La génération Thunder 2012 et sa part d’ombre : incapacité à partager la lumière, pas de remise en cause, et KD qui sauve un peu les meubles

Le 09 déc. 2020 à 18:55 par Alexandre Taupin

Thunder durant harden westbrook
Source image : Youtube

Leur dernier match ensemble remonte à juin 2012, un Game 5 des Finals perdu dans les grandes largeurs contre le Miami Heat des “Tres Amigos”. Depuis, Kevin Durant, Russell Westbrook et James Harden ont chacun tracé leurs routes, avec leurs lots de succès et de greatness, mais aussi d’échecs et de remises en cause. Mais alors que le premier a réussi à dépasser les critiques grâce à ses titres, les deux autres continuent encore et toujours à déchaîner les passions à cause de leurs choix et de leurs tempéraments. 

En France, quand on pense à une génération de joueurs compliquée, le premier réflexe est de se tourner vers… les footeux de 1987 avec autant de talent que de melon. Un mélange compliqué qui peut te jouer des tours et flinguer des carrières entières. Avant que les fans du Thunder sortent le lance-flamme, on va mettre les choses au clair : Kevin Durant, Russell Westbrook et James Harden ont chacun accompli des carrières extraordinaires et leurs billets pour le Hall of Fame sont déjà validés, en first ballot. Toutefois, il est intéressant de voir avec quelle manière certains d’entre eux cherchent à atteindre les sommets. Pour faire simple, on ne remet pas en cause leurs qualités de joueur de basket mais plutôt leur mental et les décisions prises pour orienter leurs carrières respectives. Allez, tour d’horizon.

Kevin Durant, celui qui sauve la mise sur ce trio légendaire de 2012, le Karim Benzema de la promo. On peut toujours critiquer le fait que KD ait rejoint les Warriors, une équipe déjà très forte, une équipe qui l’avait elle-même bouté hors des Playoffs la saison précédente, mais au moins il a sorti la grosse perf’ quand il fallait et il a plus que mérité les titres et les récompenses obtenues dans la foulée. Le challenge n’était peut-être pas incroyable mais au moins, il aura deux bijoux au moment de raccrocher les sneakers. Le point qui fâche quand on parle de Kevin Durant ? Sa relation avec les médias, sa communication de manière globale. En bref, voilà un homme qui se sent encore dans l’obligation de se justifier par rapport à 2016 et sur la légitimité de ses titres. A Brooklyn, Durant a décidé de rejoindre Kyrie Irving et leur duo s’annonce aussi explosif sur le terrain que devant la presse où ils vont être TRÈS scrutés. Pas forcément le bon partenaire pour améliorer ses skills surtout que ce dernier est très bon niveau théorie du complot et médias.

Maintenant qu’on a abordé la partie lumineuse du trio, attaquons-nous aux “vilains petits canards”. On commence avec l’ancien complice de KD chez le Thunder, Brodie. Joueur aussi aimé que détesté par les fans, Russ ne laisse personne indifférent. Abandonné par le Snake en 2016, il était enfin devenu “the man”, le point central de sa franchise, celui qui avait carte blanche pour faire ce qu’il voulait. Le résultat ? Trois saisons consécutives en triple-double et une place de choix dans les livres de stats de la ligue pour très, très, très longtemps. Le point noir dans tout cela ? Le Thunder stagnait pendant ce prime historique. Rappelez-vous cet épisode de Game of Zones où James Harden dit à Russell Westbrook que désormais, en effet, il peut faire tout ce qu’il veut, anything except …win. Parce que oui, Brodie était devenu la star, mais un joueur qui semblait plus attiré par son propre héritage statistique que par la victoire. Très vite, il fut accusé de stat padding, c’est à dire de vouloir noircir la feuille au max, de jouer pour sa pomme quoi. Un constat partagé par Zach Lowe d’ESPN. Même sur le terrain, il semblait évident que ses coéquipiers le laissaient récupérer des rebonds gratuits pour qu’il atteigne les dix. Une petite preuve ? Regardez le différentiel entre le nombre de rebonds défensifs et offensifs d’un pivot titulaire en NBA, peu importe si c’est un All-Star ou un mec moyen. Entre 70 à 85% (environ) de leurs rebonds totaux sont des rebonds défensifs. Normal, ce sont ceux où ils ont la position préférentielle. Regardez à présent les chiffres de Steven Adams au Thunder sur la période en question : on est à 50% voire pire, une aberration. Mais oublions cet aspect statistique deux minutes, car le départ de Westbrook vers Houston était supposé mettre un terme à cette réputation de joueur de stats avec moins de responsabilités et plus de victoires collectives. Malheureusement pour lui, la saison des Rockets a tourné court, la faute à une complémentarité douteuse entre les deux MVP et un TGV Lakers pris en plein dans la tronche. Si on pouvait s’attendre à une nouvelle campagne en duo, les joueurs ont préféré faire part de leurs envies respectives de quitter le navire. Le motif de Russell Westbrook ? Retrouver un rôle similaire à celui qu’il avait au Thunder… Donc un gars qui fait ses stats et ne passe jamais un premier tour en Playoffs ? Ok, mais tant qu’il n’aura pas compris que son jeu (et son rôle) doivent évoluer pour aller chercher un titre, il continuera à accumuler les critiques.

