Evan Fournier, l’interview avec TrashTalk après son transfert : “Boston, c’est un putain de challenge sportif !”

Le 26 mars 2021 à 16:52 par Bastien Fontanieu

evan fournier
Source image : TrashTalk

Transféré à Boston ce jeudi lors de la trade deadline après plusieurs journées passées dans les rumeurs, Evan Fournier est aujourd’hui un membre des mythiques Celtics. Mais avant de s’envoler pour rejoindre la franchise aux 17 titres, l’international français a accepté de nous donner quelques minutes pour parler de cette grande nouvelle. Interview Vavane x TrashTalk, en mode réactions à chaud et gros trèfle vert.

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TrashTalk : Merci Evan d’être avec nous, quelques heures après ton transfert à Boston ! J’imagine que tu dois être crevé après une semaine et une journée remplie d’autant d’émotions. J’ai une première question, ou plutôt deux : où es-tu actuellement et surtout comment ça va ?

Evan Fournier : Je suis chez moi (rires) ! Et ça va très bien, je suis vraiment content. Je suis très excité, c’est vrai que c’était une journée assez particulière, mais pas que pour moi. Il s’est vraiment passé beaucoup de choses, j’avoue ne même pas savoir tout ce qui s’est passé. Disons qu’à partir du moment où j’ai été transféré, j’ai un peu lâché. Mais je suis rentré en contact avec beaucoup, beaucoup de monde. C’est un peu la folie de la NBA en fait.

C’est sûr ! D’ailleurs, beaucoup de gens se demandent à quoi ressemble une semaine de trade deadline quand on est un joueur au centre des rumeurs. Tu réalises une grosse saison avec Orlando, tu faisais partie des noms les plus discutés dans toute la NBA, comment ça s’est passé pour toi dans cette semaine d’incertitude et de rumeurs dans tous les sens ?

EF : Sincèrement ? J’en avais profondément rien à cirer, de toutes ces rumeurs et possibilités de transferts. Parce qu’en fait, au final, moi il fallait que je fasse mon taf tu vois ? Il fallait que j’aille sur le terrain et que je performe. Des rumeurs il y en a autour de moi depuis 3-4 ans, et je suis toujours resté à Orlando. Donc sincèrement, moi j’y faisais pas attention. Pour te donner une idée, ce matin j’avoue j’étais un peu sur Twitter pour voir ce qui se disait… mais en vrai j’étais surtout concentré sur le match de demain contre Portland (NDLR : Orlando reçoit les Blazers ce vendredi). Bon, au final je ne le jouerai pas ce match, mais pour moi c’est le seul moyen d’être vraiment performant. Il faut que je sois complètement investi dans ce que je fais, et je ne peux pas penser à autre chose. Donc j’en avais vraiment rien à cirer, franchement.

Au moins c’est très clair (rires). C’est vrai qu’on a vu que tu étais concentré contre les Suns ! Tu mets un tir de la victoire à domicile pour ce qui est ton dernier match avec Orlando, à la maison, c’est quelque chose ça quand même.

EF : C’est un gros dernier back-to-back. Parce que la veille on joue Denver et c’est vrai que c’était un match particulier. J’avais à coeur de donner tout ce que j’avais, donc j’ai bien fini avec le Magic, j’ai pas de regrets et maintenant c’est on to Boston !

Une vraie page qui tourne aussi, car mine de rien ça faisait quoi… 7 ans que t’étais à Orlando ?

EF : Ouais, 7 ans c’est ça.

Justement on voulait revenir là-dessus avant de parler des Celtics. Après ton match contre Phoenix tu as réalisé une conférence de presse dans laquelle tu avais l’air assez ému. Josh Robbins, de The Athletic, te demandait ce que cela représentait pour toi le Magic. Et c’est vrai qu’on oublie souvent que ce n’est pas qu’un joueur qui est transféré, c’est aussi l’homme. Tu as connu beaucoup de choses à Orlando.

EF : En fait, la question était posée sous la forme suivante : qu’est-ce que la ville d’Orlando veut dire pour toi, et à quel point ça a pu compter dans ta vie ? Et j’ai répondu en effet en disant que ce n’était pas que ma carrière de joueur qui était concernée, c’est aussi ma vie d’adulte et en tant que personne ! Parce que je suis arrivé quand j’avais 21 ans, maintenant j’en ai 28, je suis un homme complètement changé. Je me suis marié avec ma femme qui à l’époque était ma copine, j’ai un enfant qui est né ici, j’ai perdu beaucoup de cheveux (rires), mais ce que je veux dire par là c’est que c’est une expérience humaine qui a été vraiment forte. Et comme je l’expliquais lors de cette interview, j’ai quitté Charenton lorsque j’avais 13 ans. Et depuis que j’ai bougé de Charenton, je ne suis jamais resté plus de 2 ans dans la même ville. Là en 7 ans, j’ai eu le temps de vivre beaucoup de choses et m’attacher à beaucoup de personnes. Les potes, la famille qui est venue ici, les commerçants du coin,… Quand je parle de la franchise, je suis quelqu’un qui m’investis pleinement dans tout ce que je fais, donc quand je fais quelque chose je le fais à 100%. Parce que je suis comme ça. Donc forcément quand tu t’investis autant, et que tu pars et tu dois tourner la page, c’est un peu triste. C’est la vérité. Et d’ailleurs quand je suis allé faire ma tournée pour dire au revoir aux gens aujourd’hui, les gens étaient émus tu vois, parce que je suis quelqu’un d’entier. Y’en a qui m’aiment pas, ça me va très bien, et y’en a qui s’attachent beaucoup à moi, et c’est très bien aussi.

