Jack Molinas, le plus grand escroc de l’histoire de la NBA
Le 31 oct. 2023 à 19:26 par Alexandre Taupin
Joueur promis à une grande carrière en NBA, Jack Molinas n’aura finalement duré qu’une saison dans la Ligue. Banni à cause d’une sombre affaire de paris, l’homme passé par les Fort Wayne Pistons est aujourd’hui considéré comme le plus grand escroc de l’histoire de la NBA. Voici le récit de sa vie.
Jack Molinas, du talent plein les mains mais une grosse addiction aux paris
Né du côté de Brooklyn le 31 octobre 1931, Jack Molinas semble au premier abord une personne comme une autre. Il grandit à Big Apple, où ses parents tiennent un bar. Lui se passionne rapidement pour le basketball et espère pouvoir faire carrière.
Très doué pour ce sport, Jack Molinas obtient une place à l’université de Columbia dans l’Etat de New York. Il y réalise de bonnes performances dont un pic à 41 points en février 1953 face à Princeton, ce qui était alors le record de points pour un joueur de l’université. Ses bonnes prestations attirent rapidement l’attention de certaines franchises de la jeune NBA (officiellement formée en 1949 après la fusion entre BAA et NBL). Sélectionné en troisième choix du premier tour de la Draft NBA 1953, Jack Molinas s’engage en faveur des Fort Wayne Pistons, l’ancêtre des Detroit Pistons du temps où l’équipe était encore basée dans l’Indiana.
Si jusque-là tout ressemble à un conte de fées comme pour n’importe quel rookie de Draft, il y a un hic et pas des moindres. Jack Molinas n’arrive en effet pas seul aux Pistons, il apporte avec lui une terrible addiction aux paris et ses réseaux mafieux de bookmakers.
Depuis quelques années déjà, le jeune Molinas est accro aux paris et il n’a pas hésité à miser sur de nombreux matchs au niveau universitaire, y compris les siens ! Une pratique évidemment interdite mais le rookie des Pistons a réussi à éviter d’être pris alors il décide de continuer son business lorsqu’il arrive en NBA. En truquant les matchs, Jack Molinas réussit à se constituer un joli pactole. Alors que son contrat pour les Pistons lui garantit 9600$ par an (on est loin des deals d’aujourd’hui), son affaire de matchs truqués lui rapporte près de 50 000$ par semaine !
Charley Rosen (ancien assistant de Phil Jackson en CBA) écrira plus tard un livre sur les magouilles de Molinas, The Wizards of Odds. Dans celui-ci, il explique que Jack Molinas est plus motivé par l’adrénaline des paris et sa capacité à décider de l’issue des matchs que par le simple aspect financier.
“Pour Molinas, jouer dans un match truqué était plus exaltant que de jouer dans la légalité. Est-il temps d’envoyer une passe hors des limites du terrain, ou d’être sanctionné pour une violation des trois secondes ? Ou devait-il se lancer dans une course au score pour rendre ses propres statistiques respectables ? . . . Molinas adorait l’idée de jouer autant de parties secrètes en même temps”.
Episode 381! A guy who got kicked out of the NBA & became a lawyer. After prison for running a gambling syndicate, with known mobsters & does what anyone would do… he produces porn. It all ends up in a mafia murder mystery! It’s Jack Molinas!!https://t.co/Xfsoy9mj3y pic.twitter.com/iQROaEgzgu
— Crime In Sports (@CrimeInSports) October 31, 2023
Banni à vie de la NBA, Jack Molinas poursuit la Ligue en justice !
En dehors des terrains, Jack Molinas commence à s’en mettre plein les poches mais sur le terrain il est aussi très en lumière. Avec 11,6 points et 7,1 rebonds lors de son année rookie, il réussit même à obtenir une invitation pour le All-Star Game 1954 !
