Le Thunder, des picks de draft jusqu’au sommet de l’Ouest
Le 15 mars 2024 à 19:19 par Julien Vion
La saison régulière d’Oklahoma City surprend tant par l’excellence des résultats sportifs que par le sentiment de maîtrise affiché par Shai Gilgeous-Alexander et ses coéquipiers. Focus sur un groupe aux certitudes insolentes qui offre un modèle de complémentarité, d’altruisme et d’alchimie.
Luguentz Dort ne s’y trompe pas : le Thunder de Mark Daignault a parfaitement compris comment mettre en place un collectif où tout le monde semble savoir ce qu’il doit faire.
“Personne ne se plaint de la sélection des tirs ou de quoi que ce soit d’autre. Nous voulons juste voir l’équipe gagner et réussir. On sait qui est notre All-Star. On sait ce que Chet (Holmgren) peut faire, ce que Jalen (Williams) peut faire, ce que (Josh) Giddey peut faire, ce que je peux faire.” – Lu Dort
En NBA, les belles histoires de succès des groupes talentueux commencent toujours par les mots sacrifices et compréhension des rôles. Rien de nouveau à ce niveau-là, mais jamais facile à mettre en place. Associer équilibre de l’équipe et accumulation de talents individuels est l’éternelle équation à laquelle fait face chaque contender, pour le meilleur comme pour le pire.
Mais ce qui est nouveau, et très impressionnant cette saison à OKC, c’est la vitesse à laquelle la hiérarchie s’est mise en place. Plus que cela, c’est surtout la vitesse à laquelle elle s’est mise à gagner… et à tant gagner que la deuxième équipe la plus jeune de la Ligue est actuellement première de la Conférence Ouest. Sur quoi cette formidable ascension, entamée en 2020-21 avec un exercice à 22 victoires et 250 picks de draft en stock, repose-t-elle ?
Shai Gilgeous-Alexander, le leader incontesté
Il n’y a pas à chercher bien loin pour voir que tout le groupe s’engouffre dans le sillage de la saison sensationnelle de SGA. Deuxième meilleur scoreur NBA, meilleur intercepteur de la Ligue, et l’un des joueurs les plus réguliers du circuit. Si l’année dernière avait été celle de l’explosion, ces derniers mois ont été ceux de la perfection de son rôle. Rares sont les soirs où Shai n’est pas au rendez-vous pour donner les coups d’accélérateur cadencés au fil du match. C’est lui le maire de la ville, et il compte bien le rendre à ses habitants.
SHAI CALLED GAME WITH 0.9 REMAINING 😱
THUNDER WIN IN DENVER. pic.twitter.com/L4MJxe87fk
— NBA (@NBA) December 17, 2023
Au-delà de son niveau de MVP, le Canadien de 25 ans continue de développer son leadership dans l’Oklahoma. Depuis la saison 2019-20, où il est arrivé en provenance des Clippers (avec cinq choix de premier tour de draft, contre Paul George) et pendant laquelle il a partagé les lignes extérieures avec un certain Chris Paul (qui l’a pris sous son aile), Shai apprend à être celui sur qui on peut se reposer, celui en qui on peut avoir confiance, celui qui fait souvent les bons choix. Mark Daignault (coach) le premier, ne se prive pas de le rappeler :
“On parle beaucoup de sa régularité. Mais pour moi, ce qui est le plus rassurant, c’est l’efficacité qu’il y a derrière. Quelles que soient les possessions qu’il utilise presque tous les soirs, vous avez affaire à un joueur qui est très fort (en points par tirs) et qui a peu de pertes de balle. C’est ça le plus rassurant.”
SGA a posé les bases d’une des plus grandes saisons individuelles de l’histoire d’Oklahoma City, dans les sphères du niveau atteint par Russell Westbrook en 2017 ou Kevin Durant en 2014. Même s’il ne remporte pas de trophée et qu’il devra encore confirmer son statut en Playoffs (comme si on avait des doutes), le groupe sait sur qui s’appuyer soir après soir, peu importe le côté du terrain.
Jalen Williams, lieutenant mais futur All-Star
Le trophée de la plus belle révélation côté Thunder revient cette année à Jalen Williams, 12e choix de la Draft 2022. Même s’il a terminé second au classement des rookies l’an passé, J-Will montre semaine après semaine sa capacité à devenir SGA à la place de SGA quand il le faut. Et ça, on ne l’attendait pas forcément, en tout cas pas aussi vite.
Son rôle habituel est celui de parfait lieutenant. Et depuis début janvier, J-Dub affiche 20 points, 4 rebonds et 5 passes à une efficacité hallucinante de 56% au tir et 48% de loin. En deuxième rideau, il est autant chirurgical que généreux en énergie.
Mais quand le franchise player doit s’asseoir, Jalen Williams récupère les clés du camion et devient le premier créateur offensif de l’équipe sans sourciller. Encore mieux, il est capable de le faire… alors même que Shai est sur le terrain. Et ce dernier n’a aucun problème à lui laisser les commandes sur certaines séquences.
Shai a souvent eu – à raison – le label de joueur très clutch avec le Thunder.
Me demandais juste si cette saison c’était lui ou… Jalen Williams le plus clutch des deux ?
Peut-être une fausse impression, mais J-Dub m’a semblé tellement de fois décisif pour OKC.
— TrashTalk (@TrashTalk_fr) February 11, 2024
Disposer d’un second couteau capable de se substituer au leader incontesté en sa présence est un luxe que peu d’équipes peuvent se vanter d’avoir. Particulièrement dans le money-time, Williams montre un sang froid d’assassin professionnel. Deux pour le prix d’un à OKC, et encore il y a du monde derrière.