Cette image tu l’as véhiculée depuis des années et on a pu le voir. C’est donc une page qui se tourne, j’imagine que t’as pu en parler avec Nikola (Vucevic) qui lui aussi a un nouveau challenge du côté de Chicago ?

EF : C’est clair que c’est une page qui se tourne. Surtout que le Magic, là ils partent en mode rebuild, et moi c’est tout l’inverse. On est sur deux dynamiques très différentes, donc là tu tournes la page et c’est un virage à 180 degrès. Et je suis excité tu vois, parce que Boston c’est un très beau défi sportif. C’est exactement ce qu’il me faut à ce stade de ma carrière. Orlando il y a eu plusieurs années compliquées, heureusement Cliff (Steve Clifford, le coach) est venu et on a réussi ensemble à inverser la tendance en retrouvant les Playoffs et en donnant aux fans quelque chose dont ils pouvaient être fiers. Là à Boston, franchise mythique, si tu joues pas bien les gens sont vite vénères. Et moi ça me fait beaucoup de bien car j’aime cette pression-là. Pour être honnête, je suis fait pour ce genre de défi, ça me pousse à être meilleur d’être sous pression.

Boston, justement ! Sur cette saison régulière c’est moins bien que les précédentes mais cela reste une équipe avec de très grosses ambitions. Depuis l’officialisation de ton transfert, donc en quelques heures, est-ce que t’as déjà pu parler avec le front office des Celtics ? Ou même le coaching staff, afin de savoir quel rôle ils attendent de toi ?

EF : C’est une question que beaucoup de monde me pose, elle est légitime. Mais la vérité, c’est que c’est trop tôt. On parle pas vraiment de ça. Les premiers mots d’un coach ou d’un general manager, c’est pas vraiment ce qu’on attend de toi, ou tu feras ci tu feras ça. D’abord on se présente, on se demande comment ça va, ce genre de choses. Tout le reste ça viendra là avec le temps. C’est vrai que Boston a un bilan qui est en-dessous de ce qui pouvait être attendu, mais il faut aussi comprendre les circonstances. Ils ont dû jouer plusieurs matchs avec Kemba (Walker) qui était blessé, c’est une des équipes qui a été le plus touchée par le Covid, je crois qu’ils ont eu 3 ou 4 cas dont Jayson Tatum. Du coup ils ont dû jouer plusieurs matchs où ils étaient vraiment 7-8, et c’était un peu la merde. Clairement pas des conditions idéales pour performer. Mais l’an dernier ils ont été en finale de conférence alors qu’ils ne pouvaient pas trop compter sur Gordon Hayward, donc ça reste un gros calibre. Disons que là ils sont un peu hors-rythme, et j’espère justement pouvoir aider à inverser la tendance.

Pour inverser cette tendance justement, il faudra aussi compter sur des joueurs comme Jaylen Brown, Kemba Walker et Jayson Tatum dont tu parlais à l’instant. Petite question trashtalking en passant, est-ce que tu as pu leur envoyer un petit clin d’oeil bleu-blanc-rouge, vu que tu les avais battus au dernier Mondial avec l’équipe de France ?

EF : (rires) Non, pas encore. Mais t’inquiète, ça va se produire c’est sûr.

Tu réalises peut-être ta meilleure saison individuelle en carrière, avec près de 20 points de moyenne. T’es en forme, t’as été clutch, là t’arrives dans une équipe où le ballon circule. Il y a du catch-and-shoot de possible, tu peux avoir la balle dans les mains et des shooteurs autour de toi, tu peux aussi être servi par des gars qui pénètrent et te donnent des tirs ouverts. Est-ce que ça aussi c’est une perspective qui t’excite, vu que ce sera assez différent de ce que tu as vécu à Orlando ?

