Pascal Siakam, à cœur ouvert : son évolution, sa blessure et le départ de Kyle Lowry, nul n’ébranle le moral d’un champion

Le 17 sept. 2021 à 15:47 par Arthur Baudin

Pascal Siakam Bein
source image : montage TrashTalk via Bein Sports

Il était une fois, une belle mauvaise histoire, ou l’inverse. En réalité, on ne sait plus trop quel qualificatif adjuger à l’aventure de Pascal Siakam en NBA, passé du rêve à la tourmente. Désormais solo pour emmener les Raptors squatter le Top 8, le Camerounais s’est confié à Sopan Deb du New York Times, revenant sur la dernière saison, sa blessure et ses problèmes d’ado. On débriefe.

Inespéré. À l’issue de l’exercice 2018, les Raptors de Toronto sont officiellement sacrés champions NBA pour la première fois de leur histoire. Dans un rôle de lieutenant d’un Kawhi Leonard tout simplement all-time, Pascal Siakam. S’il y avait bien un Camerounais que nous aurions vu sur le toit des States cette année-là, Spicy P n’était pas forcément la silhouette concernée. Mais après quelques semaines de probables – et si légitimes – cuites, Kawhi Leonard a annoncé faire voyager ses dreadlocks en Californie, laissant ainsi un effectif hasardeux à la ville canadienne. On ne dit pas que Fred VanVleet était en total surrégime lors des Finales 2019, simplement qu’il fut logiquement envoûté par une présence supérieure la sienne, se cantonnant alors à exceller dans son statut de role player. Un peu la même pour Pascal Siakam qui se suffisait de driver férocement à l’épaule, tout en affichant une belle efficacité de loin, un lieutenant polyvalent en somme. Mais Kawhi parti, Spicy P et Kyle Lowry ont dû se partager le lead, et par logique soustraction, Fred VanVleet devenir leur lieutenant. Une réorganisation un peu avare en prestige qui – même si elle a tenu une saison – vient de perforer l’exercice 2020-21 des Raptors, bons douzièmes de la Conf’ Est avec 27 victoires pour 45 revers. Bien que le changement soit brutal, beaucoup tendent à dire : « ouai mais Pascal Siakam, il s’en fout il a déjà un titre, c’est déjà une légende de Toronto non ? ». Certainement, mais comme disait un vieux pèlerin d’Aquitaine rencontré entre Périgueux et Bayonne, tu ne peux ignorer ta faiblesse, surtout quand ton passif est fort. Eh oui, cette aventure au début de récit fabuleux a donné envie à Pascalou de franchir de nouvelles étapes, parce qu’on ne se suffit jamais du boulot accompli. Le Camerounais va donc devoir se relever après une dernière saison terrible, sans l’impact qu’on lui connaissait, faite d’une petite embrouille avec Nick Nurse en fin de rencontre, d’un Covid-19 et sa soustraction de 9 kilos, ainsi que d’une blessure à nécessité chirurgicale en juin dernier. Cerise, Kyle Lowry s’est tiré pour la Floride et Jimmy Butler. En pleine convalescence, comment Pascal Siakam vit-il tout cela ?

« Je n’ai jamais été opéré auparavant, je viens d’Afrique. Normalement, si j’ai quoique ce soit, ma mère essaie de me donner un remède maison ou quelque chose qui peut guérir n’importe quoi. Je m’attendais à ce que ce soit pire, mais ce n’était pas aussi grave que je le pensais. Simplement, les deux ou trois premières semaines ont été les pires, juste parce que je ne pouvais pas dormir. J’ai dû dormir sur le canapé pendant deux semaines parce que je ne pouvais pas dormir sur le lit. » – Pascal Siakam, pour Sopan Deb du New York Times

