Le “Choke Sign” de Reggie Miller lors de Knicks – Pacers 1994 : bah ouais Spike, fallait pas chauffer Reggie

Le 01 juin 2023 à 18:52 par Gaspard Devisme

Reggie Miller. 31/05/23
Source image : Youtube

Quelle est la recette pour une bonne rivalité ? Déjà il faut deux équipes, plutôt compétitives de préférence. De la même conférence ça aide, pour avoir un max d’affrontements en régulière mais surtout en Playoffs. On assaisonne le tout de salles bien chaudes, de joueurs qui kiffent ce genre d’atmosphères, et ça nous donne une rivalité bien épicée. Un exemple ? Pacers – Knicks, au hasard hein, avec Reggie Miller en tête d’affiche !

Indianapolis et New York, c’est un total de cinq séries de Playoffs dans les années 1990, dont trois de suite entre 1993 et 1995. Reggie Miller et Pat Ewing, le Madison Square Garden et son public de fous furieux, ok tous les ingrédients sont là, ça c’est de la rivalité. Et c’est surtout de la rivalité qui a donné lieu à l’un des moments de trashalking les plus violents de l’histoire de la NBA. Merci Reggie Miller, désolé Spike Lee, mais voici clairement l’une des raisons pour lesquelles votre média préféré s’appelle ainsi.

Rembobinons la cassette jusqu’en 1993, pour une petite remise en contexte. Les Knicks sont leaders de l’Est tandis que les Pacers arrachent le dernier strapontin pour les Playoffs. Seed 1 contre Seed 8, on part clairement sur une série déséquilibrée… qui ne déjouera pas les pronostics. Indianapolis et New York se battent, mais littéralement. De la baston à chaque match, des échanges de douceurs non-stop, les équipes se détestent et y’a pas de fausse politesse. Le plus mémorable ? Un coup de boule de John Starks à Reggie Miller, 13 ans avant ZZ (encore beaucoup trop tôt).

John Starks. 31/05/23

Bim, coup d’boule !

Pendant ce temps-là, Miller balance tout de même une énorme série à 31 points de moyenne en 50/50/94, sans contrecarrer les plans de la bande de Pat Riley. 3-1 Knicks (les séries de premier tour se disputaient alors en trois matchs gagnants), une petite claque, rendez-vous l’année prochaine.

Après la fessée du premier tour un an avant, les Pacers arrivent cette fois-ci beaucoup plus armés pour espérer taper les Knicks. Deux indices majeurs : on part sur une Finale de Conférence plutôt qu’un premier tour, et la série repart à New York à 2-2 après deux victoires d’Indianapolis à domicile. Finales de Conférence, Match 5, Madison Square Garden, on aime les classiques, on aime le basket, et bah on a droit à un classique du basket.

Pacers – Knicks, rien que ça c’est fun, mais ce match n’aurait rien été sans la participation de ses deux acteurs principaux. Un de chaque côté : Monsieur Shelton Jackson “Spike” Lee du côté de New York, et Monsieur Reggie Miller, évidemment, dans l’Indiana. Voici une rapide présentation de nos deux héros :

  • Spike Lee, du haut de son mètre 68, n’est pas basketteur mais producteur de cinéma. Un producteur fan des New York Knicks, qui peut se payer des places courtside à tous les matchs, avec une gueule bien trop grande par rapport à sa taille. Le gars n’est peut-être même pas capable d’enchaîner trois dribbles sans se foutre la gonfle sur le pied, il a sûrement la mécanique de shoot de Joakim Noah, mais n’arrêtera jamais de l’ouvrir peu importe le joueur en face de lui. Le MSG c’est déjà un beau bordel, alors quand le plus timbré des fans est au premier rang, y’a de quoi se marrer mais il y a aussi des claques qui se perdent.
  • Reggie Miller, s’il fallait vraiment le présenter, est un merveilleux joueur de basketball. Arrière au shoot soyeux, Miller est le All-Star et franchise player des Indiana Pacers. Clutch et trashtalkeur ultime, Reggie est le “Knick Killer”, vous comprendrez vite pourquoi.

