Red Holzman : l’architecte du paradis au Madison Square Garden

Le 21 févr. 2022 à 13:17 par David Carroz

Red Holzman
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En se penchant sur les grands noms des Knicks, on pense rapidement à Pat Ewing, Walt Frazier, Willis Reed, James Dolan (non). Il ne faudrait surtout pas oublier Red Holzman. L’homme qui a amené à la franchise de Big Apple ses deux premiers – et à ce jour seuls – titres. Même s’il n’a jamais voulu tirer la couverture à lui, celui qui est à la base des trophées de 1970 et 1973 n’en demeure pas moins une personne à part dans le coeur des fans du Madison Square Garden.

New York et le basket comme amours

Ce fils d’immigrés juifs né à New York City en 1920 a Big Apple dans la peau. Il y grandit, fait son lycée à Brooklyn avec le paternel de Kareem Abdul-Jabbar à Brooklyn. Il tâte d’ailleurs d’une balle qui rebondit avec lui. Pas la grosse orange qui va rythmer sa vie, jouant au handball. Jusqu’à ce que le basket prenne une place primordiale, ce qui n’a rien de surprenant dans les thirties puisque ce sport est particulièrement populaire au sein de la communauté juive américaine.

Il fait donc ses gammes à New York, avant de s’envoler vers Baltimore pour aller à l’université. Faux départ, il rentre très vite à Big Apple, préférant NYC au Maryland. Mais surtout il a besoin de sa maman dont il est très proche. C’est finalement au réputé City College of New York qu’il poursuit son histoire d’amour avec la gonfle. Là, il se retrouve sous les ordres de Nat Holman, en charge du programme depuis 1919 en parallèle de sa carrière pro au sein des Original Celtics. Un mec qui connait un peu son sport, comme le prouve son surnom de Mr. Basketball. Il transpose d’ailleurs de nombreux éléments de l’équipe au trèfle à son coaching, comme les valeurs d’abnégation, de collectif, de travail. Red Holzman ne le sait pas encore, mais cet enseignement va lui servir des années plus tard.

Premiers bas vers le coaching

La guerre venant troubler les projets des jeunes américains dans les années quarante, Holzman n’échappe pas à l’enrôlement. Il sert son pays pendant trois piges, avant de retrouver les parquets en 1944. Il évolue alors en National Basketball League sous le maillot des Rochester Royals. Une première saison plutôt sympa puisqu’il repart avec le trophée de rookie de l’année ainsi que le titre. On comprend donc qu’il reste un peu, surtout qu’il n’est pas loin de chez lui. Lorsque la franchise rejoint la NBA en 1951, il est encore de la partie et dispose d’une petite réputation pas dégueu, celle d’un meneur collectif et défensif pour qui l’équipe est la priorité. Vous le voyez le portrait du mec affublé de la caractéristique de floor general, considéré comme la voix de son coach sur les parquets ?

Et bien vous avez raison, puisque Red Holzman glisse doucement dans ce rôle de tacticien. En 1953 il quitte Rochester pour signer chez les Hawks de Milwaukee avec la casquette d’entraineur joueur. Une suite logique, malgré un succès pas forcément au rendez-vous, même s’il poursuit le coaching dans le Wisconsin puis le Missouri quand les Faucons déménagent à St. Louis. Pour sa part, il laisse à partir de 1954 ses sneakers au vestiaire.

Retour au bercail

Cette première aventure sur un banc prend fin lors de la saison 1956-57 après dix-neuf revers en trente-trois rencontres. Mais son amour pour le basket reste intact et il rebondit… à New York, bien entendu, où il se retrouve scout pour les Knicks. La franchise collectionne les coachs pendant une décennie, sans réussir à franchir un palier. Jusqu’à ce que Ned Irish, le proprio, ne décide de confier les rênes de l’équipe à Red Holzman. L’homme ne veut pas du job et des implications médiatiques inhérentes. Mais le boss ne lui laisse pas trop le choix et Red remplace bien Dick McGuire dont les résultats ne sont pas conformes aux attentes placées dans ce roster qui ne manque pourtant pas de talent, mais plutôt d’âme et de cohérence dans le jeu.

Nous étions douze gars différents allant dans douze directions différentes. – Walt Frazier

Les premiers pas sont encourageants. Alors qu’il hérite d’un bilan de 15-22, la saison 1967–68 est bouclée dans le positif, avec 43 succès pour 39 défaites. Suffisant pour aller se faire sortir 4-2 par les Sixers au premier tour des Playoffs. Maintenant que les bases sont posées, Red Holzman peut mettre en place son jeu, son style. Il dispose des différentes pièces du puzzle qu’il doit construire à son image. Facile, c’est lui qui a choisi de les avoir en main. En effet, la plupart des joueurs du roster ont été scoutés et conseillé à la franchise par ses soins : Frazier, Reed, le rookie Phil Jackson. Il les a tous étudiés en détail. Il connait leurs forces, leurs faiblesses. Et leur personnalité. Il a oeuvré pour qu’ils fassent partie de l’organisation.

Le message est désormais clair, la mentalité doit changer. Être un Knickerbocker est un honneur, il faut mouiller le maillot sur les parquets. Se montrer exemplaire en dehors. La consigne principale est reçue, passons aux détails. Ce sont justement ces petites choses auxquelles Holzman accorde de l’importance, auxquelles les joueurs doivent désormais faire attention. Ces petits rien qui font basculer un match. Une saison. Un groupe de joueurs en une équipe. Cela passe par plus de discipline et de professionnalisme. Puis par la défense, collective avant tout, sur tout le terrain pour mettre la pression à l’adversaire. Un altruisme en attaque avec la balle qui tourne. Plus de mouvement = plus de bons shoots pour tout le monde.

