Patrick Ewing, le beautiful loser de Michael Jordan

Le 05 août 2015 à 17:23 par David Carroz

Michael Jordan Patrick Ewing
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Années 90. Les Bulls, dans le sillage de Michael Jordan, dominent la planète basket. De nombreux joueurs de cette belle génération ne remporteront d’ailleurs aucun titre, souvent stoppés par MJ et sa bande : Reggie Miller, John Stockton, Karl Malone, Charles Barkley… Mais celui qui a certainement le plus souffert de la domination des Taureaux – ainsi que la franchise qu’il représentait – reste Patrick Ewing, 4 fois éliminé par Chicago lors des 6 trophées ramenés à Windy City. Portrait du beautiful loser, visage des Knicks pendant une décennie et demie.

Perdant. C’est souvent comme cela que Pat est qualifié. Quelle injustice pour celui qui a mené Georgetown au titre en NCAA et qui a également brillé et décroché l’or avec la Dream Team en 1992 (en plus d’une autre médaille du plus précieux des métaux en 1984). Il a cru pouvoir enfin vaincre le signe indien en 1994, alors que son bourreau usait ses pantalons sur les terrains de baseball, mais une armée de shooteurs entourant un Hakeem Olajuwon au sommet de son art auront raison des Knicks en Finales. Malgré une adresse catastrophique (36,3%), “The Beast of the East” se démène et sort 18,9 points, 12,4 rebonds et 4,3 contres de moyenne sur les 7 rencontres, fixant ainsi un record pour l’époque (depuis battu par Tim Duncan en 2003) du nombre de blocks réussis (30) sur la dernière manche des Playoffs. Insuffisant pour son seul voyage à deux doigts du Graal. Car si en 1999 New York réussit l’exploit d’arriver au même niveau malgré une 8ème place à l’Est, Pat ne sera de la partie que depuis le banc, souffrant d’une rupture du tendon d’Achille. Pour un résultat encore plus sévère puisque les Knicks n’arriveront pas à rivaliser avec les “Twin Towers” des Spurs, malgré leur cœur et l’énergie de Sprewell. La bande à Jeff Van Gundy n’arrivera donc pas à offrir à Ewing la bague qu’il leur avait demandée.

Après être arrivé à 12 ans dans le Massachusetts où il poussera encore plus qu’un pied de weed peut le faire sur l’île de la Jamaïque, le numéro 33 va réussir va vite faire sa place dans les raquettes chez les jeunes avant d’être le premier 1st pick de la Draft issu de la loterie. L’occasion d’une polémique initiale sur le tirage au sort de l’enveloppe (cornée ?) qui donnera ce choix à New York. Peu importe, Patrick Ewing n’en a cure et réussi une excellente saison pour un débutant malgré un exercice tronqué par les blessures. Avec 20 points, 9 rebonds et 2,1 contres, il est élu rookie of the year, même s’il ne joue que 50 matches. Il succède ainsi à Michael Jordan au palmarès d’un trophée. Pour la seule et unique fois de sa carrière, comme s’il devait vivre dans l’ombre du Taureau 23. Résumer les saisons de Patrick Ewing et les nineties chez les Knicks aux défaites face aux Bulls peut paraître – et est forcément – réducteur. Mais malheureusement pour le pivot, cette rivalité l’a marqué au fer rouge.

Pourtant, avec 21 points, 9,8 rebonds et 2,4 contres en 17 ans – 22,8, 10,4 et 2,7 si on se limite à ses années new-yorkaises – Ewing offre des statistiques en carrière à faire pleurer les pivots actuels. Dans une génération chargée en postes 5 de grand talent (Olajuwon, Robinson puis O’Neal et Mourning entre autres), il a su tirer son épingle du jeu pour être sélectionné 11 fois au All-Star Game (9 participations, 3 titularisations), être élu 3 fois dans la All-Defensive Second Team et 7 fois dans les All-NBA Team (1 fois dans la première, 6 fois dans la seconde). Il faut dire qu’avec 9 saisons consécutives en double-double avec plus de 20 points, le natif de Kingston a pesé dans la balance au moment de qualifier régulièrement les Knicks en Playoffs, avant de se faire sortir en 1989, 1991, 1992, 1993 et 1996 par les Bulls, seule la saison 1994 – comme évoqué plus tôt – voyant “The Hoya Detroya” et son équipe prendre le dessus sur la franchise de Scottie Pippen. Des échecs qui auront nourri les critiques de ses détracteurs mettant en doute ses qualités de leadership et le fait qu’il soit le go-to-guy de Big Apple. Comme si Patrick Ewing avait été le seul à s’incliner régulièrement devant “His Airness”.

Surtout qu’à l’instar des Knicks, “Big Pat” n’était pas du genre à baisser la tête face aux Bulls. Regard noir, tête haute, il ne refusait pas le combat. Sur ses 27 matches de Playoffs face à Jordan, Ewing a envoyé ses stats habituelles – 22,4 points, 10,8 rebonds et 2,1 contres – pour résister mais également tenter de battre Chicago. En vain. Pourtant, saison après saison, confrontation après confrontation, jamais il n’a cessé de croire que ses Knicks avaient de quoi renverser la franchise de l’Illinois : des muscles, de la défense, de l’envie, de la hargne et même du talent. Des ingrédients qui ont parfois poussé Phil Jackson et ses hommes dans leurs derniers retranchements, mais qui n’ont jamais suffi pour faire plier MJ. Comme beaucoup donc, il pourra nourrir de nombreux regrets pour avoir joué en même temps que JoJo. Même chez les Monstars, il n’a pas réussi à venir à bout d’un Jordan entouré des Toons. Quelle galère pour ce pauvre Pat ! Surtout que son bourreau est maintenant son employeur et qu’il n’est pas connu pour garder sa langue dans sa poche, et il l’a depuis recalé ou poste de head coach de Charlotte. Comme si Mike tenait à rappeler à son ami que depuis son poster en 1991, il n’était qu’un objet parmi tant d’autres en sa possession. Dur pour celui qui reste pour beaucoup le symbole des Knicks. Car malgré l’absence de titre pour cette génération des années 90, ils ont su rivaliser avec l’équipe championne en 1970 et 1973, égalant d’ailleurs le record de 60 victoires en une saison régulière. 15 ans après son départ, personne n’a su prendre le relai et porter haut le flambeau de Big Apple sur la planète NBA.

A l’heure où les Knicks se cherchent une nouvelle identité et un état d’esprit, cette équipe – emmenée par Patrick Ewing, John Starks, Charles Oakley ou encore Anthony Mason – devrait résonner comme une évidence sur le style à suivre. Eux qui n’ont pas connu un joueur de la trempe de leur pivot historique depuis son trade à Seattle en 2000 ne doivent pas oublier que l’envie est essentielle. Melo a beau être un joueur local, il lui en faudra bien plus pour pouvoir prétendre prendre une place aussi importante que celle de Pat dans le cœur des fans de Big Apple. Si Ewing était peut-être lui aussi un perdant, il restait magnifique.