George Karl intronisé au Hall of Fame : retour sur son passage aux Sonics, symbole d’une grande carrière mais au goût d’inachevé

Le 09 sept. 2022 à 21:40 par Nicolas Meichel

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Ce week-end, du côté de Springfield, les 13 membres de la classe du Hall of Fame 2022 auront l’immense honneur d’être intronisés dans le Panthéon du basket pour gagner leur ticket vers l’immortalité. Parmi eux, l’ancien coach George Karl, sixième entraîneur le plus victorieux de l’histoire de la NBA. Et pour le célébrer, la meilleure manière est encore de revenir sur ses plus belles années dans la Grande Ligue. Direction Seattle dans les années 1990.

“C’est lui qui nous a permis de devenir The Reign Man et The Glove, car il nous a poussés à l’entraînement, il nous a apporté de la discipline.” Quand Shawn Kemp et Gary Payton – les deux stars des Seattle Supersonics dans les nineties – se remémorent leurs belles années sous les ordres de George Karl, ils ne peuvent pas s’empêcher d’être reconnaissants. Ils savent que sans lui, peut-être qu’ils seraient restés qu’un duo spectaculaire capable de lâcher d’incroyables highlights mais pas forcément d’enchaîner les victoires comme des perles. Quand Karl est arrivé à Seattle début 1992, les Sonics étaient une équipe moyenne incapable de grimper dans la hiérarchie de l’Ouest et qui restait sur une expérience non concluante avec K.C. Jones, entraîneur des mythiques Celtics de Larry Bird au cours des années 1980. Avec George aux commandes ? Seattle a décollé comme Shawn Kemp au moment de dunker. 47 victoires à la fin de la saison 1991-92 (27-15 sous Karl), 55 wins la campagne suivante, puis 63 en 1994. Traduction, George Karl a fait des Sonics un poids lourd de la Conférence Ouest presque immédiatement, amenant son caractère imposant, fougueux et un côté audacieux pour tenter de maximiser le potentiel de sa team. “Ça c’était George. Il avait les cojones pour tenter de nouvelles choses, et il apportait cette confiance, ce swag qu’il avait en lui” se souvient notamment l’un de ses assistants de l’époque Dwane Casey. Seattle, porté par une défense très agressive et les alley-oops dévastateurs du tandem Payton – Kemp en transition, est tout simplement devenu l’une des plus grandes machines à gagner de la décennie avec deux autres saisons à plus de 60 wins en 1996 et 1998.

Une machine à gagner… en saison régulière. Parce que durant toutes ces années, les Sonics de George Karl n’ont atteint qu’une seule fois les Finales NBA. C’était en 1996 face aux légendaires Bulls version 72 victoires de Michael Jordan, Scottie Pippen, Dennis Rodman et Phil Jackson. Une série perdue 4-2 et qui laisse aujourd’hui encore des regrets à Karl, qui avait décidé de ne pas mettre Gary Payton – pourtant meilleur défenseur de l’année – sur Jordan en début de série, mais uniquement à partir du Game 4 quand Seattle était déjà mené 3-0. “C’était une erreur. Je ne sais pas si c’était la cause de notre défaite, mais c’était une erreur.” Justifiant son choix en pointant du doigt l’état de santé de Payton à l’époque (il était touché au mollet) et la volonté de le préserver pour les autres tâches associées à son meneur de jeu, George sait que le scénario aurait pu être différent, surtout que dans le même temps un certain Nate McMillan – autre bon défenseur – était gêné par des douleurs au dos. Ces regrets s’ajoutent à ceux des autres campagnes de Playoffs, avant et après 1996, qui se sont terminées douloureusement. Il y a eu cette défaite lors du Game 7 des Finales de Conférence Ouest 1993 contre les Suns de Charles Barkley, et il y a eu évidemment l’élimination choquante face aux Nuggets au premier tour l’année suivante, les Sonics devenant la première équipe all-time à perdre contre un seed #8 alors qu’elle était première de sa conférence. Une énorme déconvenue qui a fragilisé la place de George Karl sur le banc, lui qui n’est pas passé très loin de se faire virer en 1995 après une nouvelle élimination au premier tour des Playoffs. C’est finalement en 1998 qu’il a pris la porte, après deux nouvelles déceptions en demi-finale de conférence face aux Rockets et les Lakers. Celles de trop, d’autant plus que George était alors en froid avec son manager général, le pas commode Wally Walker.

