Les douze travaux de Rudy Gobert : depuis sa Draft en 2013 jusqu’à son transfert chez les Wolves, le chemin parcouru est immense
Le 09 juil. 2022 à 13:34 par Giovanni Marriette
Vendredi 1er juillet, 21h30 environ, et la planète basket s’émeut encore de la demande de transfert de Kevin Durant, la veille à la même heure. Mais ce soir-là c’est en français que la NBA parle puisque l’on apprend que Rudy Gobert va quitter le Jazz après neuf ans de très bons et immensément loyaux services. Direction le Minnesota dans un trade incluant tout l’avenir des Wolves en contrepartie, mais récupérer Rudy Gobert est un luxe et on va tenter de vous expliquer pourquoi. Rudy Gobert en douze chapitres ? C’est parti.
La déception de la Draft puis quelques semaines au purgatoire, passage obligatoire avant l’envol
Nous sommes en juin 2013, Rudy Gobert est une asperge de 2m16 et 25 kilos environ, mais le potentiel entrevu du côté de Cholet laisse entrevoir un futur brillant pour les scouts. La preuve, Rudy est pressenti pour monter jusqu’aux alentours du Top 10 à la Draft. Malheureusement il faudra attendre jusqu’au pick 27 lors de la cérémonie, et ce soir-là c’est un premier tournant pour la Gobe. Tim Connelly, alors tout frais GM des Nuggets, drafte le Français… mais l’envoie directement au Jazz contre l’illustre Erick Green, probablement plâtrier peintre dans l’Alabama à l’heure où l’on parle. Neuf ans plus tard et débarqué dans le Minnesota, Connelly fera amende honorable en ramenant Rudy dans le transfert que vous connaissez, mais à l’époque rien n’était gagné pour le Français qui a donc, à l’instar de beaucoup d’autres prospects, du commencer par faire ses preuves en G League, à l’époque D-League, avec la Dream Team (non) du Jam de Bakersfield. Résultats des courses ? 8 matchs pour des moyennes de 13,9 points, 11,4 rebonds et 3 contres, une domination, déjà, malgré la fébrilité d’alors du grand dadais, mais une fois rappelé par le groupe NBA le Saint-Quentinois ne mettra plus jamais les pieds à l’échelon inférieur.
La Coupe du Monde 2014, une médaille incroyable et l’avènement d’un gamin dont on devrait parler pendant très longtemps
Un an après l’EuroBasket 2013, remporté par la France de Tony Parker, l’EDF se présente cette fois-ci au Mondial espagnol sans TP ni Nando De Colo. L’objectif est évidemment d’aller chercher une médaille mais, dans le viseur, on pense déjà côté Français à… l’Euro 2015, que la France jouera à domicile. Malgré tout, la compétition reste encore aujourd’hui comme un modèle du genre pour nos Bleus, notamment grâce à Rudy, qui va alors se révéler officiellement au monde grâce à un quart de finale exceptionnel face à l’Espagne. Jamais la France n’avait battu l’Espagne quand Pau Gasol est sur le terrain et ce sera désormais chose faite une heure plus tard, grâce à un shoot légendaire de Thomas Heurtel mais grâce également (surtout ?) à une perf monstrueuse de Rudy face aux frères Gasol et à Serge Ibaka. Tranchant en attaque et injouable en défense, Rudy démoralise la Roja en tenant, lui et sa défense, la machine ibérique à une cinquantaine de points, et à la tristesse d’une défaite en demi contre la Serbie se substituera la joie d’une médaille de bronze arrachée face à la Lituanie quelques jours plus tard. L’Espagne est vaincue, chez elle, et le Rudy Gobert international est né.
Présent en 2017 dans la All-NBA 2nd Team, l’ascension est rapide messieurs dames
Grand bond trois saisons plus tard, et Rudy fait désormais partie du gotha. Les stats grimpent doucement, si bien qu’en 2017 le pivot du Jazz devient le meilleur contreur de NBA sur la saison (pour la seule fois de sa carrière pour l’instant) et qu’il intègre – surtout – la All-NBA 2nd Team. Ses compagnons dans les deux meilleurs cinq de la Ligue cette année-là ? LeBron James, Kawhi Leonard, Anthony Davis, James Harden et Russell Westbrook dans le premier et Giannis Antetokounmpo, Kevin Durant, Isaiah Thomas et Stephen Curry dans le deuxième. Le gotha on vous dit. Reconnu unanimement parmi les trois ou quatre meilleurs pivots de la Ligue malgré son statut assez unidimensionnel de défenseur, Rudy a ensuite été nommé dans la All-NBA Third Team à trois reprises, en 2019, 2020 et 2021. Le gotha on vous a dit.
