Jerry West aux Grizzlies, un épisode oublié de sa carrière de General Manager

Le 12 juin 2024 à 20:59 par Julien Vion

Jerry West 12 juin 2024
Source image : YouTube

Jerry West, décédé ce mercredi 12 juin, doit sa notoriété à ses formidables prouesses à la fois sur les parquets NBA et derrière les bureaux. Mais au-delà de ses sublimes années à construire les Lakers, son passage chez les Memphis Grizzlies est souvent oublié, malgré son lot de succès.

Entre le début des années 1980 et l’an 2000, Jerry West s’est fait un nom en tant que General Manager à la tête des Los Angeles Lakers. Au-delà de son formidable été 1996, où il récupère Shaquille O’Neal et Kobe Bryant (la bagatelle), ou la construction du Showtime, le logo n’a pas connu que le feu des projecteurs. Un peu plus à l’est que la cité des anges, West a grandement contribué à placer les Memphis Grizzlies sur la carte. Retour sur son aventure au pays des oursons.

Des palmiers de Malibu au Tennessee

A l’issue de la saison 1999-00, le monde du basket subit un petit séisme quand Jerry West quitte les Purple and Gold où il officiait en tant que dirigeant depuis presque deux décennies. Pendant ce temps, loin des caméras et des palmiers, les Vancouver Grizzlies entament leur sixième saison NBA dans l’anonymat le plus total. Pire, c’est plutôt dans la médiocrité que Shareef Abdur-Rahim et ses coéquipiers jouent depuis la création de la franchise en 1995.

Si les mauvais résultats donnent des bons choix de draft, comme la sélection de Pau Gasol, les oursons sont bien bloqués dans leur grotte. Sur fond de mauvaise gestion et d’audiences catastrophiques, la franchise organise un grand déménagement de Vancouver à Memphis à l’été 2001, mais le futur n’a pas l’air brillant.

A la fin de la saison 2001-02, les Grizzlies fêtent leur arrivée dans le Tennessee avec le meilleur bilan de leur histoire, c’est-à-dire… 23 victoires pour 59 défaites. Sympa. Mais c’est le moment choisi par Jerry West pour faire un comeback inattendu en tant que dirigeant. L’objectif est clair, que le monde du basket apprenne à connaître l’uniforme bleu clair et blanc.

“Après avoir participé au succès des Lakers pendant tant d’années, je me suis toujours demandé ce que ça ferait de construire une franchise gagnante là où l’on n’a pas connu beaucoup de succès. Je veux contribuer à changer les choses.” – Jerry West, le 30 avril 2002

On this day in 2002, the Grizzlies hired Jerry West as the President of Basketball Operations. pic.twitter.com/h92TnmfszV

— Grizzlies History (@Grizzstory) April 30, 2023

La tâche s’annonce ardue, mais le General Manager va enchaîner les coups de maîtres.

West ne perd pas le nord, les Grizzlies en pleine restructuration

Sidney Lowe, coach depuis plus de deux saisons, débute l’année en 0-8 et démissionne dès le mois de novembre. Quoi de mieux qu’une telle entame pour commencer un mandat de GM ?

Pour le remplacer, Jerry West fait le choix Hubie Brown, ancien coach notamment passé par les Hawks et les Knicks. Néanmoins, le choix de West est très critiqué puisque Brown, 69 ans, n’a plus coaché en NBA depuis la saison… 1986-87, il y a plus de 15 ans. Les sourcils se lèvent également quelques mois plus tard quand le GM envoie Drew Gooden, pourtant tout juste sélectionné avec le 4e choix de la Draft 2002, à Orlando contre un package autour de Mike Miller. Le joueur raconte quelques années plus tard que West lui avait pourtant promis que ça n’arriverait pas. Pas le temps de tergiverser.

Si le bilan de 28-54 n’est pas des plus brillants, des bases ont été posées pour l’avenir, et Jerry West n’a pas terminé ses bricoles. A l’intersaison, il s’attache les services de James Posey, ancien ailier des Nuggets qui sort d’une expérience compliquée avec les Rockets.

On this day in 2003, the Grizzlies signed James Posey to a 4 year/$23M deal. pic.twitter.com/3L4TGcgSgR

— Grizzlies History (@Grizzstory) August 9, 2023

Seule ombre au tableau, à laquelle Jerry West ne peut rien, la Draft 2003 est l’une des plus fournies de l’histoire. Malheureusement pour le GM, l’ancien management avait échangé leur pick quelques années auparavant pour Otis Thorpe. Résultat, Memphis obtient le 2e choix mais… doit le céder aux Detroit Pistons. Comme une maxime de l’ère West aux Grizzlies : la vie suit son cours, on fait avec ce qu’on a.

