Ils sont nés 30 ans trop tôt : Dan Majerle, le style de jeu actuel est juste son plus grand rêve

Le 30 avr. 2020 à 15:51 par Alexandre Martin

Dan Majerle Suns
Source : un bon vieux screen YouTube

Dan Majerle est né en septembre 1965. S’il était né 30 ans plus tard, c’est à dire en septembre 1995, il irait donc sur ses 25 ans, au moment où ces lignes s’écrivent aujourd’hui en 2020. Il serait en train d’aborder son prime dans une NBA au jeu tellement fait pour lui qu’on en parlerait très sérieusement dans notre Top 6 des meilleures arrières de la saison chez TrashTalk. Et ouais, rien que ça…

“Vous serez désolés d’avoir hué ce jeune homme”

Ces mots sont ceux de Cotton Fitzsimmons, un entraîneur et un homme très important dans l’histoire des Suns. Nous sommes le 28 juin 1988. L’ami Cotton s’apprête à entamer son deuxième mandat sur la banc de la franchise d’Arizona (il en fera trois en tout) et avec le 14ème choix de la Draft, Phoenix vient de sélectionner un blondinet répondant au nom de Daniel Lewis Majerle en provenance de l’Université de Central Michigan. Un choix que les fans ont donc accueilli avec quelques huées, certainement afin de mettre en confiance le petit nouveau. Mais en vieux renard de la balle orange, Coach Fitzsimmons avait raison à 100%. Les huées ne vont pas mettre bien longtemps avant de se transformer en applaudissements puis carrément en ovations.

Car Dan Majerle est un vrai gros bosseur. Durant ses trois premières saisons, il ne va cesser de progresser, d’augmenter sa production. Il n’a pas énormément de responsabilités offensives. Celles-ci sont majoritairement confiées au duo Kevin Johnson – Tom Chambers épaulé successivement par des gars comme Eddie Johnson et Jeff Hornacek. Pour autant, Majerle s’impose dans la rotation non seulement parce qu’il s’améliore vite en attaque mais surtout parce qu’il défend le plomb. Il oscille entre le poste 2 et le poste 3 et ça lui est bien égal. Tous les soirs, lorsqu’il surgit du banc, il s’occupe du meilleur extérieur adverse. Il lui impose ses 198 centimètres équipés d’une bonne centaine de kilos de muscles soigneusement entretenus à la salle. Dan est dur sur l’homme, il se déplace vite latéralement et il a la mentalité qui va avec. Bref, il aime défendre et il en a les moyens. D’ailleurs, pour sa troisième saison (1990-91), il sera élu dans la All-NBA Defensive Second Team aux côtés de Scottie Pippen, Hakeem Olajuwon, John Stockton et Joe Dumars.

De plus, on voit déjà bien le potentiel athlétique du garçon, sa capacité à fendre les airs (et les défenses) pour aller claquer des dunks féroces qui lui vaudront très vite le surnom de “Thunder Dan”. Lors de la saison 1991-92, alors qu’il est toujours utilisé en sortie de banc, Dan Majerle passe un cap. En 35 minutes de moyenne par match il envoie plus de 17 points à 48% au tir dont 38% de loin avec 6 rebonds, plus de 3 caviars et 1,6 interception. All-Star le monsieur ! Et les Suns hésiteront d’autant moins à lâcher Jeff Hornacek dans le trade qui va permettre l’arrivée de Charles Barkley. Car ils ont leur arrière titulaire, c’est un grand blond qui défend fort et shoote très efficacement de loin. Depuis le poste 2, Majerle va également montrer qu’il peut être agressif vers le cercle balle en main sur demi-terrain et pas seulement en transition. De nouveau All-Star en 1992-93, Dan Majerle sera surtout le vrai lieutenant du MVP Barkley sur la saison – pendant que Kevin Johnson se verra très handicapé par les blessures – au sein de ces Suns magnifiques qui finiront avec le meilleur bilan et la meilleure attaque de la ligue. En Playoffs, ce bon Dan va continuer d’assurer avec en point d’orgue ce match 5 énorme en finale de conférence face aux Sonics (34 points à 12/17 au tir, 8/10 à 3 points) et ces Finales de très haut niveau : 17,2 points (43,5% de loin), 8,2 rebonds, 3,7 passes décisives, 1,3 interception et 2,2 contres de moyenne sur les 6 matchs de cette série perdue contre les Bulls.