Les Playoffs, chaque année depuis 2017. Des déceptions oui, mais les Playoffs tous les ans
2017, défaite 4-0 en demi-finales de conférence face aux Warriors. 2018, même parcours mais défaite 4-1 face aux Rockets. 2019, même adversaire et même score, mais cette fois-ci dès le premier tour. 2020 dans la bulle ? La folie de Jamal Murray et Nikola Jokic l’emportent 4-3 face au Jazz, également dès le premier tour et ce malgré des perfs Jordanesques de Donovan Mitchell. 2021, retour en demi-finales de conf mais choke incroyable contre Terence Mann et les Clippers. 2022 pour finir, élimination face à des Mavs d’un Luka Doncic sur une patte. Comme dirait Yvick, accessoirement poto de Rudy, “ça fait beaucoup là non ?”, et la grande déception de Rudy Gobert lors de ses années Jazz restera probablement cette incapacité à enchainer les tours de Playoffs, chaque printemps, chaque année. Souvent bien placés en régulière, parfois même très hauts dans la hiérarchie de l’Ouest (2017, 2019, 2021), Rudy et le Jazz se seront heurtés de nombreuses fois à… leur palier, incapables de s’adapter à leurs match-ups, incapables de trouver une alternative en attaque à un Spida souvent bien trop seul et poussé de facto à jouer les héros. Il n’empêche que sur le CV ça fait une cinquantaine de matchs de Playoffs pour RG, ce qui fait de lui un gage d’expérience dans une équipe des Wolves qui en a joué onze depuis 18 ans.
Meilleur défenseur de l’année à trois reprises, Monsieur Rudy Gobert cause avec des légendes
C’est évidemment LA stat qui fait aujourd’hui de Rudy Gobert un nom qui pèse dans la sphère NBA. Meilleur défenseur de la Ligue en 2018, 2019 et 2021, membre depuis 2017 (six fois de suite, série en cours) de la All-NBA 1st Defensive Team et donc, si l’on s’en réfère aux chiffres… le n°3 ALL-TIME au palmarès des meilleurs défenseurs de l’histoire puisque seuls Dikembe Mutombo et Ben Wallace ont remporté l’award à quatre reprises et que la Gobe squatte ensuite aux côtés de Dwight Howard, lui aussi triple-vainqueur du trophée. Vraie machine à crêpes redoutée de tous les attaquants de la Ligue, même si postériser Rudy est devenu un tiret de la to-do-list de pas mal de voltigeurs. Quasiment sur le podium des meilleurs contreurs de la Ligue tous les ans depuis 2017, Rudy a également développé au fil des ans une capacité intéressante à défendre les plus petits sur les switchs, même si le YouTube Game préfère évidemment se gausser de ses quelques pas de danse effectués jadis en défense sur Chris Paul ou Stephen Curry. Il n’en demeure pas moins qu’aujourd’hui la défense de Rudy est un must, un must all-time, autant par sa capacité à contrer qu’à se déplacer latéralement, autant dans la dissuasion que dans l’organisation de sa défense collective.