Avec une base composée de Jason Williams et Mike Miller sur les lignes arrières, et la nouvelle paire James Posey – Pau Gasol, les oursons ne sont pas une équipe monstrueuse sur le papier. Pourtant, la saison 2003-04 s’avère rapidement la plus belle de la jeune histoire de la franchise.

Les Memphis Grizzlies enfin sur la carte, bonjour les Playoffs

Qu’est-ce qui est fun, sympa à regarder et qui gagne un paquet de matchs ? Ne cherchez pas plus loin, ce sont les Grizzlies version 2003-04. Le groupe d’Hubie Brown, de très loin le plus vieux coach de NBA, donne raison aux coups de joueur d’échecs de Jerry West et s’impose comme la darling de la saison. Mais plus qu’une darling, les Grizzs sortent bien les griffes.

A la mène, la franchise fait confiance à Jason Williams pour dynamiter la pace grâce à ses coups de folie et  sa créativité. White Chocolate est parfaitement épaulé par le sniper Mike Miller tandis que le choix James Posey s’avère également payant puisque sa saison lui vaut une nomination sur le podium du trophée du Most Improved Player. Au milieu de cette joyeuse bande, Pau Gasol sert de plaque tournante des deux côtés du terrain. Le 7 avril 2004 face aux Cleveland Cavaliers, James Posey envoie 35 points pour décrocher la 50e victoire de la saison. Pour la première fois de l’histoire, Memphis part en Playoffs.

Si Hubie Brown est récompensé par le trophée de Coach de l’année, Jerry West est également consacré et empoche l’Executive of the year pour la deuxième fois de sa carrière. En à peine deux saisons, il a retourné le destin de la modeste franchise avec les moyens du bord. Si c’est peut-être un de ses accomplissements les moins connus, il reste de taille.

Jerry West as a player (All with the Lakers):

🔸NBA champion (1972)
🔸NBA Finals MVP (1969)
🔸14x NBA All-Star
🔸12x All-NBA Team

Jerry West as an executive:

🔸 8x NBA champion
🔸 2x Executive of the Year
🔸 Drafted Klay Thompson and Draymond Green
🔸 Traded for Kobe Bryant… pic.twitter.com/YxEdKe1Y78

— ClutchPoints (@ClutchPoints) June 12, 2024

Car les saisons suivantes, les Memphis Grizzlies s’imposent comme une équipe qui gagne sur le long-terme. Ce sont 45 puis 49 succès qui sont atteints par Hubie Brown puis Mike Fratello. Pau Gasol est nommé All-Star, Mike Miller sixième homme de l’année, et la franchise enchaîne trois apparitions en Playoffs consécutives. Cinq ans auparavant, on parlait – de loin – de la pire équipe de la ligue.

Néanmoins, les trois campagnes de post-season se terminent toutes en sweep. Après la retraite de Brown et les départs de Posey ou Williams, la magie cesse d’opérer et les Grizzlies retournent dans les bas-fonds de la ligue. La saison 2006-07, mal commencée à cause d’une mauvaise blessure de Pau Gasol, est ratée de bout en bout. Jerry West arrive à la fin de son contrat de General Manager, et profite de l’occasion pour stopper ses activités.

“Je ne suis plus tout jeune” – Jerry West, 68 ans, le 17 avril 2007

Les Memphis Grizzlies ne goûteront plus aux Playoffs avant la saison 2010-11. West s’était tout de même attaché à sélectionner Kyle Lowry au 24e rang de la Draft 2006 et a récupérer Rudy Gay dans un trade le même été. Pas mal comme cadeau d’au revoir.

Après 5 saisons plutôt réussies à la tête de la franchise, la légende raccroche la cravate. Dans un entretien avec Paul George, le logo évoque son passage dans le Tennessee et le classe parmi ses moments préférés de sa carrière.

En quelques années, Jerry West est parvenu à marquer l’histoire de la franchise en lui faisant connaître les trois premières séries de Playoffs de son histoire. Il aura su tirer le meilleur de chaque situation et de chaque joueur, et le Tennessee s’en souvient. 

Source : NBA, Basketball Reference, New York Times, Midland Daily News, ESPN