On n’en parle pas souvent car il a pris (et pas juste lui) une sauce incroyable de la part d’un Michael Jordan injouable mais un paquet d’équipes actuelles voudraient bien avoir dans leurs rangs un arrière capable d’envoyer ce que Dan Majerle a envoyé en Finales NBA. Majerle a fait ses meilleures saisons dans la première moitié des années 90, époque où le jeu était plus lent qu’aujourd’hui et surtout où les espaces n’étaient pas exploités de la même manière. En terme de pace (nombre de possessions par équipe par match), on est à 97,8 sur l’exercice 1990-91 et on descend à 92,9 en 1994-95, saison lors de laquelle Majerle est All-Star pour la troisième et dernière fois. En 2019-20, la pace est à plus de 100 et il est tout à fait possible que cela monte encore dans les prochaines années. De quoi faire rêver Thunder Dan. De quoi faire fonctionner un peu notre imagination…

Si Dan Majerle était né en 1995 au lieu de 1965, il serait arrivé en NBA disons en 2015 à 20 ans (1 an ou 2 max en NCAA). Aujourd’hui, il aurait donc déjà passé 5 saisons sur les parquets. Et en se basant sur l’utilisation de ses qualités intrinsèques dans le jeu actuel, on peut présumer d’un succès plus grand que dans les 90’s. Poste 2, capable de shooter à 38% et plus de loin sur des vrais gros volumes. Car oui, si la pace est supérieure aujourd’hui sans que ce ne soit choquant, le nombre de trois points pris en moyenne par chaque équipe a tout simplement quadruplé par rapport au début des années 90. En 1993, les très offensifs Suns prenaient environ 14 tirs lointains par match ce qui était largement au-dessus de la moyenne nationale de 9 et plus de 5 de ces trois points étaient l’oeuvre de Mister Majerle. Imaginez-le en 2020 dans n’importe quelle équipe NBA prenant au minimum 30 trois points par soir et parfois jusqu’à 40… Bien évidemment, il y a plus de shooteurs aujourd’hui mais Majerle ferait probablement partie des meilleurs. Il avait tout : la gestuelle, la vitesse pour dégainer, les appuis, le sang-froid sans oublier que la distance Curry (également appelée distance Lilllard ou distance Trae Young) ne lui faisait absolument pas peur.

Imaginez un arrière costaud, rapide, létal en transition, capable de créer balle en main comme de punir en catch and shoot tout en rentrant quasiment 40% des 8 tirs à 3 points qu’il prend chaque soir… Voilà qui nous donne allez disons 22 ou 23 points en tant que deuxième option offensive d’une bonne équipe (une quinzaine de tirs par match). Ajoutez à cela 6 ou 7 rebonds, 3 passes décisives, au moins 1,5 interception et de la grosse défense sur le meneur, l’arrière ou l’ailier adverse en fonction des besoins de l’équipe. Vous obtenez un arrière complet avec une ligne de stats et la polyvalence d’un All-Star régulier. Un All-Star qui pourrait faire penser à un Klay Thompson en moins pur shooteur mais en plus incisif en drive par exemple. Quitte à faire des comparaisons, autant y aller franchement !

Au-delà de ces projections ou comparaisons, Dan Majerle fait partie de ces joueurs qui ont réussi une belle carrière à leur époque mais qui auraient très certainement pu faire mieux à l’époque actuelle. Juste en étant lui-même. Juste parce que le jeu semble fait pour lui aujourd’hui. Juste parce qu’il est né 30 ans trop tôt…


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