EF : Oui, après ça reste à voir car c’est encore trop tôt pour parler de comment je vais jouer avec eux. Mais je vois la façon dont ils ont utilisé Gordon Hayward par exemple précédemment, c’est un rôle intéressant. Bien évidemment tu as Jayson Tatum qui aura souvent la balle car c’est lui le premier scoreur, mais tu as beaucoup de mouvement de balle, des bons joueurs qui peuvent sanctionner. Tatum il y a beaucoup d’isolations, de un-contre-un. Et même si une de mes forces c’est de créer sur pick and roll, je pense qu’ils sont déjà servis à ce niveau-là donc je vais surtout pouvoir les aider sur du catch-and-shoot. C’est une de mes forces dans ma palette offensive, je peux faire beaucoup de choses différentes. Donc s’il faut que je fasse plus de catch-and-shoot que d’habitude, je le ferai avec plaisir car l’objectif avant tout c’est d’aider à faire gagner l’équipe. S’il faut aider dans un secteur particulier, je le ferai.

On a pu discuter ensemble de la folie que représentait cette trade deadline. Il y a un garçon qui a été transféré et on ne s’y attendait pas vraiment, c’est ton pote Nikola Vucevic à Chicago. Je t’avoue que de notre côté, on était assez surpris car ton nom et celui d’Aaron Gordon circulaient beaucoup plus dans les rumeurs que le sien. Tu as pu en parler avec lui ?

EF : Bien sûr, il vient de m’écrire d’ailleurs à l’instant. Et il est déjà à Chicago. En fait pour être totalement honnête, ce jeudi matin je discutais avec mon gestionnaire de patrimoine. Il était 11h, et à 11h03 Nikola il est transféré. Et c’est ma femme qui est venue me voir pour me dire que Niko avait été envoyé à Chicago. Donc là si tu veux (il siffle), j’ai senti que ça allait vite bouger. Dans la journée j’allais être transféré, c’était sûr. Quand j’ai vu ça je me suis dit, tout le monde dégage. Tapis, salon, moquette, tout dégage. Donc oui j’étais vraiment surpris.

Tu m’étonnes. On voit Chicago qui bouge, d’autres équipes qui ont bougé à la deadline, on devait te poser une question concernant une franchise dont tu as souvent parlé publiquement avec beaucoup d’appréciation : les Knicks. Tu n’a jamais caché ton plaisir de jouer au Madison Square Garden, et on les a vus dans les rumeurs te concernant. Tu as senti qu’ils étaient vraiment chauds sur toi, ou pas tant que ça finalement ?

EF : Ah si, ils étaient chauds de fou. Bien sûr. Et j’étais au courant de ça, il y avait plusieurs équipes qui étaient chaudes sur mon dossier, mais les deux qui étaient vraiment les plus actives étaient Boston et New York. Il y avait Denver aussi, Dallas également. Mais je suis vraiment super content du résultat final, de là où j’atterris.

Franchise mythique, beau challenge sportif ! Nous on y croit fort, on pense que ça va le faire pour toi et que tu vas performer dans ce groupe. Quand on voit leurs dernières saisons, il y a de la finale de conférence à plusieurs reprises. Toi tu as ce genre d’objectif ? Passer un tour, peut-être deux tours de Playoffs si possible ?

EF : Ils sont en finale de conférence la saison dernière. Donc normalement, tu veux faire mieux la saison suivante, ou au moins aussi bien. C’est comme ça que les équipes fonctionnent. Mais c’est quand même une franchise qui est allée 3 fois en finale de conférence sur les 4 dernières saisons, ce groupe avec Tatum et Brown notamment. C’est énorme, donc c’est une équipe qui a du vécu. Je pense que s’ils n’arrivent pas à nouveau à ce stade-là, ce sera une déception. Y’a un putain de challenge sportif qui nous attend, et j’ai hâte en fait. J’adore l’équipe de France, mais là c’est un challenge tout nouveau. Et je le vois là depuis quelques heures, quand t’atterris chez les Celtics tu vois que t’es dans une franchise totalement différente des autres. Orlando ils ont une fanbase sympathique, vraiment, mais là Boston c’est un autre délire. J’ai des trèfles partout !

C’est clair que les fans de Boston, c’est pas une légende… Dernière question pour finir, qu’est-ce qu’on peut te souhaiter justement sur cette fin de saison et cette nouvelle aventure avec les Celtics ?

EF : Tout simplement de bien jouer, et aller le plus loin possible avec eux. Je peux pas me donner des objectifs que je ne contrôle pas, là je viens d’être transféré donc on va bien voir ce que ça va donner par la suite.

Tiens une dernière pour finir : si tu te retrouves en demi-finale de conférence cette année, tu préfères jouer les Bucks, les Sixers ou les Nets ?

EF : Milwaukee. Je peux pas te donner une explication complète mais ouais je dirais Milwaukee.

On espère qu’il y aura ce duel alors ! Et bien Evan merci encore pour cette interview, dans une journée qui a été bien chargée et remplie en émotions. Nous évidemment on continuera à suivre tes aventures, des milliers de gens te regardent jouer ici en France tous les soirs sache que t’as beaucoup de gens qui sont contents de ce transfert pour toi. Et on est évidemment contents que tu restes sur la Côte Est pour te regarder jouer à 1h du matin.

EF : (rires) Merci les gars, à bientôt !