ils ne surprennent tout le monde en échangeant ce premier choix contre un joueur star qui aura un impact immédiat (Kevin Love par exemple…) et ce ne sont pas les propositions qui manquent !
Et sur le Top 5 en général
Milwaukee finalement, avec son choix numéro 2, a beaucoup moins de questions à se poser que Cleveland. Les Bucks se sentent très costauds à l’intérieur avec John Henson, Larry Sanders, Zaza Pachulia et Ekpe Udoh. Ils vont donc clairement s’orienter vers un Andrew Wiggins ou un Jabari Parker sans trop d’hésitation et en fonction aussi de ce que feront les Cavs avant eux car si l’un des deux favoris des Bucks est déjà pris, leur choix risque de se faire très vite même si quelques rumeurs circulent… L’enjeu est clair pour les dirigeants de Milwaukee : amener du talent dans ce roster qui en manque cruellement.
Du côté de Philadelphie, on sent bien que la réflexion est beaucoup plus profonde et tourmentée que dans le Wisconsin. Déjà, Sam Hinkie se retrouve avec 7 choix dans cette Draft : 2 au premier tour (les n°3 et 10) et 5 au deuxième tour (n°32, 39, 47, 52 et 54) ! C’est beaucoup, beaucoup trop même ! Bien évidemment, les Sixers vont proposer plusieurs de ces choix – notamment ceux du deuxième tour – dans l’espoir de récupérer des joueurs d’expérience ou des tours de Draft pour les éditions à venir. Le front office de la franchise de Pennsylvanie va donc être très actif tout au long de cette soirée mais c’est au tout début qu’il devront véritablement trancher. Si Cleveland ne prend pas Joel Embiid, il y a de fortes chances pour que Milwaukee fasse de même. Dans ce cas, Sam Hinkie va-t-il, lui, prendre le risque Embiid ? D’autant plus que cela voudra probablement dire que Wiggins ET Parker auront été choisis. Cela pourrait bien être tentant pour les Sixers car une paire d’intérieurs Nerlens Noel – Joel Embiid avec Michael Carter-Williams à la baguette, c’est jeune mais c’est très talentueux et plein d’avenir si les blessures laissent ces gars tranquilles. En tous cas, ESPN rapportait récemment que les Sixers ne laisseraient pas passer Embiid si l’occasion leur est donnée de le drafter d’autant plus qu’Hinkie et sa bande ont également le choix numéro 10 et, dans une Draft d’un tel niveau, le rookie choisi en 10ème position peut être un futur très grand ! Ce dixième choix peut aussi devenir une monnaie d’échange de grande valeur pour récupérer un joueur confirmé…
En quatrième position, le Magic s’attend à ne pas pouvoir drafter Andrew Wiggins, Joel Embiid ou Jabari Parker. Les Floridiens sont donc en train d’hésiter entre Marcus Smart et Dante Exum. Deux arrières, plutôt meneurs, qui pourraient former une paire très intéressante avec Victor Oladipo qui, lui, pourrait alors s’éclater au poste 2. A moins qu’Orlando ne prenne tout le monde à revers et choisisse finalement un Julius Randle ou un Noah Vonleh afin de renforcer sa front-line et offrir à Nikola Vucevic le complément dont il a besoin pour faire de la raquette du Magic une véritable arme. Il est tout de même probable qu’Orlando sélectionne un des deux meneurs de talent que sont Smart ou Exum. La plupart des mock drafts prévoit de voir le Magic prendre l’Australien Dante Exum avec leur choix n°4 pour profiter de sa finesse technique, de sa taille et de son potentiel à la mène pour replacer Oladipo à son vrai poste aux côtés d’un vrai meneur (prends ça Jameer Nelson) mais l’idée d’une paire Oladipo – Smart – qui serait alors certainement la plus athlétique et la meilleure défensivement de la ligue – peut tout à fait faire son chemin dans la tête de Rob Hennigan, le GM de la franchise de Disney. Là encore, on se rend bien compte de la complexité de drafter sur ce genre de position dans une cuvée aussi relevée en talents. Orlando a deux gros besoins : un meneur de talent ET un intérieur complet pour épauler le pivot Vucevic. Non pas qu’Andrew Nicholson ou Tobias Harris ne soient pas de bons joueurs mais ils sont plus des combo-forwards que de vrais ailiers forts. Le plus gros potentiel disponible en n°4 sera sûrement Dante Exum mais Orlando ne manque pas de jeunes et doit aussi réfléchir en terme d’impact immédiat dans la ligue.