Chet Holmgren, le difference-maker
Le rookie – 2e choix de la Draft 2022 – peut se vanter d’être la pièce manquante qui a propulsé une équipe à 40 victoires jusqu’au sommet de la Conférence Ouest. Il n’est évidemment pas le seul élément à prendre en compte, mais son impact immédiat frôle le jamais vu depuis 25 saisons.
Parmi les rookies qui jouent au minimum 30 minutes par match depuis 1999-2000, seuls Jayson Tatum (53) et Ben Simmons (51) ont gagné plus de matchs que Chet (46) d’après StatMuse. Et il reste une quinzaine de rencontres cette saison. Comparaison n’est pas raison, mais si Holmgren peut devenir le rookie avec un rôle important qui gagne le plus depuis 25 ans, c’est tout sauf un hasard.
Il manquait au Thunder version 2022-23 un pivot protecteur de cercle, et pourquoi pas capable de shooter de loin. Tous les souhaits ont été exaucés, et plus encore. Holmgren est tout simplement fondamental.
En défense, il est l’intérieur en charge de la rim-protection (presque à lui seul) et affiche 2,5 contres par match, deuxième meilleure moyenne pour un rookie depuis 2000-01 – derrière l’alien Victor Wembanyama. En attaque, avec 54% d’adresse et 39% (!) de loin, l’intérieur de 2m16 laisse présager un potentiel hallucinant. Il a même montré pouvoir prendre des fins de match à son compte, les Warriors s’en souviennent.
Et l’alchimie dans le Big 3 d’OKC, tout comme leur rapport à leurs rôles respectifs, est de nouveau exemplaire.
“Chaque équipe doit faire des sacrifices, ce n’est donc pas seulement nous. Je pense que c’est juste : de quelle manière ? Il y a des moments où quelqu’un ne va pas toucher beaucoup le ballon. Je pense que Chet a compris qu’il pouvait compenser défensivement et l’une des choses que j’apprends, c’est comment l’impliquer offensivement” – Jalen Williams
Alors que chaque élément est amené à progresser de plus belle, tout semble déjà si huilé qu’on se demande où l’ascension peut s’arrêter. Le comble dans tout ça ? Grâce aux talents du manager Sam Presti, OKC pourrait bien avoir deux nouveaux picks dans la loterie cette année.
Le collectif, les jeunes, l’insolence
Et puis il y a tous les autres. Nombreux, complémentaires, et tous précieux.
Josh Giddey (6e choix de la Draft 2021), malgré un début de saison difficile et ses limites au shoot, garde un rôle important de créateur derrière Shai Gilgeous-Alexander. Lu Dort a su trouver une formidable arme longue distance en plus de sa défense sur l’homme déjà élite. L’indispensable sniper Isaiah Joe est régulièrement sorti de sa boîte, tandis que l’insouciance d’un Cason Wallace (10e choix de la Draft 2023) amène toujours plus de fraîcheur dans ce groupe. Petite mention aussi aux soldats Aaron Wiggins, Kenrich Williams ou encore Jaylin Williams.
Le cinq majeur est en place, les rotations aussi, et la bonne ambiance accompagne les soirées à enchaîner les victoires. Les titulaires ont tous entre 21 et 25 ans. Les deux joueurs qui jouent le plus en sortie de banc en ont 20 et 24. Même pas peur.
Le cinq majeur du soir : pic.twitter.com/Z4GGfYIlhc
— Oklahoma City Thunder France (@OKCThunderFR) January 14, 2024
Dans la cabine du capitaine de ce navire, Mark Daignault. La jeunesse, il en connaît un rayon.
Lorsqu’il a été nommé coach principal fin 2020, il était le plus jeune entraîneur de la Ligue. Et avant ça, en tant que membre du programme de développement du Thunder, le développement des talents était son quotidien. Le coach a su évoluer de façon fulgurante en même temps que son groupe, et rivaliser toute l’année avec les plus grandes équipes de l’Ouest. Pas un hasard s’il fait partie – une nouvelle fois – des favoris pour le titre de Coach of the Year.
Mark Daigneault has the Thunder pointed in the right direction, which is why he's currently the favorite to win NBA Coach of the Year honors. But a few worthy candidates provide good value as well. @Kkylewood checks in with the updated odds. https://t.co/MEfiZZWOxS
— SI Sportsbook (@SI_Betting) February 17, 2024
En début de saison, on avait tenté d’imaginer la saison rêvée du Thunder, et ça donnait une régulière à 48 victoires (4è de conférence), avant de sortir en demi-finale de conférence face aux Suns. Aujourd’hui, ça relève presque du plancher. Oklahoma City est à l’heure de ces lignes la quatrième attaque NBA et la cinquième défense. Ce genre d’équipe – aussi performante des deux côtés du terrain – se retrouve habituellement dans le dernier carré des Playoffs, avec une vraie chance de gagner le titre.
Même si la moitié de l’effectif peut à peine s’acheter de l’alcool légalement, et que l’inexpérience du Thunder risque théoriquement de poser des soucis en Playoffs (malgré les arrivées récentes de Gordon Hayward, Bismack Biyombo et Mike Muscala), le Thunder d’Oklahoma City surprend par sa régularité et ses habitudes d’équipe vétérante. Peut-il aller jusqu’en finale de conférence, voire plus, dès cette saison ?
Source déclarations : The Athletic