Jusqu’à présent, tout le monde a gagné à domicile dans cette série, et les trois premiers quart-temps ne montrent aucun signe de changement. Les Knicks mènent 70-58 à l’aube du dernier quart, emmenés par Patrick Ewing et sa bande de sous-officiers Starks, Oakley et Smith. Un petit blowout en préparation et un fan particulièrement heureux du spectacle qui lui est proposé, Spike Lee. Naïvement, notre ami se dit que c’est le bon moment pour chambrer l’arrière des Pacers, en galère pour renverser la situation.

Pas plus épais qu’un cahier Clairefontaine et pas plus effrayant que James Harden dans un Game 7, Reggie Miller fait malgré tout partie des gars qu’il ne faut pas chercher… vraiment pas. Bombes à 3-points, pull-ups à mi-distance, Reggie fait tout aux Knicks, et surtout du sale. Sur le côté, Spike ne réalise jamais que ça pourrait être une bonne occasion d’arrêter de causer et ose même se lever pour provoquer RM. L’arrière vient d’entamer le quart-temps avec une dizaine de points et voit un petit gars qui ne tape pas le mètre 70 lui chercher des noises, ce qui nous vaudra une superbe quote du journaliste de NBC Ahmad Rashad.

”Sur tous les playgrounds US, il y a un petit qui ne sait pas bien jouer mais qui parle beaucoup, pour raconter n’importe quoi. Les meilleurs veulent gagner le match et le faire taire.” – Rashad au sujet de Spike Lee

Gagner le match, les Pacers sont bien partis pour. Faire taire Spike Lee, ça relève malheureusement de l’utopie, mais Reggie Miller fait mieux, il humilie Lee et les Knicks en antenne nationale. Sur un 2-14 dans ce début de quatrième quart-temps, les Knicks donnent un parfait exemple de ce qu’est un choke pendant que le numéro 31 des Fermiers se charge d’en faire de même pour le trashtalk. Deux mots, ”fourth quarter” et un geste, son cou saisi avec ses deux mains, pour symboliser le caca-culotte des Knickerbockers. Le “choke sign” est né.

Victoire des Pacers 93-86 dans ce Game 5, celui qu’on appelle aujourd’hui le “Knick Killer” (je vous avais dit que vous comprendriez vite) termine le match avec 39 points dont 25 dans les douze dernières minutes. Parler c’est bien, assumer c’est mieux. Quoi de plus beau qu’un monstre sacré du trashtalking pour nous le montrer ?

Bonus : Un petit “Spike Who?” lâché par RM31 lorsque Ahmad Rashad lui demande très innocemment ”What about Spike Lee?” juste après sa masterpiece. La subtilité, un art à maîtriser également pour rentrer dans le Trashtalking Hall of Fame.

“Bien fait pour les Knicks, fallait tenir Spike” direz-vous ? Alors oui, et les fans de la franchise orange et bleu ne manqueront pas de rappeler à Spike de la fermer la prochaine fois. Des “Merci Spike” font notamment la couv des journaux new-yorkais le lendemain. Malheureusement pour Miller, les rôles vont vite s’inverser dans la série. Les Pacers mènent 3-2 à domicile mais vont enchaîner par un double choke à leur tour pour perdre la série en 7, malgré un Reggie Miller meilleur scoreur des deux matchs. Un coup de karma après le “choke sign” ? Peut-être mais surtout une fin de série bien cruelle pour la star de Railroad City. Les Finales NBA, ça sera pour plus tard.

Les 90s, âge d’or de tout ce qui s’apparente au trashtalk. Aujourd’hui ? Beaucoup plus plat, beaucoup plus soft, avec un “Choke Sign” qui est directement sanctionné d’une technique pour celui qui ose mettre ses mains autour du cou. Néanmoins, ce geste est entré dans la culture du trashtalking et a même dépassé les frontières du basket. Merci Reggie, merci Spike !