Dans le plus grand des calmes, Pascal Siakam vient de lâcher une story bien marrante avec cette histoire de « remède maison ». Mais s’il est une chose vraie dans le monde, c’est que le degré de précision dans le boulot est rarement le même qu’aux States, et c’est tout à l’avantage des pays concernés, car la rigueur peut carrément en devenir glauque aux Zitazounis. Alors oui, une déchirure de la coiffe des rotateurs – qui n’est pas un nom de chapeau sur Dofus – sera compliquée à guérir sans intervention chirurgicale, mais l’idée est là, et à chacun sa méthode tant qu’elle fonctionne. Tout ça pour dire que, n’a-t-on pas tout ce dont l’on a besoin à disposition, finalement ? Sommes-nous obligés de transformer, de recourir à la chimie pour créer nos soins ? Éternelle controverse du progrès pour le progrès – qui n’a d’ailleurs pas grand chose à faire dans un papier sur Pascal Siakam – elle a au moins le mérite de nous offrir une belle ouverture sur la situation des Raptors : n’ont-ils pas tout ce dont ils ont besoin, avec Pascal Siakam ? Eh oui, après son départ, Kyle Lowry aurait confié les clés du camtar au Camerounais, qui a expliqué ces deux, trois petits sms « pleins d’amour », toujours à Sopan Deb du New York Times.

« Je ne dirais pas que j’ai été surpris (sur le départ de Kyle Lowry, ndlr) parce qu’évidemment, je pouvais le voir venir. Quand j’étais une recrue, il faisait partie de ces gars que nous admirions. On s’est envoyé des textos. Il m’a dit : “C’est ton équipe. Tu sais que je t’aime. Tout ce que nous avons traversé”. Honnêtement, c’est une légende de Toronto. Moi, je lui ai juste répondu : “Hé, bonne chance là-bas. Je te botterai les fesses quand je te verrai”. » – Pascal Siakam

C’est génial l’amitié, surtout entre deux gars qui n’auraient absolument pas dû se croiser au top niveau. Si cela fait longtemps que Kyle Lowry squatte l’urne aux grands noms, avec notamment 6 sélections au All-Star Game, on ne peut pas en dire autant pour Pascal Siakam dont le destin était voué… au commerce. À la lecture des détails de sa prolongation signée en 2019, à savoir 130 plaques sur 4 ans, il va sans dire qu’il aurait facilement pu intégrer HEC, mais en attendant, l’ailier-fort a confié « se voir sur le long terme » à Toronto. Il est ensuite revenu sur les critiques à son égard, et la difficulté avec laquelle il perçoit la négativité rattachée à son nom : « Merde, je suis une personne tellement positive, les gens qui me connaissent le savent ». C’est un peu le spleen du sportif que de voir l’extérieur le réduire à sa seule fonction, celle de fouler un terrain. Il est vrai que pour beaucoup d’observateurs, le blaze de Pascal Siakam n’évoque qu’un mauvais contrat, un gouffre financier. Mais finalement, quand il regarde en arrière, Spicy P ne peut qu’être fier du parcours.

« À ce moment-là (17 ans, ndlr), je ne pensais pas vraiment atteindre la NBA et devenir aussi grand. Être à ce niveau, gagner un championnat… je n’ai même jamais pu rêver de ces choses ! Un, parce qu’évidemment, le basket n’était pas mon premier choix. Et deuxièmement, je ne me voyais tout simplement pas accomplir cela. Et puis, je partais pour l’école de commerce à la base, j’avais prévu d’aller à la fac de commerce au Cameroun. » – Pascal Siakam, pour Sopan Deb du New York Times

L’interview est à retrouver en entier, juste-ICI !

« Un jour, je veux potentiellement devenir le MVP de la Ligue, mais je sais qu’il me reste beaucoup de choses à accomplir pour toper mon rêve ». Rêveur mais décomplexé, Pascal Siakam pue l’honnêteté et la coolitude. Il fait partie de ces garçons qui n’ont pas l’air du tout d’avoir changé à cause du succès, en espérant que cette simplicité repaie un jour.

Source texte : New York Times