Le natif de Brooklyn ne disputera pourtant jamais ce match car il va se faire attraper la main dans le sac. Maurice Podoloff, premier commissionner de l’histoire de la NBA, entend parler d’une forte hausse des paris autour des matchs des Pistons et décide d’enquêter. Pour cela, il fait suivre plusieurs joueurs de l’équipe avec l’aval de la direction de Fort Wayne. La Ligue ne tarde pas à découvrir que Molinas parie sur les matchs. Le contrat de chaque joueur NBA interdit explicitement tout pari, Podoloff décide de frapper fort en bannissant à vie Jack Molinas de la Ligue !
Considérant qu’il n’a rien fait de mal, Molinas décide de contre-attaquer. Il poursuit la NBA en justice et demande la somme de 3 millions de dollars en dédommagements. Devenu entre-temps avocat au barreau de New York, l’ancien joueur est sûr de son bon droit. La justice en décidera autrement, il est débouté de ses demandes.
Des parquets aux barreaux d’un pénitencier, il n’y a qu’un pas
L’histoire aurait pu s’arrêter là. La Ligue a obtenu le bannissement de Molinas sans avoir à payer, lui est devenu un avocat à succès. Mais c’est bien connu que les vieux démons ont la vie dure. Jack Molinas est toujours autant addict aux paris et il va se lancer dans un nouveau business.
Avec l’aide de plusieurs associés, il décide de corrompre des joueurs universitaires pour influer les résultats des matchs. Molinas ne s’arrête pas juste au basket, il s’attaque à différentes disciplines comme le foot US mais aussi la boxe.
Le business connaît là encore un bel essor jusqu’au jour où un jeune athlète refuse les offres d’un des associés de Molinas. Les autorités sont vite prévenues et le réseau entier est démantelé. Plusieurs dizaines de jeunes sportifs voient leurs noms trainer dans la boue à cause de leur connexion plus ou moins lointaine avec Jack Molinas. Dans le lot, on retrouve un certain Connie Hawkins. Prodige du basket, le jeune joueur va se faire expulser de son université d’Iowa. Malgré une absence de preuves à son encontre, Hawkins va traîner comme un boulet son amitié avec celui qui truquait les matchs. Refusé en NBA lors des Draft 1964 et 1965, il ira briller en ABA avant d’avoir enfin sa chance en NBA à partir de 1969. Sa carrière, en partie gâchée par cette affaire, laissera un goût amer dans la bouche de tous les amoureux de la balle orange.
Retour sur les bancs des tribunaux pour Jack Molinas mais cette fois dans le box des accusés. Les témoignages se succèdent à son encontre, le plaçant au centre du système de matchs truqués. L’avocat ne parvient pas à prouver son innocence au jury, il est condamné à une peine entre 10 et 15 ans de prison. Voilà ce que disait le juge au procès de Jack Molinas. Des propos rapportés par le New York Times.
“A mon avis, vous êtes une personne totalement immorale. Vous êtes le principal instigateur de la conspiration et vous êtes la personne la plus responsable. Vous avez impitoyablement utilisé votre prestige d’ancien joueur de basket-ball américain pour corrompre des joueurs de basket-ball universitaires et escroquer le public”.
Assassiné par la Mafia à 43 ans
La prison, Molinas n’y restera que 5 ans, principalement grâce aux infos qu’il balance sur les activités illégales d’autres parias ou celles qu’il récupère via ses codétenus. Il file ensuite en Californie, où il espère refaire sa vie. Ses activités illégales se poursuivent malgré tout, il se lance dans le secteur de l’industrie pornographique et le trafic de fourrures en provenance de Taiwan.
Malheureusement pour lui, ses anciennes relations de la pègre ont visiblement une dent contre lui, d’autant plus qu’il doit des sommes importantes à plusieurs mafieux. Alors qu’il est sur la terrasse de sa villa californienne avec sa compagne, il est pris pour cible par un tueur à gages. Une balle l’atteint à la tête et le tue sur l’instant. Jack Molinas s’éteint ainsi à 43 ans, victime d’une vie de paris et de risques dans laquelle il aura enchainé les mauvaises fréquentations et les illégalités. L’un de ses principaux associés avait été battu à mort quelques mois plus tôt dans son propre appartement.
Source texte : New York Times / The Wizards of Odds de Charley Rosen