Charles Oakley : Knicks ta mère, ton père et tous ses adversaires

Le 18 déc. 2022 à 10:02 par Enzo Lecoq

Charles Oakley
Source Image : Youtube

La NBA est une ligue cyclique, tant dans les résultats de ses équipes que dans le type de jeu qui y est pratiqué. Et si les années 80 furent marquées par l’époque ShowTime et la rivalité entre Magic Johnson et Larry Bird, les nineties, elles, l’ont été par la domination des Bulls de Jordan et par la dureté de la défense et des joueurs. Et à l’époque où les barfights étaient quasiment quotidiens, le roi de la bagarre jouait à New York et s’appelait Charles Oakley. Retour sur la carrière de l’un des plus grands cols bleus de l’histoire des Knicks, et de la NBA toute entière.

Charles Oakley. À deux lettres près, notre protagoniste du jour se transformait en l’un des plus célèbres monstres sans bague de l’histoire. Pourtant, dire que le Chuck Wagon et lui ne s’entendaient pas vraiment relève du plus grand des euphémismes. Mais chaque chose en son temps, et nous reviendrons sur le beef entre les deux “amis” plus loin. Commençons avec la plus simple et basique des questions : mais qui est Charles Oakley ?

C’est l’anniversaire de Charles Oakley.

Poste 4 majeur de la fin des 80’s aux 90’s. Pas par les chiffres, mais via une présence physique énorme. Joueur central des Knicks de Riley & de Van Gundy, il s’avérera très précieux pour les Raptors version Carter.
Oak le badass ultime 🔥 pic.twitter.com/a11pvB5zYx

— Julien Müller (@Julien5Muller) December 18, 2019

Le grand chêne, Oak Tree, est une légende de la NBA… à sa manière. Célèbre pour sa détermination et sa volonté à faire tout ce qu’il fallait pour aider son équipe à gagner, y compris si cela impliquait de balancer des mandales de forain dans tous les sens. Un vrai Bad Boy, en somme, mais un Good Bad Boy. Comment tout ça lui est venu ? Eh bien quand on grandit à Cleveland dans les années 60/70, on n’a pas vraiment d’autre choix que de s’endurcir. Et quand en plus de ça, on est le dernier enfant d’une fratrie de 10 ? Laissez tomber, Charlie ne pouvait que devenir le joueur et l’homme qu’il a été.

Et tiens, on pourrait même se demander s’il n’a pas appris à jouer au basket en regardant des films d’arts martiaux. Pourtant, Oak était l’un des joueurs les plus appréciés de ses coéquipiers, ce n’est ni Michael Jordan ni Patrick Ewing qui vous diront le contraire. Adoré par Pat Riley, alors coach des Knicks, le poste 4 était un atout majeur des gars de la Big Apple. Il faut dire que l’équipe ressemblait à cette époque plus à une mafia qu’autre chose. À sa tête, le parrain, Gomina lui-même : Pat Riley (actuel GM du Heat). Et en tant que général, un autre Pat, le fameux Hoya Destroya, Patrick Ewing. Mais toute mafia qui se respecte se doit d’avoir de bons hommes d’armes, et Oakley a fait office de garde du corps en chef de son arrivée en 1988 – tradé depuis Chicago pour Bill Cartwright, futur pivot du premier three peat des Bulls – à son départ pour Toronto en 1998. Une décennie de services loyaux mais pas toujours bons (enfin, ça dépend pour qui), qui ne s’est malheureusement jamais soldée par un couronnement.

On this day in 1994, Reggie Miller hit Spike Lee with the choke sign.

Here’s the next day’s paper: “Miller wins battle with filmmaker … by a neck.” pic.twitter.com/AVTJhJu85I

— IndyStarSports (@IndyStarSports) June 1, 2018

Oak a donc, forcément, été un acteur majeur de LA rivalité Knicks – Pacers des années 90. Le roi de la clim au Madison Square Garden s’appelait alors Reggie Miller (et s’appelle toujours ainsi, désolé Ice Trae). L’arrière de l’Indiana est l’un des plus grands trashtalkers de tous les temps (comme en témoigne le fameux “Choke Sign” adressé à Spike Lee) et ça, ça a le don d’énerver l’ami Charles. La déclaration d’Oak concernant la série de Playoffs 1995 ne laisse aucune place au doute : Charlie était là pour en découdre.