On finit notre barbecue par le plus barbu du lot et ça tombe bien, prendre feu c’est justement la spécialité de notre ami James Harden. Rapidement émancipé du cocon Thunder en 2012 grâce à un trade qui l’a alors envoyé à Houston, el Barbudo n’a pas tardé à montrer tout le potentiel qu’on lui prédisait et c’est donc tout naturellement qu’il est devenu le leader de cette équipe déjà managée à l’époque par Daryl Morey. Le combo guard était vraiment au centre du projet voulu par le nouveaux boss des Sixers, et l’idée était de lui filer les clés du camion et qu’il porte la franchise sur ses épaules. Super, parfait, bon boulot les copains, vous avez votre superstar. Ouais mais. Parce qu’à force de dire à James Harden qu’il est la star et qu’on fait tout pour lui plaire, il finit par accepter cette idée et il fait ce qu’il veut. Tu lui donnes Dwight Howard pour l’aider à gagner ? Boarf, je l’aime pas trop pas donc ça dégage. Tu transfères Chris Paul pour viser le titre ? Même constat. On pensait enfin le problème réglé avec Russell Westbrook, l’un de ses très bons amis dans la vie mais même là, ça n’a pas semblé évident de voir les deux compères sur la même longueur d’onde. On peut reprocher des trucs à l’ancien marsupilami du Thunder mais on peut surtout aller chatouiller James sur son caractère de diva. Quid de cette réunion d’équipe où il ne s’est pas senti concerné lorsqu’il a fallu parler de ses défauts ? Belle image de leader, celui qui passe son temps à reprendre ses coéquipiers alors que lui-même accapare la balle pendant quinze secondes sur chaque possession. James Harden est un joueur incroyable, l’un des plus grands attaquants de tous les temps sans aucun doute, mais il vit dans sa bulle, il ne veut pas changer. Quand on a analysé le transfert de Russ vers D.C, on a tous eu le même réflexe, “au moins Beal sait jouer sans ballon donc ça devrait aller mieux”. Mais le barbu aussi pourrait jouer sans ballon, c’est un des meilleurs shooteurs de la ligue ! Le voir jouer des séquences sur catch and shoot comme peut le faire Steph Curry par exemple, ce serait super mais non… veut pas. Prêt à forcer son départ vers Brooklyn, la star texane sait exactement où il se voit dans l’avenir, mais encore faut-il qu’il sache se remettre en question au moment attendu. Qui sera le leader chez les Nets ? Qui devra apprendre à lâcher la balle a minima pour pouvoir coexister avec d’autres stars, ce qu’il n’a jamais réussi jusqu’à présent ? Ça sonne comme une évidence, mais malheureusement ce n’est pas le cas.

Maintenant qu’on a bien jeté de l’huile sur le feu… comment imaginer l’avenir ? Pour Kevin Durant, la question est assez simple : il suffira qu’il récupère tous ses moyens physiques pour revenir dans le top 3 des meilleurs joueurs de la NBA, c’est quasi mathématique. Pour les autres, le changement doit peut-être intervenir dans la manière de penser ou le style vestimentaire de jeu à adopter. Pour Russell Westbrook, il s’agira par exemple de travailler son tir longue distance pour mieux s’associer à un gros porteur de ballons ou alors à terme opter pour un rôle moins flashy mais plus efficace. Pourquoi ne pas l’imaginer d’ici deux-trois ans (à 34-35 ans) comme un sixth man capable de démembrer toutes les secondes units chez un contender ? Aujourd’hui l’idée est incongrue mais le voir accepter un jour ce rôle prouverait sa hargne dans sa quête du titre et son héritage n’en serait pas amoindri, loin de là. Il aura mis son talent au service du collectif au lieu de penser à ses stats, alleluia. Bob McAdoo l’a fait avec les Lakers, Manu Ginobili chez les Spurs également, et ils n’ont pas à le regretter aujourd’hui. Pour James Harden ? L’objectif sera d’apprendre à briller lorsqu’il est accompagné de joueurs de sa trempe. Qu’il aille à Brooklyn, aux Sixers ou ailleurs, il trouvera des cadors à côté de lui et l’objectif sera de faire en sorte que chacun y retrouve son compte. Il est le meilleur attaquant de la ligue, un joueur qui peut accaparer des défenses par sa seule présence dans un coin du terrain avec ou sans ballon. Ramesse tourne aujourd’hui à 36% de loin avec beaucoup de shoots difficiles, des shoots contestés voire impossibles à rentrer. Gros, profite voir de la présence d’un KD ou d’un Kyrie pour t’offrir le spot wide open et inversement, va offrir les boulevards aux autres lorsque tu es en feu. JH a tout pour prouver qu’on peut peser autant sur la win, même avec moins de scoring. Lorsque D-Wade a vu LeBron James débarquer à Miami, il n’est pas devenu un simple plot dans le corner qui attendait le ballon, il s’est adapté aux forces de son nouveau coéquipier (et inversement) et chacun a pu briller d’une façon différente. Le résultat ? Deux titres et quatre finales en quatre ans. En s’associant à KD (et Kyrie dans le rôle du troisième homme), James a tout pour obtenir au moins autant de succès.

Amoureux des stats, incapables de partager la lumière (et la balle), James Harden et Russell Westbrook sont aujourd’hui dans l’obligation d’apporter un peu de variété à leur façon d’être et/ou de faire. Afin de finir leur carrière sur une vraie bonne note collective, il faudra peut-être une ultime remise en cause pour atteindre le graal : le titre NBA. Et s’il leur faut un petit conseil ou deux, ils ont toujours le numéro de KD. 

Source texte : Rockets Wire / ESPN / BasketBall Reference / The Sports Rush