Le billet d’Alex : Len Bias, un drame d’utilité publique

Le 18 nov. 2021 à 20:54 par Alexandre Martin

Len Bias
Source : YouTube

Il est né à Landover dans le Maryland un 18 novembre. Il a étudié au lycée Northwestern de Hyattsville dans le Maryland puis à l’université du Maryland. Il est décédé quelques mois avant d’avoir 23 ans d’une arythmie cardiaque due à une overdose de cocaïne, à Riverdale dans le Maryland. A première vue, la vie et la carrière de Len Bias n’ont jamais franchi les frontières de l’État qui l’a vu naître. Et pourtant, l’histoire de ce phénomène bien trop éphémère a fait le tour du monde de la balle orange, puis du pays. Tout simplement parce qu’à travers l’infinie tristesse et la profonde émotion qu’elle a provoquées, la destinée de Bias est devenue, dans les années 80 et est encore aujourd’hui, un symbole de la lutte contre la drogue, notamment de ses ravages dans le monde du sport et même au-delà. 

Plus de 11 000 personnes ont assisté à la commémoration en l’honneur de Bias le 23 juin 1986. Rien que ça. 

Len Bias a tout cassé – comme on dit dans le jargon très technique de nous autres les fans de basket – avec les Terrapins de l’université du Maryland, principalement lors de sa troisième et quatrième année lors desquelles il fut nommé ACC Player of the year. 203 centimètres pour environ 95 kilos de muscles, Bias était un pur ailier que l’on aurait sans problème qualifié de freak dans la NBA actuelle. Il était puissant, rapide et surtout doté d’une détente lui permettant d’essuyer la poussière sur l’horloge des 24 secondes (et accessoirement d’attraper toutes sortes de ballon en l’air pour en faire le alley-oop de la soirée). Mais il n’était pas qu’un sur-athlète. Il savait tout faire ou presque sur un parquet. Il pouvait shooter avec des pourcentages de réussite très sérieux (plus de 50% dans le champ et 80% sur la ligne de lancer), il était très présent au rebond depuis son poste 3, capable d’intercepter, de contrer, de jouer au poste, de partir en dribble en coast-to-coast ou en drive sur demi-terrain. Len Bias c’était la passion, la frénésie efficace, la puissance au service du show avec une capacité rare à faire se lever toute une salle sur une seule action. 

Un monstre. 

Un monstre que l’on compare sans trembler à Michael Jordan, arrivé deux plus tôt dans la grande ligue, mais qui pourrait plutôt faire penser à Grant Hill avant Grant Hill ou peut-être même LeBron avant LeBron. Un monstre que les scouts NBA regardent avec des yeux brillants. Sauf ceux des Cavaliers qui sélectionneront Brad Daugherty avec leur pick #1. Les Celtics eux, ne se feront pas prier pour choisir le prodige de Maryland en deuxième position. Si vous vous demandez comment les Celtics, champions en titre et déjà munis d’une des plus grandes équipes de tous les temps, ont pu se débrouiller pour obtenir le deuxième choix de la Draft 1986, renseignez-vous sur le génial Red Auerbach. Vous ne serez pas déçu ! Len Bias entend donc son blase sortir de la bouche de David Stern en numéro 2 en ce 17 juin 1986. Il est aussi en discussion avec Reebok. On parle d’un deal d’environ 1,5 millions de dollars sur cinq ans. Bias est sur un nuage. Il est sur le tremplin parfait pour devenir une superstar. Il faut reconnaître qu’il y a de quoi frémir rien qu’en imaginant le potentiel de Len Bias intégré au sein de ces Celtics commandés par Larry Bird et dont le roster pullule de futurs Hall of Famers. Qu’en aurait-il été de la fin des années 80 sur lesquelles Michael Jordan et les Bad Boys de Détroit ont régné ? Car ces Celtics vieillissants, qui se sont fait prendre le trône de l’Est, n’auraient-ils pas été bien plus difficiles à déloger ? Nous ne le saurons jamais. Car, tout de suite après la cérémonie de Draft, Bias va rentrer dans son Maryland, rejoindre des amis pour fêter cette fabuleuse journée, avec les conséquences fatales que l’on connaît… 

Il n’a jamais joué pour eux mais les Celtics l’ont honoré de leur propre commémoration le 30 juin 1986, offrant à sa mère un maillot vert floqué du numéro 30 et jamais utilisé. Ce qui fait de lui un membre de la famille au trèfle pour l’éternité.

Mais l’idée ici n’est pas d’essayer de refaire l’histoire. Il s’agit plutôt de s’intéresser à ce que celle de Bias nous a laissé. Le décès tragique du prodige du Maryland sera le point de départ de l’écriture d’une loi anti-drogue. Alors porte-parole de la chambre des députés (United States House of representatives) et représentant du Massachusetts (l’état dans lequel Bias aurait dû jouer en NBA), Tip O’Neil initie ce travail législatif qui aboutira sur le vote d’une loi anti-drogue dès les mois suivants. Une loi également appelée la loi Len Bias dont l’objectif est de donner beaucoup plus d’armes à la justice avec notamment des peines plancher largement rehaussées dans les cas de détention et surtout de trafic de drogues. Au mois de septembre 1986, accompagné de sa femme Nancy, le Président Ronald Reagan annonce officiellement le début de la “guerre contre les drogues”. Il parle de “croisade”. Il met à disposition des moyens colossaux en augmentant le budget fédéral de la lutte anti-drogue d’environ un milliard de dollars. C’est de la politique bien sûr. Il y a des élections qui approchent (novembre) et, démocrates comme républicains veulent se positionner sur le sujet qui vient de mettre leur nation en émoi. Il n’en reste pas moins que les choses bougent. L’immense problème des ravages de la drogue chez les sportifs, jeunes de surcroît, est enfin mis à la vue de tous, assumé et pris à bras le corps. Cette loi anti-drogue de 1986 ne sera d’ailleurs que le commencement de la prise de conscience politique et populaire, pas juste un effet d’annonce. En 1988, elle sera même durcie et elle sert toujours de socle aux batailles menées par les pouvoirs publics américains depuis plus de 30 ans. 

Len Bias aurait eu 58 ans aujourd’hui.  Son histoire est associé à un drame plutôt qu’à l’avenir radieux qui s’ouvrait devant lui. Ses exploits universitaires hérissent les poils de celles et ceux qui l’ont vu joué. Son nom est celui d’une loi historique. Sans mettre un pied en NBA, il a marqué le monde du sport. C’est triste, c’est même horrible mais c’est fort. C’est à la hauteur du prodige dont nous avons envie de nous souvenir. 

Petit mix de l’amigo Clutch-23 pour en prendre plein les mirettes



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