Le passage de Karl à Seattle n’a pas été un long fleuve tranquille. Beaucoup de victoires en saison régulière, beaucoup de déceptions en Playoffs, et des clashs à droite à gauche avec le management mais parfois aussi ses propres joueurs. “Gary, Shawn et moi, nous avions une idée différente de quelle était la bonne manière de jouer au basket. Parfois, ils décidaient qu’un simple lay-up ou dunk était trop ennuyant, alors ils tentaient un alley-oop avec la planche ou un truc du genre, et ça rendait le public complètement fou. Cela me rendait fou aussi, car c’était un manque de respect pour le jeu” dira l’ancien coach des Sonics plus tard dans son autobiographie. Des clashs de philosophie, des clashs de personnalité aussi. Gary Payton avouera lui qu’il voulait parfois arracher la tête de son coach, preuve supplémentaire que tout n’était pas rose dans la ville émeraude. Néanmoins, les Sonics version George Karl ont clairement marqué les années 1990 et représentent la dernière ère glorieuse d’une franchise qui a depuis disparu de la carte NBA, et qu’on espère revoir un jour dans la Grande Ligue.

Le passage de George Karl aux Sonics, symbole de sa carrière

Sur de nombreux aspects, le passage de George Karl à Seattle est symbolique de sa carrière. Des succès en saison régulière, il y en a eu un paquet, 1 175 exactement, à savoir le sixième meilleur total de l’histoire derrière des légendes du coaching comme Gregg Popovich, Phil Jackson et Pat Riley. La longévité de George – 27 ans sur les bancs et 1 999 matchs disputés – y est évidemment pour beaucoup mais ça n’enlève en rien le succès qu’il a pu connaître à Seattle, mais aussi Denver ou encore Milwaukee. Pas un hasard si on retrouve sur son CV un titre de Coach de l’Année en 2013 avec les Nuggets et quatre nominations pour entraîner au All-Star Game en 1994, 1996, 1998 (avec Seattle) et 2010 (avec Denver). Le bilan comptable en Playoffs est par contre beaucoup moins reluisant avec 80 victoires pour 105 défaites, et aucune bague de champion au doigt. On a parlé des nombreuses déceptions avec les Sonics, c’était également le cas avec les Nuggets qui ont été éliminés huit fois au premier tour en neuf participations sous Karl. La dernière, c’était en 2013, où George s’est fait jeter seulement un mois après avoir remporté le titre de meilleur coach de la saison. Autre point noir au tableau, George Karl restera pour toujours le coach de l’équipe américaine qui est tombée pour la première fois avec des joueurs NBA aux Championnats du Monde 2002, qui plus est à la maison (à Indianapolis). Une véritable humiliation à l’époque.

Et puis il y a eu ces clashs, ces frictions avec des dirigeants et certains de ses joueurs. En 2017, George Karl a sorti son autobiographie “Furious George”, dans laquelle – comme son titre peut le laisser penser – il se lâche pour expliquer comment il a survécu face aux “divas de la NBA et aux GM qui ne comprennent rien”. Ce livre a beaucoup fait réagir à l’époque, notamment chez les joueurs directement visés comme Carmelo Anthony, DeMarcus Cousins ou encore Kenyon Martin. Et si ça lui a peut-être fait du bien sur le coup, ça n’a pas vraiment fait du bien à sa réputation, certains pointant du doigt ces méthodes et surtout des passages borderline, comme lorsqu’ils traitent Martin et Melo de “AAU Babies” car ils n’avaient pas de père à leur côté pour leur dire “comment se comporter en homme”. Tout ça, ça fait également partie de la legacy de George Karl. Une legacy complexe pour un coach talentueux, mais dont la personnalité ne faisait clairement pas l’unanimité au cours de sa carrière.

Adepte du jeu libre et du basket en transition mais également très demandeur défensivement, George Karl a su se construire une carrière calibre Hall of Fame malgré son manque de succès en Playoffs et certaines polémiques pouvant l’entourer. Une intronisation méritée pour “Furious George”, qui a coaché pendant presque trois décennies en NBA (et quelques années supplémentaires dans des ligues mineures ou encore au Real Madrid) tout en devant faire face à un cancer à plusieurs reprises entre 2005 et 2016. 

Sources texte : NBA.com, ESPN