Black History Month : Oscar Robertson révolutionne la NBA sur les parquets et en dehors

Le 15 févr. 2023 à 11:37 par David Carroz

TrashTalk Black History Month Oscar Robertson
Source image : Wikipédia, montage Léonce MVP

Quand on parle d’Oscar Robertson, on pense à sa saison 1962 en triple double, la première de l’histoire de la NBA. On n’oublie pas non plus son titre glané aux Milwaukee Bucks en 1971 aux côtés de Karim Abdul-Jabbar encore appelé Lew Alcindor. On évoque clairement l’un des meilleurs ballers de l’histoire.

Oscar était l’un des grands leaders du basketball, et sa vie est une des grandes histoires du basketball. Il n’avait pas peur, n’était pas intimidé et sans pareil dans tout ce qu’il faisait. Il n’y aura plus jamais quelqu’un comme lui.

Grands reconnaissent grands. Quand Bill Russell évoque Oscar Robertson, il connaît très bien les accomplissements de celui qui fût un farouche adversaire. Car même s’il a débarqué en NBA quelques années après la légende des Celtics, Big O a lui aussi participé à la révolution de la Ligue. Dans leur sillage ainsi que celui de Maurice Stokes, Elgin Baylor et Wilt Chamberlain, la porte qui avait été entrouverte par les pionniers Chuck Cooper, Earl Lloyd et Nat Clifton est poussée encore plus puisque désormais, des Afro-américains accèdent au statut de star en NBA.

Forcément, cela permet alors d’accélérer cette intégration d’une ligue qui une décennie plus tôt refusait de voir des joueurs de cette communauté fouler les parquets. Pour autant, on ne va pas passer en mode open bar, des quotas subsistant toujours – un, puis deux voire trois joueurs afro-américains maximum dans un effectif. Mais la graine est semée et en germant, elle va donner des branches qui impactent la NBA actuelle. Car ces joueurs apportent un souffle nouveau, plus athlétique, plus aérien, qui change le basketball.

Oscar Robertson n’est peut-être pas le meilleur représentant de jeu qui se déroule désormais au-dessus du cercle. Non pas qu’il manque de jump ou de qualités athlétiques, mais plutôt parce qu’il ne les met pas en avant de la même façon. Son style à lui est plus physique, dans le sens où son mètre quatre-vingt-seize et ses quatre-vingt-douze kilos ne sont pas la norme pour un meneur. D’ailleurs, au lycée comme à la fac, même s’il organisait l’attaque de son équipe, c’est souvent au poste d’ailier qu’il a pu sévir. On retrouve d’ailleurs l’héritage de cette période dans les performances complètes de Big O en NBA.

Deuxième évolution, il est l’un des premiers Afro-américains – après Guy Rodgers et Hal Greer – à qui ce poste de meneur est justement confié. Lors de l’ouverture de la NBA, ils étaient beaucoup plus cantonnés aux tâches obscures, aux postes d’intérieurs qui font le sale boulot pour les stars blanches. Pas assez doués, pas assez disciplinés, pas assez intelligents. On a tout lu ou entendu pour justifier cette mise à l’écart, ce déclassement, symbole de leur statut dans la société américaine. Et là encore, Oscar Robertson fait voler en éclats ces préjugés racistes, lui qui ne s’appuie absolument pas sur un jeu flashy mais mise plutôt sur son intelligence et sa compréhension du jeu pour tirer le meilleur de son équipe, de ses coéquipiers. La définition d’un leader, pour qui seule la victoire compte.

C’est d’ailleurs cela qui va mener Mr. Triple Double à d’autres combats, en dehors des parquets. Son niveau de jeu et son influence grandissante sont reconnus par ses pairs, si bien qu’il se retrouve à la tête du syndicat des joueurs en 1965, une première pour un Afro-américain. Pas le moment le plus simple pour discuter avec la Ligue et les propriétaires qui traînent des pieds au sujet des pensions, et d’autres points de tension qui avaient failli causer un boycott du All-Star game en 1964. Si petit à petit les discussions aboutissent à des avancées pour les joueurs, d’autres éléments de discordes vont perdurer bien plus longtemps : la clause de réserve – en résumé, l’absence de statut d’agent libre – puis les négociations de fusion avec la ligue concurrence de l’ABA. C’est en première ligne que Big O s’oppose à la NBA.

De quoi bien occuper sa carrière donc en plus de briller sur les parquets. Mais se concentrer uniquement sur la vie d’Oscar Robertson une fois débarqué en NBA serait négliger une part importante de son œuvre. Tout d’abord car lorsqu’il débarque à l’Université de Cincinnati – un choix qui permettra d’ailleurs aux Royals de récupérer ses droits en le prenant comme territorial pick – il est l’un des cinq athlètes afro-américains qui lancent la déségrégation de l’école. Pas facile tous les jours donc, et parfois lors de déplacements dans des États encore moins ouverts sur les questions raciales, le manque de soutien de la fac lui rappelle que peu importe son niveau sur les parquets, il subit comme les autres les lois Jim Crow de l’époque.

Mais finalement c’est ce qu’il avait déjà goûté dans l’Indiana, avant de rejoindre l’université. Avec son lycée de Crispus Attucks – le seul à accueillir des Afro-américains – il crée la sensation en remportant le titre de champion de l’État en 1955. Une première non seulement pour un établissement de la ville d’Indianapolis, mais surtout une première pour une équipe composée uniquement d’Afro-américains. Mais ce succès – validé par un back-to-back la saison suivante – est amer pour Oscar Robertson. Si habituellement les lycées titrés paradent dans la ville, le cortège ces années-là ne suit pas le même chemin : au lieu d’aller dans le centre, il est dirigé vers le quartier ségrégué.

Ils ne veulent pas de nous, se souvient-il avoir lâché à son père après un long moment de silence, à tenter de digérer cette claque.

La première véritable prise de conscience pour Oscar Robertson que si le sport donne une chance à chacun, que si les États-Unis reposent sur ce même principe d’égalité des chances, cette promesse est en réalité bien loin d’être tenue. Et si lui a su tirer son épingle du jeu, nombreux sont ceux qui n’ont pas eu cette chance.