C’est comme un boxeur avant le Main Event. Ils veulent la baston, ils auront la baston” – propos rapportés dans Les Rivalités de la NBA, tome 1 (Julien Müller, Talent Sport)

La série en question est l’une des plus intenses de l’histoire “moderne”, un must-see si vous ne l’avez pas encore matée. Ah, et pour info, c’est bien Indiana qui la remporte. Hum Hum…

Mais quand on parle de l’apport du joueur dur qu’était Oakley aux Knicks, n’allez pas croire que ce dernier se limitait aux patates adressées aux joueurs adverses. Oakley était un vrai joueur de basket, et un défenseur atroce à affronter. Patrick Ewing, qui peut parler sérieusement dans le débat du meilleur joueur de l’histoire des Knicks, se réfère à Oakley comme “son tueur à gages”. Et quant à un départ de son copain Charlie ? “Si vous voulez le trade, il faut me trade aussi”. Après les Playoffs 1993, où New York sort en Finales de Conférence au bout de six matchs face aux grands Bulls futurs champions, avec notamment une défaite évitable au Game 5, Pat Riley s’exprime :

“J’ai fait une énorme erreur l’an dernier. Et tout le monde critique ce qui s’est passé au match 5, et la plus grosse erreur que j’ai fait est de l’avoir laissé [Oakley, ndlr] sur le banc dans les 25 dernières secondes”

Mais les Pacers n’étaient pas les seuls rivaux des New-yorkais à l’époque, loin de là. Les Knicks des 90’s n’avaient (vraiment) pas que des amis, et Oakley n’était peut-être pas complètement étranger à ce fait. Parmi les principaux adversaires de NY, on retrouve évidemment les Bulls, anciens coéquipiers de l’ailier-fort qui dominent alors la Ligue. À chaque déplacement à Chicago, the Oak Tree est hué par la foule. Pourtant, ce sont bien les Bulls qui ont décidé de se séparer de leur intérieur pour faire venir Bill Cartwright de New York. D’ailleurs, Charles Oakley nous livre une anecdote concernant les raisons de ce trade :

“On affrontait les Knicks au Christmas Day. Et Doug [Collins, l’entraineur, ndlr] nous a dit qu’on pourrait tous rentrer chez nous. Mais on a perdu et il a fait revenir tout le monde en avion. Mais on avait tous fait des plans pour partir chacun de notre côté depuis New York. Il était très sensible, donc j’imagine qu’il n’a pas aimé la façon dont on a joué. Et il a froissé beaucoup de gars. Dès qu’on est revenus de la pause de Noël, on a eu une réunion d’équipe. Donc on l’a ouvert un peu fort et l’année suivante, trois ou quatre de ceux qui avaient parlé n’étaient plus là.” – Charles Oakley dans une interview pour GQ.

Par la suite, Sir Charles (ah non, c’est pas lui ça ?) sera sans doute le seul joueur à avoir qualifié Dennis Rodman de… soft. Oui, vous avez bien lu : Dennis Rodman et soft dans la même phrase. Oakley est même allé jusqu’à virer le Worm de son restaurant avec perte et fracas, et dit même de l’ex joueur des Bulls qu’il “change de direction quand il le voit”.

Shots fired from Charles Oakley towards Dennis Rodman 😳 https://t.co/HU3k5y0VWT pic.twitter.com/NLdDpIjtKS

— theScore (@theScore) April 7, 2017

Ah pour ça, Charles Oakley n’est pas plus tendre aujourd’hui qu’hier avec ses contemporains. Et l’un de ses meilleurs ennemis n’est autre que Charles… Barkley. Si proches et pourtant si loin. Sir Charles (le vrai, cette fois) est sans doute la cible préférée d’Oak. La légende raconte même que, durant le lock-out de 1998, le chêne – désormais installé à Toronto – aurait balancé une droite au Chuckster dans un couloir. Dans son livre mémoire, The Last Enforcer, Oakley revient sur cette histoire. En réalité, c’est même la première phrase du livre :

“Non, je n’ai pas punché Charles Barkley. Je lui ai, en revanche, mis une putain de gifle.” – Charles Oakley dans The Last Enforcer, Outrageous stories from the life and times of one of the NBA’s fiercest competitors. 