La Coupe du Monde 2019 et l’exploit face à Team USA, Myles Turner c’est de l’eau
Équipe de France, on y retourne, pour l’un des plus grands exploits de l’histoire contemporaine des Bleus. Nous sommes le 11 septembre 2019, la température est fraiche à Dongguan, en Chine, juste assez douce pour un exploit français. France Team USA c’est l’affiche, en quarts de finale de la compétition, et une odeur de “quelque chose ” se propage à quelques heures du match car cette équipe américaine semble fébrile, portée il est vrai par des joueurs – à l’époque – de seconde zone, mais portée tout de même par des mecs dont les noms vous disent forcément quelque chose deux ans plus tard (Jayson Tatum, Marcus Smart, Jaylen Brown, Donovan Mitchell…). Bref, Kurt Helin et 98% des observateurs annoncent évidemment la France dans les cordes, mais au terme d’un match bouillant et plein de suspense ce sont bien Rudy Gobert et ses soldats qui taperont Team USA, première défaite américaine dans une compétition officielle depuis… 13 ans et 58 matchs. Rudy cartonne toute l’Amérique avec 21 points, 16 rebonds et 3 contres et lâche par la même occasion le plus gros match de sa carrière en Bleu depuis… ce fameux France – Espagne de 2014, et la France fait donc la Une de la planète basket pendant 48h avant de se faire secouer les bretelles par un intérieur argentin aussi légendaire que vieux. Peu importe ou presque, une fois de plus la médaille de bronze sera au bout, et une fois de plus Rudy Gobert a montré au monde qu’il était bien l’un des meilleurs pivots de la planète.
Trois fois All-Star, série en cours
Tony Parker et Joakim Noah avaient ouvert la voix, et Rudy Gobert était bien parti avant son transfert pour aller chercher Tony et ses six sélections. Nommé All-Star en 2020, 2021 et 2022, Rudy a donc participé depuis trois ans à la grande sauterie officielle de la NBA au coeur de l’hiver. Systématiquement choisi par les coachs car il reste très loin dans le classement des fans du fait d’un profil moins “spectaculaire”, le géant n’en fait pas moins partie du gratin et a même été évoqué pendant un temps comme un potentiel… MVP de l’édition 2020, pour ses premiers pas parmi les étoiles. La récompense un peu officieuse de son talent et de son importance dans la Ligue depuis toutes ces années, et l’objectif désormais d’y retourner avec le maillot des Wolves même si la densité de stars présentes dans le Minnesota aura peut-être raison de sa production et donc de ses chances d’ajouter d’autres étoiles à son CV. Mais trois fois All-Stars c’est déjà fou non ?
L’épisode malheureux de la conférence de presse pré-COVID
C’est pour l’instant le gros point noir de sa carrière NBA, et il semblerait qu’il ait plus ou moins précipité la fin de son bail avec le Jazz puisque depuis mars 2020, rien n’a plus paru pareil dans l’Utah. Nous sommes donc à quelques semaines du printemps 2020, une vague incroyable va nous tomber bientôt sur la gueule, on parle bien entendu de la crise sanitaire qui nous empêche de péter tranquille depuis bientôt trois ans. Quelques jours avant l’annonce officielle des premiers cas positifs en NBA et donc de l’arrêt de la saison (qui ne reprendra qu’en juillet), Rudy se présente en conférence de presse et ironise sur la question de la contagion du virus. Quelques heures plus tard il sera positif au COVID et considéré donc comme le patient zéro en NBA, ce qui ne veut pas dire grand chose mais ce qui le met dans la situation très inconfortable de “celui par qui tout est arrivé”. Malgré les excuses le mal est fait et le malaise est palpable jusque dans le vestiaire du Jazz, où l’on annonce ça et là que la pilule aurait du mal à passer, notamment pour Donovan Mitchell, l’autre leader de la franchise. Depuis les rapports sont professionnels mais ont toujours semblé tendus, et deux ans et demi plus tard ce transfert vers le Minnesota a peut-être bien trouvé son origine dans la maladresse de Rudy. Erreur de communication, rien de plus, mais aux conséquences importantes, peut-être.
Les Jeux olympiques 2021, si près si loin
Dernier passage par la case Équipe de France, on reste en Asie mais cette fois-ci du côté de Tokyo, en 2021 pour les JO de… 2020, toujours ce foutu COVID. Les Français évoluent pépouze dans la compétition, éclatent en poules une équipe américaine drivée cette fois-ci par Kevin Durant et un vrai roster bien solide, et ils retrouvent donc leur nouveau meilleur ennemi… en Finale des Jeux Olympiques, pour un remake en 5D du France – Etats-Unis de 2000 à Sydney. Nicolas Batum vient de briser les rêves de Luka Doncic en demi-finale avec une action entrée dans la légende, et pour cette finale Rudy Gobert et les Bleus vont tenir la dragée très haute à Team USA. Une défaite 87-82 parce que, vraiment, Kevin Durant est une légende, mais collectivement et dans l’intensité le squad de Vincent Collet n’a pas grand chose à regretter. Rudy ? Des lancers ratés, dommage, mais un rôle de leader pris à bras-le-corps et désormais un statut d’indéboulonnable pour tous les fans de basket sur la planète. Et si la France est aujourd’hui aussi respectée par Team USA, Rudy Gobert y est pour BEAUCOUP.