Des notions héritées de Nat Holman, qui définissent ce qu’on appelle à l’époque l’Eastern Basketball et qui ont fait la renommée des Original Celtics puis des New York Rens. D’une certaine façon, cette génération des Knicks est leur descendant et s’inscrit dans l’histoire des grandes équipes de Big Apple. Mais il faut valider tout cela par un titre, au risque de sombrer plus tard dans l’oubli, peu importe si vous proposez l’un des meilleurs jeux collectifs vus en NBA.

When Garden Was Eden

Les joueurs adhèrent et suivent leur guide qui accorde autant d’importance aux stars qu’ont mecs au bout du banc. Ce discours leur fait accepter les sacrifices pour le bien de l’équipe. Cela se ressent sur les parquets, le premier exercice complet de Red Holzman sur le banc se terminant par 54 victoires. Malheureusement, les Celtics sont une marche trop haute en Playoffs. Mais ce qui a été démontré en 1969 fait des Knicks des favoris pour la saison suivante. Ils la débutent sur les chapeaux de roue, se montrant au niveau espéré. Portés par une série de dix-huit succès consécutifs (pour un bilan de 23-1 après quelques semaines), la confiance est au plus haut.

En lire plus sur la série victorieuse des Knicks.

Big Apple s’embrase pour les Knicks, ses Knicks. Le Madison Square Garden est un rendez-vous incontournable, les joueurs deviennent des icônes. Holzman lui préfère l’ombre. Il fuit cet emballement, se cache derrière son humilité, laissant ses gars prendre la lumière. Il sait – et eux aussi – que le véritable juge de paix sera la post season. Que le bilan record pour la franchise (égalé depuis en 1993) de 60 succès pour 22 revers ne vaut pas grand chose s’il n’y a pas le titre au bout. Alors certes, il pourrait se consoler avec son trophée d’entraîneur de l’année, mais celui qui ne jure que par le collectif n’en a certainement pas grand chose à cirer.

Quand se présente l’occasion d’offrir à Big Apple son premier titre NBA après trois échecs dans les fifties (1951, 1952 et 1953), les Knicks ne doivent pas et ne peuvent pas trembler. Sauf que les Lakers comptent bien les emmerder jusqu’au bout et repartir avec le trophée. Ils l’ont d’ailleurs déjà briser les rêves new-yorkais à deux reprises (1952 et 1953). La série va en sept manches, avec la dramaturgie qui sied bien à ses instants épiques. Mais la blessure de Willis Reed ne fait que donner des sueurs froides au Madison Square Garden, Walt Frazier fait le taf pour offrir une nuit de liesse à NYC.

En lire plus sur le Game 7 des Finales de 1970.

Bien entendu, l’objectif est de réaliser le back-to-back. Red Holzman injecte du sang neuf avec la venue de Earl Monroe à Big Apple. Insuffisant, en partie à cause de la blessure de Willis Reed en 1971. Mais les troupes reviennent motivées avant de perdre la revanche face aux Lakers en 1972. La machine se relance la saison suivante et la belle face aux Lakers semble en bonne voie. Jusqu’à la finale de conférence où la belle mécanique s’enraye, perturbée par les Celtics.

Alors que les Knicks mènent trois victoires à une, les hommes au trèfle se relance. Ils remportent les deux manches suivantes avant de retourner  au Boston Garden. Ça sent fort le “they blew a 3-1 lead”. Mais non. En patrons, les joueurs de Red Holzman s’imposent dans le Massachusetts pour l’une des plus grandes victoires de sa carrière. Venir à bout des Celtics de Red Auerbach (General Manager à l’époque) en déplacement au Boston Garden lors d’un Game 7, c’est fort. Très fort. Et validé un peu plus tard avec le titre remporté face aux Lakers. Un dernier point d’exclamation pour cette période dorée des Knicks dont Holzman est l’architecte.

Se replonger dans When the Garden Was Eden.

Voilà, c’est (presque) fini

S’en suivent cinq nouvelles saisons sur le banc new-yorkais, moins brillantes avec entre autres le départ à la retraite de Willis Reed. Le pivot remplace d’ailleurs Holzman à la fin de son mandat, avant un come-back du coach une année plus tard pour trois nouveaux exercices. Il tire alors définitivement sa révérence en 1982 avec un bilan de 694 victoires en 1300 rencontres (613 succès sur 1097 chez les Knicks), à l’époque le deuxième plus grand nombre de W de l’histoire de la NBA.

Un chiffre depuis dépassé par plusieurs grands coachs, dont Phil Jackson, son ancien joueur. Un Zen Master qui n’a jamais caché l’influence de Red Holzman sur sa philosophie de jeu dont bien d’autres se sont inspirés également. Pour faire cohabiter des égos et des grands joueurs et en construire un collectif, l’ami Philou a été à bonne école.

Cette école, c’est celle d’un homme intronisé au Hall of Fame en 1985 et dont le maillot floqué d’un 613 en hommage à ses victoires flotte au plafond du Madison Square Garden. Un gars qui lors de cette cérémonie n’a rien trouvé de plus logique que de remercier ses joueurs qui ont fait de lui un grand coach. So Red Holzman.