Petite info au passage : la préface du livre est écrite par Michael Jordan lui-même.

Si deux choses sont sûres et certaines à propos de Charles Oakley ? D’une part le gars n’a pas que des amis dans la Ligue et ailleurs, mais par contre ses amis sont eux une vraie famille que Charlie est prêt à tout pour protéger. Au moment du départ plus que controversé de son coach Pat Riley à Miami, Oak est d’ailleurs l’un des seuls à défendre son entraîneur, mais toujours à sa façon.

“J’aime Pat Riley. Vous savez, on a eu des hauts et des bas. Il était tellement sollicité pour beaucoup de choses. J’ai peut-être pensé que certaines de ses demandes n’étaient pas nécessaires, et je lui ai simplement fait savoir.” Propos rapportés par Julien Müller dans Les Rivalités de la NBA, tome 1.

Malheureusement, le plus dur des défenseurs de New York n’a pas conservé des relations idylliques avec les Knicks. Détesté par l’actuel propriétaire de la franchise et de la salle James Dolan, PDG de The Madison Square Company et MSG Networks, le chêne de Cleveland s’est même vu évacué par la force par huit agents de sécurité lors d’un match des Knicks en 2017. Cet évènement avait donné lieu à une violente altercation entre Oakley et un membre de la sécurité du MSG.

Charles Oakley says he did nothing to provoke James Dolan: ‘I swear on my mother.’ https://t.co/LAUFdqu6JU pic.twitter.com/I6dU8acUJA

— theScore (@theScore) February 9, 2017

Oakley dit n’avoir rien fait pour mériter cela, et raconte sa version des faits à GQ :

“J’ai descendu les escaliers pour aller m’asseoir. Dix minutes plus tard, huit gars arrivent. [James Dolan] ne veut pas de moi ici. J’ai peut-être dit quelque chose dans un article à propos de l’équipe [qu’il n’aurait pas apprécié, ndlr]. Mais on me pose des questions. Je réponds, simplement… c’est mon opinion. Je connais plus le talent [basket] que lui ! Mais il aime le contrôle.” Charles Oakley pour GQ

À la suite de ces évènements, Dolan avait décidé de bannir le vétéran pour un an au minimum, insinuant au passage que l’ancien New-yorkais avait des problèmes d’alcoolisme. S’en suivirent des poursuites judiciaires engagées par Oakley, n’aboutissant à aucun résultat malgré des rebondissements jusqu’en 2021. Cette année-là, Charles a même refusé de voir son maillot retiré par les Knicks. Quand on lui demande pourquoi, Oak fait du Charles Oakley :

“Merde, vous n’avez même pas retiré le maillot de Bernard King, comment vous voulez retirer le mien ?! Et il est au Hall of Fame…” Oakley, GQ

Triste conclusion d’une histoire qui était pourtant si belle pour le col bleu des Knicks. À moins que ce ne soit pas la fin ? On espère une résolution plus heureuse à ce feuilleton. Charles Oakley le mérite en tout cas, car s’il a aujourd’hui encore cette image d’homme rugueux, voire carrément violent, Charlie n’est définitivement pas un mauvais bougre. Selon ses propres mots, “J’essaye d’être comme un officier hors service : si je vois quelque chose qui ne va pas, je vais forcément aider la personne.”

Cette phrase le définit si bien. Charles Oakley c’est une grande gueule, un sang chaud qui peut vite partir au quart de tour, mais avant tout pour protéger les siens. Et les siens, ce furent les Knicks pour toute une décennie. Il serait temps que les boss du MSG s’en souviennent, et accordent à leur légende les honneurs qu’elle mérite.

Sources : BasketballReference, GQTrashtalk, Les Rivalités de La NBA tome 1 


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