Des records dans tous les sens, des distinctions individuelles, bref des chiffres, beaucoup de chiffres
Il y a donc les contres. 2,2 par match depuis le début de sa carrière et quasiment 1 500 au total, ce qui le place d’ores et déjà dans le Top 50 all-time. Il y a aussi les rebonds, beaucoup, beaucoup de rebonds. Quatrième meilleur spécialiste NBA en 2017, 2019 et 2020 deuxième en 2021 et nouméro ouno en 2022. Plus de 7 500 rebonds depuis sa Draft, à deux bumps du Top 100 all-time. Next ? Rudy Gobert est devenu la saison passée l’homme qui a le plus dunké en une seule saison, parce qu’un panier facile vaut autant de points qu’un jab step avec trois défenseurs sur le paletot. Des chiffres, des chiffres et toujours des chiffres. Des matchs par dizaines au dessus des 20 rebonds, la barre des 10 contres tutoyées à de nombreuses reprises, et une adresse à faire pâlir un facteur puisque le garçon est le joueur le plus adroit de la Ligue depuis quatre ans avec une pointe à plus de… 70% la saison dernière. En bref ? Si vous connaissez la TTFL, vous connaissez forcément Rudy Gobert et il vous a forcément déjà rendu heureux au réveil.
Le Jazz se souviendra d’un joueur mais également d’un homme
Si l’on a montré par A + B = hypothénuse que Rudy avait marqué l’histoire du Jazz en s’y inscrivant comme l’un de ses meilleurs joueurs, il est également reconnu à Salt Lake City pour son engagement auprès de la communauté. Un peu d’histoire : Roudi a grandi avec sa mère à Saint-Quentin dans l’Aisne, et le moins que l’on puisse dire est qu’on était loin à l’époque d’être sur un train de vie de ministre. Non, le foyer est modeste et il est sans doute apparu comme logique pour Gobert de s’investir localement pour aider les personnes dans le besoin. C’est au moyen de sa fondation Rudy’s Kids que le pivot met ainsi en place diverses actions visant à améliorer le quotidien de centaines d’enfants et de familles. Les actions en question ? L’ouverture d’une cantine pour permettre à des jeunes issus de milieux défavorisés de bénéficier de repas équilibrés, la distribution de cadeaux à Noël aux familles dans le besoin… et des chèques reversés aux associations locales pour chaque dunk effectué en match par le pivot. Utah a beaucoup donné à Rudy en matière de basket, et Rudy rend au moyen d’actions permettant aux gens du secteur de mieux vivre. La ville de Salt Lake City se souviendra d’un homme grand sur le terrain, et encore plus en dehors.
Bonus track, le type a fait la préface de notre premier bouquin, et on l’a même mis en couverture d’un agenda
Parce qu’il faut bien faire la part belle à nos héros nationaux, TrashTalk a demandé en 2018 à Rudy Gobert d’écrire la préface de son premier livre. L’apex – pour l’instant – de sa carrière d’écrivain, si bien que quatre ans plus tard nous luis offrîmes la chance d’apparaitre sur la couverture de notre agenda scolaire 2022-23. Avec le maillot du Jazz, mais ça c’est une autre histoire…
Rudy est arrivé à Utah en tant qu’adolescent, il en repart en tant qu’homme épanoui. Tout n’a pas toujours été rose pendant ses neufs années de vie commune avec le Jazz, mais c’est aussi ça qui fait l’histoire dans sa globalité est un fantastique récit. M’sieur Gobert, vous risquez sans doute de manquer aux montagnes mais désormais, il faut regarder vers l’avenir qui s’écrit dans la tanière des loups.
Sources : ESPN, Rudy’s Kid Foundation.