Dernière franchise à choisir dans le Top 5, le Jazz est resté plutôt discret sur ses intentions. Les Mormons sont contents de leur meneur Trey Burke, drafté il y a un an. Ils ne vont donc certainement pas avoir l’ambition de récupérer Dante Exum ou Marcus Smart. Le Jazz a plusieurs problématiques à gérer. Premièrement, il n’est pas sûr de réussir à faire rester son très prometteur arrière/ailier Gordon Hayward qui va être agent libre “restrictif” dans quelques jours et ensuite, il y a de vraies interrogations quant au réel potentiel de Derrick Favors qui a beaucoup déçu depuis la signature de son gros contrat l’été dernier. Un poste 3 comme Wiggins ou Parker aurait été le rookie parfait pour le Jazz mais aucun de ces deux joueurs ne descendra aussi bas dans cette Draft. Il est donc fort probable de voir Utah tenter sa chance sur un joueur tel que Julius Randle ou Noah Vonleh (voire Aaron Gordon) pour amener de la concurrence intérieure de talent, ou bien carrément pour essayer de trader le décevant Derrick Favors contre un poste 3 qui viendrait compléter la cinq majeur.
Enfin, ce n’est pas parce que les franchises qui vont avoir le bonheur de choisir dans les 5 premières ont la plus grosse pression que les autres n’en ont pas… Les Celtics et les Lakers – qui vont choisir respectivement en 6ème et 7ème positions – misent beaucoup sur cette Draft pour lancer leur reconstruction et faire en sorte qu’elles soient les plus courtes possibles. On sait que la Maison Verte adorerait surtout faire venir Kevin Love mais on ne sait pas trop quel genre de rookie Danny Ainge a vraiment envie de voir intégrer le roster. On a parlé, pendant un moment, d’un intérieur solide pour épauler Jared Sullinger mais 6ème c’est trop bas pour espérer Embiid, même avec l’annonce de son opération du pied qui le rend indisponible pour plusieurs mois. Reste alors nos amis Randle et Vonleh, si Orlando et Utah n’ont pas tout pris avant. Dans ce cas, Ainge pourra tenter de se consoler avec un arrière de talent à associer avec Rajon Rondo. Les Celtics sont encore loin d’être compétitifs et ce choix n°6 les empêche de pouvoir bien anticiper car ils sont trop tributaires des choix des franchises qui les précèdent.
Très difficile de savoir ce que vont faire les Lakers avec leur choix n°7. On les sait très excités par la Free Agency (Carmelo Anthony, Lebron James) qui s’annonce, elle aussi, pleine de belles opportunités. On les sait très motivés à l’idée d’entourer Kobe Bryant d’une vraie grosse équipe tout de suite ce qui implique de faire venir des joueurs confirmés voire des stars et ce qui voudra donc dire, au final, que les Lakers vont se servir de choix comme d’une monnaie d’échange.
Il faudra également surveiller le comportement de franchises comme Minnesota, Phoenix et Chicago. Les Wolves ont 4 choix dont un au premier tour (n°13), les Suns ont également 4 choix mais 3 au premier tour (14,18 et 27) pendant que les Bulls n’ont que deux choix mais tous deux au premier tour (16 et 19). Ces trois équipes vont être au centre de négociations autour de ces choix de Draft pendant toute la soirée. Chicago veut se renforcer sérieusement et est prêt à mettre ses choix dans la balance. Minnesota et Phoenix ne vont pas drafter 4 rookies lors de cette cuvée, c’est une certitude. Des échanges sont donc à attendre, des surprises quant au choix des rookies également car il va y avoir des joueurs d’excellente qualité comme Doug McDermott, Nick Stauskas, Shabazz Napier, Adreian Payne ou Zach LaVine, récupérables autour de la 15ème place…
Les enjeux d’une Draft sont toujours capitaux et plus la cuvée est de qualité plus le niveau de ces enjeux grimpe. Cette année, comme en 2003, en 1996 ou en 1984, il y a vraiment plusieurs joueurs (entre 3 et 6) potentiellement capables de changer la destinée d’une franchise. Les GMs le savent depuis un moment et ont donc eu tout le temps pour acérer leurs couteaux, pousser au maximum leur scouting et affiner les éventuelles propositions qu’ils vont pouvoir faire à leurs homologues. Le compte à rebours est lancé, Adam Silver va présenter sa première Draft dans quelques heures. La rédaction de TrashTalk sera d’ailleurs aux commentaires pour vous faire vivre cette nuit de folie en live avec toutes les analyses, les punchlines et les cafés que cela implique.
Source image couv : standingosports.com